L’Enfant Roi
L’Enfant Roi de Clémence Barbier
Le Bureau Trois, en partenariat avec La Générale, ce lieu atypique du XIème arrondissement qui est une sorte de laboratoire mutualisé de création et d’expérimentation artistiques, organise cette semaine L’Éveil de l’Automne, festival pour le jeune public. En mettant à l’honneur des jeunes compagnies, particulièrement celles qui défendent sur scène un propos politique (au sens large).
Après l’effroyable massacre qui a eu lieu vendredi dernier tout près de la Générale, le festival est maintenu, mais les 1.500 élèves qui avaient prévu de s’y rendre, devront rester dans leurs classes ! Tout s’effondre donc pour la première édition de ce festival, et nous rappelle tragiquement les annulations de janvier dernier. Les compagnies de spectacle jeune public risquent, une fois de plus, de vivre des temps difficiles pour leur économie et leur survie. Espérons que notre public de demain pourra revenir au plus vite dans les salles de spectacle. À la Générale, les spectacles sont maintenus mais pour un petit nombre de personnes : programmateurs, amis comédiens…
La minute de silence de ce lundi midi fut aussi sobre qu’émouvante pour les quelques-uns d’entre nous qui l’avons vécu, dans ce lieu de culture qui a ouvert grand ses lourdes portes d’acier vers la rue. Clémence Barbier, de la compagnie Microsystème (voir Round Up dans Le Théâtre du Blog) innove avec cet Enfant roi : c’est sa première pièce et c’est aussi la première fois que la compagnie destine un spectacle au jeune public.
Même s’il suit le fil de l’histoire d’Œdipe, l’écriture a été de nombreuses fois testée en atelier auprès des jeunes, notamment à Chelles où la compagnie est en résidence dans ce beau théâtre. « L’aventure d’Œdipe, dit Clémence Barbier, est l’histoire la plus célèbre et surtout la plus improbable qui soit. Un garçon qui tue son père et épouse sa mère. Qui pourrait y croire ? Pourquoi voudrions-nous en faire le récit à des enfants ?
Le sujet de la pièce, c’est le désir, la naissance du désir chez le petit enfant, le corps qui désire, le désir de l’autre, le désir de parcourir le monde, le désir sexuel ». En effet, Œdipe, cet enfant gâté voit la puberté arriver, comme un miroir pour les jeunes spectateurs, puis c’est l’adolescence, et il quitte sa famille… Ensuite, on connaît l’histoire.
Alban Aumard incarne un Œdipe flamboyant, loin des clichés, plutôt rondouillard, et certains sourires lui donnent l’air d’un éternel enfant. Il n’est pas sans rappeler Olivier Martin Salvan, avec autant de talent mais avec un peu plus de douceur. Autour de lui, Jehanne Carillon et Clémence Barbier ont une belle présence, alternant les rôles et apportent un bon rythme à la pièce, si bien que ces soixante-quinze minutes passent vite.
Il y a une remarquable unité visuelle, avec des costumes blancs, et une sorte de castelet au rideau ingénieux. La bande-son, très étudiée, accompagne bien tout le spectacle, dont la mise en scène est pleine d’idées, comme ce flash-back du parcours d’Œdipe, ou ce saladier en aluminium qui passe du ventre rond au casque. Et Clémence Barbier a évité les écueils de l’adaptation, qui ici, n’est ni dans l’abêtissement ni dans l’emphase et la raideur que peuvent parfois susciter les mythes grecs.
Un spectacle intelligent pour un jeune public mais aussi passionnant pour les plus âgés. Un beau travail donc à découvrir encore ce mercredi 18 novembre à 15h. Allez-y, cela fera chaud au cœur aux comédiens comme à vous.
Julien Barsan
La Générale, 14 Avenue Parmentier, 75011 Paris. T : 06 18 44 06