On ne bouge plus de Rémy Berthier
On ne bouge plus conçu et interprété par Rémy Berthier.
La compagnie Le Phalène dont le directeur artistique est Thierry Collet, propose des spectacles de magie et de mentalisme depuis de nombreuses années.
Avec toujours un savant mélange de réel, de philosophie et parfois même d’une petite dose de fantastique, Thierry Collet prend un malin plaisir à nous perdre, à effacer nos repères, à nous faire prendre part à des expériences de groupe pour mieux nous démontrer ensuite quels subterfuges il utilise pour nous amener dans sa direction. En nous dévoilant ces processus, il cherche aussi à nous prouver comment d’autres, dans la vie de tous les jours, les utilisent à nos dépends.
Devant le succès grandissant de ses créations, il commence à déléguer ces spectacles, comme On ne bouge plus que Rémy Berthier a conçu, avec l’aide pour la mise en scène, de Jade Duviquet.
Le public prend place dans un gradin semi-circulaire; Rémy Berthier nous souhaite la bienvenue dans son atelier de taxidermie, et nous explique cette passion qui consiste à redonner vie aux animaux qui ont été chassés ou qui ont partagé la vie de leurs propriétaires.
Il pense que le public est venu avec un animal, bien sûr, décédé depuis moins de quarante-huit heures, sinon c’est trop tard pour la taxidermie… Il récupère sous un siège une mallette d’où il tire un lapin mort (faux!) qu’il va tenter de naturaliser en nous expliquant les différentes étapes et notamment comment conserver les fameux 21 grammes de l’âme de l’animal.
Bien sûr, cet atelier de travail s’emballe et la magie fait peu à peu son apparition. On y retrouve des tours classiques comme la carte à découvrir, le mot dans un livre pris au hasard par un témoin que Rémy Berthier va aussi trouver, la disparition/réapparition dans une caisse), des tours plus liés au mentalisme (on nous demande de fermer les yeux et d’imaginer une scène précise que la plupart du public visualise de la même façon) et d’autres plus spectaculaires (le couteau dans le bras, le fil sorti de l’œil, le feu sur la peau et la marche sur du verre).
Le thème de la taxidermie est évidemment une mine pour développer l’écriture de Thierry Collet : l’idée de la mort, l’attachement à un animal, cet inconnu qui est un être vivant, si loin mais si proche de nous…
Rémy Berthier n’hésite d’ailleurs pas à devenir animal et tente aussi de se naturaliser lui-même. Il est accompagné d’un assistant, Yann Struillou, qui ne manque pas une occasion de le mettre en difficulté, allant même jusqu’à tenter de lui faire boire du white-spirit, ou de le laisser enfermé dans la caisse… On sent un vieux contentieux entre les deux personnages !
Ceux qui connaissent déjà le travail de Thierry Collet ne seront pas étonnés par ce spectacle, même s’il n’est qu’ «accompagnateur au développement du projet» dont Rémy Berthier est le concepteur et l’interprète, mais on sent bien ici la patte du créateur de Qui Vive ou d’Influences.
L’agrégat de techniques de magies déjà connues et expérimentées dans ses autres spectacles ne prend pas toujours, et tient parfois d’un enchaînement de tours qu’il doit placer dans le temps du spectacle. Il y a aussi l’abondance du propos, philosophique et aux frontières avec le réel : on ne sait plus alors très bien où l’on navigue et on perd parfois le fil de la pensée du personnage malgré une interactivité très soutenue.
Ceux qui découvriront cet univers seront peut être un peu perdus mais aussi surpris par l’abondance de tours, sur ce créneau, encore assez original qu’occupe Thierry Collet et sa compagnie Le Phalène.
Même si On ne bouge plus n’est peut-être pas son meilleur spectacle, il reste un artiste magicien en constante recherche, et occupe une place à part sur la scène actuelle.
Julien Barsan
Spectacle vu à la Ferme du Buisson.