Barbe-Neige et les sept petits Cochons au bois dormant
Barbe-Neige et les sept petits cochons au bois dormant, mise et scène et chorégraphie de Laura Scozzi
La chorégraphe milanaise et ses huit danseurs nous offrent une parodie éblouissante qui fait voler en éclats les contes de fée dans leur version aseptisée, rose bonbon et bleu ciel, tels qu’ils ont été sclérosés par Walt Disney.Un ours passe et repasse à l’avant-scène, sur les premiers accords des Caprices de Niccolò Paganini. Sa musique, contemporaine de Ludwig van Beethoven et d’Hector Berlioz, toute en bariolages, pizzicatos, glissandos et autres trilles, a été qualifiée de « violon du Diable ». Virtuose mais académique, parfois lassante, elle illustre à merveille l’album d’images idylliques qui s’ouvre devant nous, dans un décor de carton-pâte.
Après la danse des abeilles, hommage à Fantasia de Walt Disney, apparaît une fée mauve qui tentera mais en vain tout à long du spectacle, d’orchestrer un ballet désordonné, où se mélangent et se détraquent les belles et cruelles histoires de notre enfance, qui d’ordinaire finissent bien. Mais, sous le masque des Trois petits cochons, se cachent de charmantes cochonnes aguicheuses, rivalisant avec le Chaperon rouge ou la Mère-Grand, pour séduire le loup…
Ici, les princes sont niais ou lubriques, les princesses mutines et irrévérencieuses ; dans la cabane rose des sept Blanche-Neige, un pauvre nain s’affaire au ménage avant de se faire sauter dessus par les fillettes en rut…
Au bal des trois Cendrillon, le disco supplante un temps les trémolos de Niccolò Paganini, la pantoufle de vair, perdue au bas de l’escalier, devient chaussure de tennis, ballon de rugby ou string, ramassés par cinq princes … Mais on oubliera vite la scène de Barbe-Bleue, un crooner métèque qui règne sur un chœur de femmes sanguinolentes, moins convaincante…
A la fin, le beau rêve de Un jour mon prince viendra vire au cauchemar, au grand dam de la fée mauve à la baguette brisée, complètement dépassée par les personnages et les événements délirants. Et l’ours passe et repasse, imperturbable, au milieu de ces folles bacchanales. Les tableaux, toujours surprenants, se succèdent à un rythme rapide, avec des interprètes aussi à l’aise dans le hip-hop, la danse classique ou contemporaine, et qui se révèlent être aussi d’excellents comédiens, habiles en gags et clowneries. Dans une scénographie de Natacha le Guen de Kerneizon et des costumes d’Olivier Bériot, au diapason.
«Les formes d’expression sont hétérogènes, mais compatibles, dit Laura Scozzi. Chaperon rouge, Cendrillon, Fée Clochette, Blanche Neige… Tous ces V.I.P. du conte populaire jouent aux limites confuses entre danse, mime et théâtre.»
A la tête de la compagnie Opinioni in Movimento depuis 1994, la metteuse en scène, formée à l’école du mime Marcel Marceau, combine danse, chant, théâtre, avec une redoutable extravagance. Elle avait réalisé, en 2010, au Théâtre du Rond-Point, Et puis j’m’en fous, vas-y, prends-la ma bagnole, de et avec Olivier Sferlazza (voir Le Théâtre du Blog).
Créée en 2014 au festival de Suresnes Cités-Danse, le spectacle conjugue virtuosité, intelligence et drôlerie. Une combinaison explosive qui ravit le public… Coquine mais jamais vulgaire, réjouissante, elle démonte le machisme des contes de fée et les histoires à l’eau-de-rose qu’on sert aux enfants. Cette fantaisie ne plaira peut-être pas à tout le monde: tant pis pour les grincheux! Le rire est au rendez-vous, un rire salutaire, sans arrière-pensée. Nous en avons besoin.
Mireille Davidovici
Théâtre du Rond-Point jusqu’au 31 janvier. T : 01 44 95 98 21. Et le 23 février, Le Volcan au Havre; les 3 et 4 mars, Antipolis/Théâtre d’Antibes; le 11 mars, Centre Culturel Jacques Duhamel de Vitré (35) ; le 13 mars, Théâtre Alexandre Dumas à Saint-Germain-en-Laye ; le 15 mars, Le Grand Angle à Voiron; du 18 au 20 mars, Odyssud Blagnac (31) ; le 22 mars, Centre Culturel Michel Manet de Bergerac (24) ; le 1er avril, théâtre de l’Archipel à Perpignan ; du 3 au 5 avril, L’Astrada à Marciac (32) ; et le 15 avril, théâtre de Corbeil-Essonne; le 19 avril, La Coupole à Saint-Louis (68) ; et le 22 avril, Opéra de Bonn (Allemagne).