J’avais un beau ballon rouge

 J’avais un beau ballon rouge d’Angela Dematté, mise en scène de Michel Didym   
image En Italie, les années soixante-dix ont été marquées par des actions politiques violentes. C’est l’itinéraire d’une révolutionnaire, membre fondatrice des Brigades rouges qui a intéressé Angela Dematté, native de Trente,  comme son héroïne Margherita Cagol.   Elle a imaginé un dialogue entre la jeune femme et son père, dans sa maison à l’automne 1965.
Mara veut refaire le monde, et lui, veut la protéger.  Ils vont s’affronter sur le terrain idéologique mais en toute tendresse. Si l’épisode des Brigades rouges rappelle le nouveau terrorisme qui fleurit aujourd’hui sur fond de révolte, J’avais un beau ballon rouge n’opère cependant aucun amalgame de ce genre mais l’actualité nous incite à de tels rapprochements.
Michel Didym orchestre habilement ce duo joué avec cœur par Richard Bohringer et sa fille Romane: «C’est, dit-il, le dialogue entre eux, leur opposition, et le drame humain qui sont intéressants, comment naît le sentiment de révolte, comment la jeunesse aspire à la liberté et veut s’émanciper ?»
  Cette étudiante en sociologie se radicalise en effet progressivement, devant l’inégalité de la société italienne. À son credo marxiste-léniniste, répond le bon sens  de son père, humaniste et chrétien : « Écoute voir, Margherita. Vous pensez vraiment que c’t’histoire de révolution, ça peut y durer toute la vie ? C’est vrai que je suis pt’être un peu ignare, que j’y pipe rien… mais j’vais te dire une chose : on change, tu sais, Margherita. Et on s’esquinte aussi. Et petit à petit, tu te rendras compte que toi aussi, t’auras envie de ta p’tite maison et de tes vacances à la mer, et d’être avec les tiens ».   « Comment, lui répond Margherita, c’est possible de rester là, à regarder ce qui se passe les bras croisés ! Toutes les usines en grève, les gens qu’ont même pas un toit, pas une lire pour s’acheter à croûter . Les ouvriers qui triment dix heures par jour à se cramer les poumons, quand c’est pas pire… »
Dans une langue populaire, traduite un peu à l’emporte-pièce par Caroline Michel et Julie Quenehen, se noue un conflit générationnel mais aussi une belle histoire d’amour filiale: entre les mots, dans les silences et les non-dits, fusent leur attachement inconditionnel l’un à l’autre, dans la tempête de ces années folles…Jusqu’à la mort: Margherita sera abattue par la police en 1975, et son père, atteint d’un cancer, la suivra de près dans la tombe.
Le décor, simple et réaliste, s’anime avec une mobilité croissante et les éclairages ouvrent un champ onirique, au-delà des cloisons ; des projections de films d’actualité apportent aussi la profondeur nécessaire.
La musique intervient fort à propos dans les interstices du dialogue.
Il y a ainsi dans le spectacle un équilibre constant entre l’univers intime des protagonistes et une reconstitution de l’Histoire dont les dates s’inscrivent en fond de scène, d’octobre 1965 à juin 1975, et ponctuent la folle épopée de Margherita Cagol comme son évolution personnelle, sous le regard sévère mais conciliant de son père.
 L’étonnant couple des Bohringer, père et fille, sait émouvoir le public, et une ovation debout les accueille aux saluts.  
Mireille Davidovici
Théâtre de l’Atelier, place Charles Dullin 75018, Paris. T.: 01 46 06 49 24 Jusqu’au 3 janvier.
La pièce est publiée aux Solitaires Intempestifs.

 

 

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Archive pour 19 décembre, 2015

Très nombreux, chacun seul.

TresNombreux

Très nombreux, chacun seul, textes de Jean-Pierre Bodin, Alexandrine Brisson, Christophe Dejours, Sonya Faure, Simone Weil, Bertolt Brecht, par le collectif de réalisation Jean-Pierre Bodin, Alexandre Brisson, Jean-Louis Hourdin, et Roland Auzet.

  Nous vous avions déjà parlé de ce spectacle (voir Le Théâtre du Blog), créé en 2012 au Théâtre des Halles d’ Avignon, et repris au Théâtre de la Tempête.  Il dénonce les conditions de travail dans une entreprise qui bat de l’aile, et où Philippe Widdershoven, un de ses cadres mais aussi responsable C.G.T., donc moralement coincé n’avait pu supporter les menaces que le directeurs faisaient peser sur lui,  et s’était suicidé en 2009… en laissant une lettre avec des accusations claires et précises.
L’affaire avait fait grand bruit: le Sénat avait même observé une minute de silence, et ce suicide avait été reconnu par l’entreprise Deshoulières comme accident du travail, ce qui est exceptionnel! Jean-Pierre Bodin montre aussi à la fin comment cette mort avait démoli la confiance des ouvriers dans leur travail personnel et dans leur entreprise.
Très nombreux chacun seul a été resserré et s’est bonifié au cours du temps. C’est poignant de vérité! Notamment quand Christophe Desjours, psychiatre, professeur titulaire de la chaire de psychanalyse-santé-travail au Conservatoire national des arts et métiers, (filmé mais très présent) montre que l’entreprise avait pris l’aspect d’un petit Etat totalitaire où chacun est surveillé par l’autre et, par peur de perdre son emploi, en vient à de actes inqualifiables de violence, avec l’accord total de ses dirigeants qui créent même des postes pour aider psychologiquement leurs employés
Et cette piqûre de rappel n’a rien perdu de son actualité, même si François Hollande a, entre temps, succédé à Nicolas Sarkozy, et est donc loin d’être inutile.Il fait doux comme à la fin de  l’été, à Paris et à la Cartoucherie: vous n’avez donc aucune raison de rater ce formidable moment de textes et d’images entrelacés, d’une rare intelligence scénique.
Un petit regret: on aurait bien aimé connaître la suite de cette triste histoire où tout, semble-t-il, n’est pas encore réglé; L’épouse et la fille de Philippe Widdershoven n’ont jamais cessé leur combat, et Gérard Zink et Cyrille Roze, les deux anciens dirigeants de Deshoulières ont été poursuivis pour homicide involontaire en septembre dernier, au  tribunal correctionnel de Poitiers. Mais le procès a été renvoyé à une date ultérieure…

 Philippe du Vignal

Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, jusqu’au 6 janvier.

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