La Belle et la Bête
La Belle et la bête, chorégraphie de Thierry Malandain.
« L’enfance, disait Jean Cocteau, croit ce qu’on lui raconte et ne le met pas en doute. Elle croit qu’une rose qu’on cueille peut attirer des drames dans une famille. Elle croit que les mains d’une bête humaine qui tue se mettent à fumer et que cette bête en a honte lorsqu’une jeune fille habite sa maison. Elle croit mille autres choses bien naïves. C’est un peu de cette naïveté que je vous demande et, pour nous porter chance à tous, laissez-moi vous dire quatre mots magiques, véritable « Sésame, ouvre-toi» de l’enfance : Il était une fois … ».
L’écrin historique de l’Opéra royal de Versailles accueille, en avant-première, la version chorégraphique de cette œuvre, presque soixante-dix ans après le film du poète. Les dorures des costumes entrent en résonance avec celles de la salle, et, pendant soixante dix minutes, le public plonge dans un rêve enfantin, grâce à Thierry Malandain. Des passages d’Eugène Onéguine, et des Symphonies numéro 5 et 6 de Tchaïkovski, joués par l’Orchestre symphonique d’Euskadi, accompagnent cette création.
Trois rideaux, mobiles de cour à jardin et inversement, délimitent les espaces de jeu et permettent apparitions et disparitions des interprètes; le château de la Bête est juste évoqué par un trône et une table à pieds de lion. Le chorégraphe privilégie la figure de l’artiste blessé (Arnaud Mahouy), l’âme de l’artiste (Miyuki Kanei) et le corps de l’artiste (Daniel Vizcayo). Ils se croisent, s’enlacent ou s’opposent dans une chorégraphie dynamique, pleine de tendresse.
Le duo entre la Belle et la Bête, attraction de cette pièce, et d’une remarquable qualité, grâce au jeu d’acteur et à la gestuelle, fait naître l’émotion à chacune de leurs rencontres. Mickaël Conte, en animal sensuel, se cambre, rampe, se frotte, pousse de sa têt et enlace la Belle avec ses jambes ; chaque mouvement est sincère et naturel, des impulsions contraires traversent ce corps et le rendent beau et fragile.
La Belle, dansée par la longiligne Claire Lonchampt, en communion avec son partenaire, est effrayée, distante, puis séduite et fascinée par la Bête. Les exceptionnels costumes de Jorge Gallardo contribuent à la magie de ce conte qui casse l’équilibre naturel des relations entre l’homme et l’animal. La riche parure de la Belle contraste avec la souplesse et la fluidité du tissu, et le body du danseur, orné de motifs rappelant la carapace d’un insecte, laisse apparentes ses jambes nues et musclées; sa tête, couverte d’une cagoule noire, renforce l’aspect étrange et attractif de cette Bête. Les interprètes de ballet, absolument parfaits, provoquent l’enthousiasme du public.
Le spectacle, qui va entamer une longue tournée, est promis à un bel avenir.
Jean Couturier
Le spectacle a été présenté, en avant-première à l’Opéra royal de Versailles, les 11, 12 et 13 décembre. Première française, à la 17ème Biennale de la danse de Lyon en septembre 2016.