La Fin de l’Histoire

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La Fin de l’Histoire, d’après Witold Gombrowicz, texte et mise en scène de Christophe Honoré

 

Witold Gombrowicz (1904-1969) est devenu en France où il vécut longtemps et mourut, un auteur bien connu et très apprécié, grâce surtout à son Journal, à ses romans comme Ferdyduke, et à des pièces: Yvonne, princesse de Bourgogne, et Opérette, souvent jouées chez nous et sans doute, inégales  mais où resplendit son intelligence et son humour féroce
Christophe Honoré, cinéaste, auteur et metteur en scène qui avait déjà monté en 2012, Nouveau Roman à la Colline (voir Le Théâtre du Blog), s’est donc emparé d’extraits de ce Journal et d’Opérette, pièce inachevée, et d’articles polémiques  de Witold Gombrowicz et y ajouté quelques mauvais sketches de sa plume. Le tout signé: Christophe Honoré, ce qui est quand même un peu abusif !

 Son scénographe Alban Ho Van a installé une salle de fêtes avec plafond monumental en béton des années cinquante avec un grand escalier, gris et triste. Décor très réussi mais pas vraiment indispensable, et qui a dû coûter cher. Côtés Jardin et Cour, une grande table de conférence et des chariots de valises qui serviront par la suite.
Et cela donne quoi ? Clairement: un brouet assez prétentieux et d’une rare vacuité: «Je cherchais un texte à travailler par amputations et ajouts, un texte qui m’entraîne vers une écriture de plateau où d’autres textes existants ou à écrire, pourraient venir s’agglomérer à une matrice initiale ». (sic). Aussi bavard qu’indigeste (presque trois heures sans entracte!), ce spectacle aux dialogues faciles, d’un niveau de mauvais théâtre de boulevard, va cahin-caha, à partir d’une lecture personnelle où l’auteur/metteur en scène essaye en vain «d’interroger la logique même du texte de Gombrowicz» (sic)

 Cette Fin de l’Histoire commence en 1939, quand le jeune  auteur doit aller à Buenos-Aires pour deux mois mais Hitler envahit  la Pologne  et celui dont l’œuvre sulfureuse fut interdite en Pologne par les nazis puis par les communistes, restera en Argentine vingt-cinq ans…Sa pièce parle de la seconde guerre mondiale mais il met aussi le doigt là où cela fait mal: l’antisémitisme polonais. On a droit ici , si on a bien compris, à une sorte de B.D. par tableaux successifs avec: 1) La famille de Witold Gombrowicz, parents, frères et sœur, 2) Un exposé de sa philosophie avec des extraits de textes de Jacques Derrida, Karl Marx, Hegel, Fukuyama… que disent les comédiens masqués et sagement alignés sur un banc de bois. (longue leçon assez pénible !), et enfin 3) l’Histoire, la grande Histoire, en l’occurrence celle de l’effroyable Munich et des années qui verront naître le nazisme, avec en 1933, à Dachau, dans sa banlieue, la création du premier camp. En 1938, à la suite de trop fameux accords, les grands dirigeants européens donneront nombre de territoires  au chef nazi…
Mais là encore l’auteur-)metteur en scène envoie des noms comme ceux de Jacques Doriot, etc. qui ne sont pas nécessairement connus du public, et cela sans aucun état d’âme. Comprenne qui pourra et mieux vaut être déjà bien informé sur la seconde guerre mondiale, si on veut saisir le sens exact des dialogues. Christophe Honoré se fait plaisir, sans grand souci d’une dramaturgie cohérente, et se prend donc les pieds dans le tapis.
Sans aucun doute, des thèmes comme la jeunesse, les relations difficiles et  souvent très violentes entre les hommes, la philosophie comme moyen de parvenir à  avoir une véritable réflexion sur nous-même,  ont été au centre de l’ouvre romanesque et dramatique de Witold Gombrowicz. Mais Christophe Honoré n’aura pas réussi «à mettre en scène, comme il le dit, cette contradiction, cette énigme : que représente aujourd’hui l’expression avoir sa place dans l’Histoire? ».
Dans la première partie, il se lance dans une comédie de famille, au début assez confuse, avec disputes entre le père, la mère, leurs trois fils et leur fille, où il y a quelques rares bons instants, même si les dialogues ne volent pas bien haut… Et où tout le monde parle souvent au micro HF ou sur pied, ce qui n’arrange pas les choses.


La deuxième partie est surtout consacrée à la célèbre et maudite conférence de Munich en 1938 : ce sont évidemment les mêmes acteurs, sans distinction de sexe, (photo plus haut) qui jouent le tchèque Benes, le polonais Jozef Beck, l’anglais Chamberlain, le français Daladier, et les trois compères: Hitler, Mussolini et Staline. Cette caricature parfois drôle, est facile et bien longuette, d’autant qu’une véritable horloge au plafond, une manie chez Christophe Honoré, mesure le temps avec précision! Et l’éternité, c’est long surtout vers la fin, disait Alphonse Allais. Il y a eu quelques désertions de spectateurs, dont celle d’un éminent confrère qui, visiblement exaspéré, a pris la fuite au bout d’une heure et demi. Nous avons voulu rester jusqu’au bout, pour profiter des quelques instants de pur Gombrowicz et pour voir jusqu’où Christophe Honoré pouvait aller. Mais on ressort de là, éreinté par tant de prétention théâtrale.

Enfin, cadeau de consolation: le spectacle impeccablement dirigé et on salue le travail de mémorisation des acteurs, même si l’unité de jeu n’est pas toujours évidente, dans un spectacle où on n’arrête pas de parler. Il y a un jeune comédien acrobate Erwan Ha Kyon à l’étonnante gestualité, qui apporte une belle touche de poésie et Annie Mercier crée un remarquable personnage de mère autoritaire et déglinguée: ce n’est pas un luxe dans cet océan d’ennui dont on ressort anesthésié.
Voilà, à vous de voir, si vous avez envie de vous embarquer pour un voyage de deux quarante cinq qui ne tient pas la route. On pardonnerait beaucoup à Christophe Honoré s’il s’agissait d’une pochade en une heure et quelque… Mais quel manque de perspective historique, alors que le but de l’opération était justement d’évoquer le concept de fin de l’Histoire!
On est en droit de se demander pourquoi, et comment, ce projet de spectacle est arrivé à la Colline, Théâtre National rappelons-le, et on a connu Stéphane Braunschweig plus lucide… Des raisons de vous envoyer voir cette pauvre chose ? Soyons francs : vraiment aucune, et on ne voit pas vraiment comment le spectacle pourrait s’améliorer!

Philippe du Vignal

Jusqu’au 28 novembre. Théâtre de la Colline, 17 rue Malte-Brun, Paris (XX ème),


Archive pour 8 novembre, 2015

La Fin de l’Histoire

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La Fin de l’Histoire, d’après Witold Gombrowicz, texte et mise en scène de Christophe Honoré

 

Witold Gombrowicz (1904-1969) est devenu en France où il vécut longtemps et mourut, un auteur bien connu et très apprécié, grâce surtout à son Journal, à ses romans comme Ferdyduke, et à des pièces: Yvonne, princesse de Bourgogne, et Opérette, souvent jouées chez nous et sans doute, inégales  mais où resplendit son intelligence et son humour féroce
Christophe Honoré, cinéaste, auteur et metteur en scène qui avait déjà monté en 2012, Nouveau Roman à la Colline (voir Le Théâtre du Blog), s’est donc emparé d’extraits de ce Journal et d’Opérette, pièce inachevée, et d’articles polémiques  de Witold Gombrowicz et y ajouté quelques mauvais sketches de sa plume. Le tout signé: Christophe Honoré, ce qui est quand même un peu abusif !

 Son scénographe Alban Ho Van a installé une salle de fêtes avec plafond monumental en béton des années cinquante avec un grand escalier, gris et triste. Décor très réussi mais pas vraiment indispensable, et qui a dû coûter cher. Côtés Jardin et Cour, une grande table de conférence et des chariots de valises qui serviront par la suite.
Et cela donne quoi ? Clairement: un brouet assez prétentieux et d’une rare vacuité: «Je cherchais un texte à travailler par amputations et ajouts, un texte qui m’entraîne vers une écriture de plateau où d’autres textes existants ou à écrire, pourraient venir s’agglomérer à une matrice initiale ». (sic). Aussi bavard qu’indigeste (presque trois heures sans entracte!), ce spectacle aux dialogues faciles, d’un niveau de mauvais théâtre de boulevard, va cahin-caha, à partir d’une lecture personnelle où l’auteur/metteur en scène essaye en vain «d’interroger la logique même du texte de Gombrowicz» (sic)

 Cette Fin de l’Histoire commence en 1939, quand le jeune  auteur doit aller à Buenos-Aires pour deux mois mais Hitler envahit  la Pologne  et celui dont l’œuvre sulfureuse fut interdite en Pologne par les nazis puis par les communistes, restera en Argentine vingt-cinq ans…Sa pièce parle de la seconde guerre mondiale mais il met aussi le doigt là où cela fait mal: l’antisémitisme polonais. On a droit ici , si on a bien compris, à une sorte de B.D. par tableaux successifs avec: 1) La famille de Witold Gombrowicz, parents, frères et sœur, 2) Un exposé de sa philosophie avec des extraits de textes de Jacques Derrida, Karl Marx, Hegel, Fukuyama… que disent les comédiens masqués et sagement alignés sur un banc de bois. (longue leçon assez pénible !), et enfin 3) l’Histoire, la grande Histoire, en l’occurrence celle de l’effroyable Munich et des années qui verront naître le nazisme, avec en 1933, à Dachau, dans sa banlieue, la création du premier camp. En 1938, à la suite de trop fameux accords, les grands dirigeants européens donneront nombre de territoires  au chef nazi…
Mais là encore l’auteur-)metteur en scène envoie des noms comme ceux de Jacques Doriot, etc. qui ne sont pas nécessairement connus du public, et cela sans aucun état d’âme. Comprenne qui pourra et mieux vaut être déjà bien informé sur la seconde guerre mondiale, si on veut saisir le sens exact des dialogues. Christophe Honoré se fait plaisir, sans grand souci d’une dramaturgie cohérente, et se prend donc les pieds dans le tapis.
Sans aucun doute, des thèmes comme la jeunesse, les relations difficiles et  souvent très violentes entre les hommes, la philosophie comme moyen de parvenir à  avoir une véritable réflexion sur nous-même,  ont été au centre de l’ouvre romanesque et dramatique de Witold Gombrowicz. Mais Christophe Honoré n’aura pas réussi «à mettre en scène, comme il le dit, cette contradiction, cette énigme : que représente aujourd’hui l’expression avoir sa place dans l’Histoire? ».
Dans la première partie, il se lance dans une comédie de famille, au début assez confuse, avec disputes entre le père, la mère, leurs trois fils et leur fille, où il y a quelques rares bons instants, même si les dialogues ne volent pas bien haut… Et où tout le monde parle souvent au micro HF ou sur pied, ce qui n’arrange pas les choses.


La deuxième partie est surtout consacrée à la célèbre et maudite conférence de Munich en 1938 : ce sont évidemment les mêmes acteurs, sans distinction de sexe, (photo plus haut) qui jouent le tchèque Benes, le polonais Jozef Beck, l’anglais Chamberlain, le français Daladier, et les trois compères: Hitler, Mussolini et Staline. Cette caricature parfois drôle, est facile et bien longuette, d’autant qu’une véritable horloge au plafond, une manie chez Christophe Honoré, mesure le temps avec précision! Et l’éternité, c’est long surtout vers la fin, disait Alphonse Allais. Il y a eu quelques désertions de spectateurs, dont celle d’un éminent confrère qui, visiblement exaspéré, a pris la fuite au bout d’une heure et demi. Nous avons voulu rester jusqu’au bout, pour profiter des quelques instants de pur Gombrowicz et pour voir jusqu’où Christophe Honoré pouvait aller. Mais on ressort de là, éreinté par tant de prétention théâtrale.

Enfin, cadeau de consolation: le spectacle impeccablement dirigé et on salue le travail de mémorisation des acteurs, même si l’unité de jeu n’est pas toujours évidente, dans un spectacle où on n’arrête pas de parler. Il y a un jeune comédien acrobate Erwan Ha Kyon à l’étonnante gestualité, qui apporte une belle touche de poésie et Annie Mercier crée un remarquable personnage de mère autoritaire et déglinguée: ce n’est pas un luxe dans cet océan d’ennui dont on ressort anesthésié.
Voilà, à vous de voir, si vous avez envie de vous embarquer pour un voyage de deux quarante cinq qui ne tient pas la route. On pardonnerait beaucoup à Christophe Honoré s’il s’agissait d’une pochade en une heure et quelque… Mais quel manque de perspective historique, alors que le but de l’opération était justement d’évoquer le concept de fin de l’Histoire!
On est en droit de se demander pourquoi, et comment, ce projet de spectacle est arrivé à la Colline, Théâtre National rappelons-le, et on a connu Stéphane Braunschweig plus lucide… Des raisons de vous envoyer voir cette pauvre chose ? Soyons francs : vraiment aucune, et on ne voit pas vraiment comment le spectacle pourrait s’améliorer!

Philippe du Vignal

Jusqu’au 28 novembre. Théâtre de la Colline, 17 rue Malte-Brun, Paris (XX ème),

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