Laurent Wauquiez

La Bêtise est la chose la mieux partagée du monde, texte et mise en scène de Laurent Wauquiez

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Claude Chaigneau: Laurent Wauquiez; les marionnettes et le cirque

L’auteur, 40 ans, agrégé d’histoire et brillant énarque, a été élu député de la Haute-Loire en 2004. Il fut ensuite secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, secrétaire d’État chargé de l’Emploi en 2008, puis maire du Puy-en-Velay, ministre chargé des Affaires européennes, puis ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche de 2011 à 2012. Et, à nouveau, député de la Haute-Loire depuis 2012, et enfin vice-président de l’U.M.P.
Bref,  le monsieur a des références,  ce qui l’a sans doute autorisé à dire une belle connerie dans un domaine qu’il ne connaît pas: le 13 novembre dernier, donneur de leçons  des plus maladroits, il s’est permis de présenter une solution géniale pour lutter contre le chômage: « Fermer les formations fantaisistes comme celles des métiers du cirque et des marionnettistes » et « ouvrir des formations débouchant sur des vrais jobs » comme « l’aide au maintien à domicile, le digital et le numérique, la chaudronnerie, le conseil à la création d’entreprises, la plasturgie… » (sic) Quand on émet ce genre de proclamation, mieux vaut  réviser ses fiches si l’on veut être sûr de son coup… il a dû pourtant apprendre cela à l’E.N.A.
Chapeau! Laurent Wauqiez, ignore sans doute que les métiers de marionnettiste et d’artiste de cirque figurent  déjà de par la loi, dans la liste des artistes du spectacle reconnue par le Code du travail avec deux Diplômes Nationaux Supérieurs Professionnels. Fleur Pellerin, ministre de la Culture a annoncé d’ailleurs il y a peu, un statut des artistes marionnettistes dans la loi de création architecture et patrimoine avec des droits sociaux comme tout un chacun… Elle souhaite aussi que soit créé un pôle national et international de l’art de la marionnette à Charleville-Mézières.
Laurent Wauquiez ignore peut-être l’existence de remarquables spectacles de marionnettes comme on en a vu naître depuis une vingtaine d’années, à la suite de leurs grands ancêtres comme entre autres,  le Braead and Puppet ed Peter Schumann, et de cette école de Charleville, reconnue au plan international. Il ne sait peut-être pas non plus qu’il y a un festival important dans cette ville tous les deux ans qui attire une foule de gens dont de nombreux jeunes étrangers…
La France  compte aussi entre autres, une Maison de la Marionnette à Paris, une compagnie exemplaire comme celle de la Licorne  qui vient de s’installer à Dunkerque, sans compter Le Royal de Luxe devenu si populaire plusieurs écoles de cirque, comme celles entre autres, du C.N.A.C. de Chalons-en-Champagne, l’Académie Fratellini à Saint-Denis, etc., que fréquentent aussi des élèves de toute nationalité: autant de petits trésors bien vivants qui font partie de la culture française … Il n’y  a pas que la Comédie-Française, il faut sortir un peu,   Laurent Wauquiez,
C’est une dimension qui a dû lui échapper… Les énarques, sauf quelques-uns comme Catherine Tasca ou Bernard Faivre d’Arcier, ne sont pas en général à une approximation ou une bêtise de plus, quand il s’agit de parler art et formations artistiques… En tout cas, l
es professionnels du cirque et de la marionnette ont répondu, avec mesure et rigueur, à cette  attaque aussi  mesquine que scandaleuse, venant d’un élu: « Ne mésestimez pas le poids économique et social de l’art et de la culture dans notre pays, qui représente 1,3 million d’emplois en France (sans compter les effets positifs sur les commerces et la restauration que fréquentent les publics). En outre, votre distance à l’égard de ces formes artistiques populaires étonne. Elle semble aller à l’encontre de cette fameuse relation au peuple dont vous semblez vous réclamer. Le paradoxe doit être souligné. Que serait la Région Auvergne Rhône-Alpes sans les dynamiques de coopérations portées par les acteurs culturels dans les domaines du théâtre, des musiques et de ces arts populaires aujourd’hui légitimes ? Les représentants de la nation, dont vous faites partie, ont inscrit ces deux jobs au cœur de la prochaine loi sur la liberté de création et du patrimoine votée au mois d’octobre 2015″.
Laurent Wauquiez n’est pas à une gaffe près: il avait d’abord  déclaré que s’agissant du « digital, du numérique et de la logistique, l’offre de formation [était] suffisante »!!! On attend encore qu’il revienne sur ces sottises proférées sans état d’âme, alors qu’il espère conquérir la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes, où il affronte Jean-Jack Queyranne, président socialiste sortant de Rhône-Alpes… En tout cas, cela ne donne pas envie aux électeurs de cette région de voter pour lui.
Ce genre de petites phrases faciles et racoleuses n’est pas digne d’un élu de la nation comme Laurent Wauquiez qui a la (fausse!) naïveté de penser qu’économiser sur l’enseignement en général et la formation artistique en particulier, fait partie des solutions radicales par temps de crise! C’est une vue à court terme et cela n’a jamais été une preuve d’intelligence politique: on l’a vue sous Nicolas Sarkozy…
S’il y a des économies à opérer, il ferait mieux de s’en prendre à toutes les évasions fiscales absolument scandaleuses ( dans les milieux d’affaires et/ou politiques, plus que dans ceux du spectacle, et qui pourrissent la vie du pays). Leur montant serait bien utile à la culture!
Là, il gagnerait notre reconnaissance et notre respect…

Philippe du Vignal


Archive pour 8 décembre, 2015

En attendant Godot

En attendant Godot, de Samuel Beckett, mise en scène de Jean-Pierre Vincent

 photo_raphael_arnaud_6Samuel Beckett aura bousculé la dramaturgie conventionnelle et  ses codes bourgeois, en faisant la part belle à un théâtre inédit de l’absence, de l’incapacité humaine à tolérer toute présence, surtout depuis les camps d’extermination de la seconde guerre mondiale.
Chez Samuel Beckett, l’homme,  incapable d’assumer sa solitude et nouer une amitié, a une existence  due à une erreur de conception: non programmée par des géniteurs irresponsables. Une conscience se voit ainsi jetée brutalement dans le vaste monde. Bref, autant parler d’une épreuve bue dans la douleur jusqu’à la lie. Heureusement, la parole de théâtre est un recours et ses personnage profèrent des mots qui leur échappent, une planche ultime de salut et d’énergie.
Ici, les dialogues des personnages tracent une ligne de temps qui s’écoule dans la lumière et contre l’oubli. La pièce créée en 1953  montre l’attente de marginaux, exclus ou sans-papiers, des êtres désenchantés qui parlent pour s’extraire de l’ennui, avec  l’espoir à peine formulé d’un événement qui les divertirait un peu.
Vladimir et Estragon voient dans l’arrivée inopinée de complices Pozzo (Alain Rimoux) et Lucky (Frédéric Leidgens), un événement en soi dans le long fleuve tranquille du temps… On ne sait lequel martyrise l’autre mais ces nouveaux venus sont tenus par une relation de pouvoir. «Vous n’avez pas fini de m’empoisonner avec vos histoires de temps ? C’est insensé ! Quand ! Quand !… Elles accouchent à cheval sur une tombe, le jour brille un instant, puis c’est la nuit à nouveau. En avant ! » dit Pozzo le tyran, en  tirant sur la corde qui retient Lucky.
Le temps recèle une impressionnante source d’oubli: faits, illuminations, paysage… Mais ici, de cette mémoire défaillante, ne subsiste qu’un sous-sol.
Vladimir insiste : «Pourtant nous avons été ensemble dans le Vaucluse, j’en mettrais ma main au feu.»
Jean-Paul Chambas, le fidèle scénographe de Jean-Paul Vincent, s’inspire du Vaucluse et des nuits arlésiennes étoilées de Vincent van Gogh. Mais ici, ne reste plus, au lointain, que le seul bleu nuit du firmament, un soleil ou une lune brumeuse. Et, une paire de « godillots », du nom de son inventeur, abandonnés sur un plateau de lumière immaculée. Un rappel des cinq natures mortes que le peintre au destin tragique représenta, de façon provocatrice, à son arrivée à Paris dans les années 1830 et un arbre qui fait penser à L’Homme qui marche d’Alberto Giacometti. Le grand sculpteur avait créé l’arbre pour la création d’En attendant Godot….
Jean-Pierre Vincent a fait de Vladimir et Estragon qu’interprètent brillamment Charlie Nelson et Abbès Zahmani, des figures comiques et tranquilles à la Laurel et Hardy, chapeau melon et costumes usés: l’un étriqué pour Wladimir le plus fort et l’autre trop grand pour le fluet Estragon…

 Ces personnages burlesques joués par ces acteurs dans un parcours sans faute laissent fuir le temps, tout en se regardant vivre et en contemplant l’espace nu, métaphore somptueuse d’une vaine attente mais où peut naître un contact entre les êtres…

 Véronique Hotte

 Théâtre des Bouffes du Nord, Paris ( XVIII ème) du 4 au 27 décembre. T. : 01 46 07 34 50.

Iliade, d’après Homère

Aristie d'Achille

Iliade, d’après Homère, mise en scène de Pauline Bayle.

 Vingt-quatre chants et un peu plus de quinze mille vers d’une épopée pour dire les horreurs d’une guerre de Troie qui dure depuis neuf ans, et où on va croiser, pendant six jours et six nuits, les destins de ces  mortels fabuleux, Grecs : Agamemnon, son frère Ménélas, Achille, Ulysse, Ajax le grand, Patrocle, Diomède, Hélène… des Troyens : Priam, Hécube, Hector, Andromaque… et des immortels comme Zeus, Thétis, Héra, Poséidon.
Cela commence par la fameuse colère d’Achille qui, dit Homère, « jeta dans l’Hadès tant d’âmes de héros, livrant leur corps en proie aux oiseaux comme aux chiens ; ainsi s’accomplissait la volonté de Zeus».  A propos de cette fameuse Grecque la belle Hélène, enlevée par Pâris le Troyen, à Ménélas, frère d’Agamemnon.

  Les adaptations au théâtre et au cinéma ne se comptent plus… Pauline Bayle, elle, a voulu mettre l’éclairage sur le thème de la guerre qui, dit-elle, «pendant des millénaires, a constitué le prolongement naturel de l’être humain, une sorte d’issue certes fatale, mais inévitable de l’existence (…) où des héros mettent tout en œuvre afin d’échapper à leur condition de mortel, tout étant sans arrêt rattrapés par elle.» Quand elle a préparé son spectacle, elle ne pouvait encore prévoir cette autre forme de guerre que furent les récents attentats… et qui ne semble pas près de s’arrêter !
Il y a aussi des chœurs où Pauline Bayle a repris des phrases de personnages comme Ulysse, Agamemnon, Diomède et Hector et d’autres glanées un peu partout dans cette extraordinaire épopée,  comme ces mots étonnants d’Hélène au chant VI : « Zeus nous a chargés d’une mauvais part pour que plus tard, nous soyons chantés par les hommes qui viendront ». Le spectacle est aussi celui de récits de guerre comme ceux d’Ulysse et Agamemnon, Diomède, Hector, et de dialogues entre Hélène et son beau-frère Hector, entre Hector et Andromaque, ou encore Ulysse et Achille.
Les dialogues entre les dieux: Héra, Poséidon, Aphrodite…  proviennent eux d’improvisations, et vont vers le burlesque, du côté de La belle Hélène de Jacques Offenbach et de La Guerre de Troie n’aura lieu de Jean Giraudoux.
Il y a aussi des récitatifs de listes de noms,  comme sur les monuments aux morts, ceux de la guerre de Troie que Pauline Bayle a repris mais en les accumulant. C’est efficace, les noms grecs sont si beaux, mais parfois un peu long ! Enfin, elle aurait eu tort de se gêner; après tout, l’immense Eschyle l’avait fait avant elle, avec le récit du messager des Perses, pour le plaisir évident de faire entendre la liste de ces acteurs et victimes de la guerre avec les Grecs.
 Et cela fonctionne ? Plutôt oui, et parfois moins bien. Il y a surtout, vers la fin, des scènes formidables de vérité comme ce dialogue entre Hector (Jade Herbulot) et Achille (Charlotte van Bervesselès). Et Il y a aussi des images très fortes, comme cette scène où Achille le guerrier asperge le sol avec le sang de deux éponges pressées. Là, avec quelques chaises, un peu de lumière et de musique mais surtout cinq jeunes comédiens efficaces, on entre dans le vrai théâtre avec de belles métaphores, loin des singes, des vrombissements et autres supercheries de L’Orestie de Romeo Castellucci, (voir Le Théâtre du Blog). Avec une mise en scène qui privilégie le récit oral sans que cela nuise jamais au jeu scénique, Pauline Bayle confirme ici ses dons évidents de directrice d’acteurs.
 Ce que l’on aime moins : ces changements très rapides de personnages joués alternativement par des filles ou des garçons qui donnent un peu le tournis … Ce procédé facile, très mode, fatiguant et qui a beaucoup servi, il ne facilite en rien l’accès à cette lecture personnelle de l’Iliade et le spectateur non averti s’y perd facilement, malgré la liste des personnages grecs et troyens collées au mur du fond.. Belle et efficace idée.
   Les acteurs sont habillés de vêtements assez laids du quotidien, ce qui, là aussi, s’est trop fait depuis que le Living Theater avait innové mais il y a déjà cinquante ans… et s’affublent parfois de perruques féminines. Les costumes, c’est toujours «un problème douloureux» comme aurait pu dire Monseigneur Marty, archevêque de Paris, à propos de tout et de rien.
Malgré ces réserves, cette Iliade, même encore brute de décoffrage, jouée par de jeunes comédiens qui mouillent leur chemise comme on dit, est un spectacle intelligent, plein de générosité et d’invention; on y entend toute la force poétique d’Homère, et qui dépasse, et de loin, le travail d’un atelier d’école. La mise en scène, réalisée avec rigueur et humilité, fait entendre la violence de la guerre, quand elle est téléguidée par les Dieux, c’est à dire sans que les mortels puissent vraiment en comprendre les raisons majeures.
Quoi, hélas, de plus actuel ?
Signalons  aussi une autre version de L’Iliade, mise en scène par Damien Roussineau, et Alexis Perret, lui  aussi ancien élève comme Pauline Bayle de l’Ecole de Chaillot où deux frères viennent d’enterrer leur père, et qui se retrouvent dans le grenier de leur enfance… Le souvenir de ces longs après-midis à jouer à L’Iliade resurgit et ils  interprètent une dernière fois l’épopée d’Homère, comme un adieu au père, rite ultime. Cela se passe au Théâtre  de l’Usine, à Eragny à partir du 29 janvier. Mais il faut prendre le RER pour rejoindre ce petit lieu sympathique dirigé par Hubert Jappelle.

 

Philippe du Vignal

Théâtre de Belleville 94 rue du Faubourg du Temple, Paris (11 ème), jusqu’au 7 février. T: 01 48 06 72 34.

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