Ca ira/ Fin de Louis

09-06re369

 

Ça ira (1) Fin de Louis, une création théâtrale de Joël Pommerat

 

Pour Joël Pommerat, Louis XVI, seul personnage historique nommé ici, est une énigme autour de laquelle gravite une myriade d’anonymes, même s’ils sont probablement les répliques de figures légendaires. Le spectacle balance ainsi entre  fiction et réalité historique.
Le public est invité à une manifestation théâtrale de l’événement fondateur de nos démocraties européennes : la Révolution Française, à travers un esprit dialectique vif, soutenu par les idées de liberté, égalité et fraternité. Les instigateurs et suiveurs, manipulateurs et manipulés,  se posent des questions sur les intentions royales et sur leur vie à eux.                                     
Le monarque est l’un des fils conducteurs de cette séquence de notre Histoire, depuis la crise financière de 1787 jusqu’au printemps 1791, peu avant la tentative de fuite de Louis XVI et Marie-Antoinette,  dernière chance pour eux. Auparavant, se succèdent séances de débats, avec premier ministre, clergé, noblesse, députés  et  président de séance.Comme, entre autres, le  blocage des États Généraux avant la déclaration de l’Assemblée nationale.

Sur la scène mais aussi dans la salle où survient à l’improviste, depuis le haut des gradins, le roi en costume- cravate, telle une apparition sacrée et un portrait contemporain en majesté, avec  son entourage,  des députés et des Parisiens dans leurs lieux de réunion, comme la résidence royale et l’Assemblée nationale à Versailles, l’Hôtel de Ville, et les quartiers de la capitale.  Là, règne l’art du conflit révolutionnaire, de la dispute et des ruptures temporaires ou définitives. Ainsi, contradiction, opposition, argumentation, thèse et antithèse, s’épanouissent à tort et à travers, et alimentent l’intrigue, avec des mouvements en eaux troubles-risques et menaces-jusqu’à parvenir à la «vraie liberté» arrachée aux oppressions.

Le verbe et le geste vindicatif et glorieux des députés, représentants du peuple, et privilégiés, debout au milieu du public, face à l’assemblée réunie, retiennent d’emblée l’attention, et, entre fractures collectives et comportements individuels, nous font passer d’un camp à l’autre…
Nous  assistons à une Histoire qui s’accomplit sous nos yeux, comme si elle était actuelle, dans un contexte difficile : pénurie des vivres à Paris  comme en province, magasins vides et famine, alors que l’on réfléchit à la réorganisation du pouvoir et à l’homme nouveau, mu par des valeurs citoyennes de partage et d’échange humanistes !

Cette fresque correspond à notre inquiétude quant à la chute des valeurs démocratiques en Europe, et l’œuvre de Joël Pommerat est portée par un souci politique d’interroger notre présent, dont les failles socio-économiques et morales s’approfondissent. Les comédiens talentueux, hommes et femmes, avec micro HF, en costume/cravate, incarnent  surtout les représentants du peuple en colère mais interprètent aussi les citoyens des comités de quartier à la mise plus modeste.  Sur le bureau des politiques , les dépêches se succèdent…
Mais, dans cette grande et longue messe citoyenne et médiatique, (plus de quatre heures !) façon spectacle de candidature à la présidentielle américaine où chacun est invité à côtoyer les faiseurs de l’Histoire, il y a, malheureusement, une résonance factice ! L’invasion sonore et répétitive des discours et débats politiques à la radio ou à la télévision dans un quotidien aseptisé, est telle que l’effet de surprise disparaît, quand s’installe la banalité de plaidoyers successifs et similaires sur la cité. Les invités (le public) sont conviés à une émission de télévision en direct où les acteurs, admirablement engagés, profèrent, en colère contre les nantis, de beaux discours sur le thème de la quête de la reconnaissance populaire et de la «vraie» liberté.
Brouhaha et vanité de discours ressassés!  Mais  cette  proximité scénique parait ici fabriquée. Malgré les vociférations du peuple devant les grilles du château de Versailles, cette leçon, trop  formelle et complaisante, esquive ici l’exigence d’une véritable réflexion intérieure que nous attendions… Dommage!

 Véronique Hotte

 Théâtre de Nanterre-Amandiers, jusqu’au 29 novembre. T : 01 46 14 70 00

 


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