Adieu Luc Bondy

Adieu Luc Bondy

imageLuc Bondy, metteur en scène et directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, est mort. Il avait 67 ans. Malade,  depuis très longtemps, il « avait fait avec », comme on dit, avec une énergie exemplaire.  Cela ne l’empêcha pas en effet de continuer à réaliser des mises en scène de théâtre et d’opéra .
Né en 1948 à Zurich où sa famille s’était réfugiée, Luc Bondy appartenait à une famille juive et son grand-père, Fritz Bondy, avait dirigé le Théâtre de Prague, et avait connu Kafka. Adolescent, il habita  Paris, où il rencontra les amis de son père journaliste : Wiltold Gombrowicz et Eugène Ionesco entre autres.
Il suivit comme tant d’autres l’école Jacques Lecoq puis s’installa en 1969 à Hambourg, où il ne tarda pas à se faire connaître d’abord avec Le Fou et la nonne de Stanislas Ignacy Witkiewicz, puis avec Les Bonnes de Jean Genet.
Mais il met aussi en scène notamment Gombrowicz et Macbeth ; à vingt-six ans,  il  rencontre Rainer Werner Fassbinder dont il montera Liberté à Brême en 72. Puis il mettra en scène aussi bien des classiques, Goethe et Büchner, mais aussi des auteurs contemporains comme Eugène Ionesco ou Edward Bond. Il codirigea ensuite, après Peter Stein, la fameuse Schaubühne de Berlin, où il mettra en scène Le Temps et la chambre de son ami Botho Strauss.

  Patrice Chéreau, directeur du Théâtre de Nanterre-Amandiers, l’accueille et il y crée Terre étrangère d’Arthur Schnitzler, (1984) qui fit l’effet d’une bombe, tant il  avait su donner sens et forme à un texte peu connu. Il monta aussi à Nanterre Le Conte d’hiver de Skakespeare (88), et à l’Odéon, Jean-Gabriel Borkmann d’Henrik Ibsen (93) ces deux pièces avec Michel Piccoli, puis Le Conte d’hiver et  En attendant Godot de Samuel Beckett (99), Phèdre de Jean Racine mais aussi Jouer avec le feu d’August Strindberg, (98), La seconde  Surprise de l’amour de Marivaux( 2007) . Des réalisations qui l’imposèrent en France comme un metteur en scène exceptionnel.
De 1985 à 1987, il succéda à Peter Stein à la direction de la Schaubühne de Berlin. Avec une marque bien à lui : un travail de mise en scène d’une grande intelligence, d’une rigueur exemplaire  et une direction d’une extrême précision que ses acteurs appréciaient beaucoup. Et chez des auteurs aussi différents que Marivaux,  Samuel Beckett, ou Edward Bond. Rien ne semblait résister à ce boulimique et passionné de théâtre.
 Il fit aussi des mises en scène d’opéra, notamment  Hercules de Haendel, Le Tour d’écrou de Benjamin Britten ou Julie de Philippe Boesmans. Ecrivain, il publia des livres de réflexion sur le théâtre comme A ma fenêtre, chez Bourgois, en 2009,  ou Dites-moi qui je suis, chez Grasset (1999).
 Pendant dix ans, il dirigea aussi  le festival de Vienne jusqu’en 2012. Puis, à la suite d’un triste tour de passe-passe de la famille Bruni-Sarkozy qu’il vaut mieux oublier, (et qui suscita une belle polémique!) son prédécesseur à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, Olivier Py fut prié par Frédéric Mitterrand, alors Ministère de la Culture, d’accepter la direction du festival d’Avignon. Ce qui permit ainsi  à Luc Bondy de diriger le prestigieux théâtre dont il rêvait…
Les mises en scène qu’il y réalisa alors,  Les Beaux Jours d’Aranjuez de Peter Handke, Le Retour d’Harold Pinter, Tartuffe de Molière, ou Les fausses Confidences de Marivaux avec le plus souvent des acteurs connus et/ou des vedettes de cinéma (Isabelle Huppert, Bulle Ogier, Micha Lescot…) attirèrent le public mais n’avaient pas la même qualité, le même degré d’intelligence scénique que celles des somptueuses années 80-90…
On attendait cependant avec impatience son Othello qu’il devait présenter en janvier prochain…

Philippe du Vignal

 

 

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