Le Paris des femmes 2016

Le Paris des femmes 2016

 

image_Piece.2306.0x1200Elles fêtent les cinq ans de ce festival: Michèle Fitoussi, journaliste et romancière, Véronique Olmi, romancière et dramaturge, et Anne Rotenberg, adaptatrice et metteure en scène, l’ont créé en 2012, au théâtre des Mathurins (voir Le Paris des femmes 2015 dans Le Théâtre du Blog).
Elles invitent une dizaine d’auteures à écrire un texte de trente minutes, pour trois personnages maximum, sur un thème imposé : cette année, Crimes et Châtiments, clin d’œil à Fiodor Dostoïevski. Cette édition accueille, exceptionnellement, un homme, Christian Siméon : «Un grand pas vers un quota masculin», ironise l’une des organisatrices.
Où sont les femmes ? Selon la brochure diffusée par la S.A.C.D., 78 % des textes joués en France sont signés par des hommes ! Remettre les écrivaines sur le devant de la scène, même pendant ces trois seuls jours de lectures et débats c’est déjà conjurer leur discrimination, bien réelle, dans tous les domaines du spectacle vivant. Nous découvrons ici quatre des dix pièces commandées. «La mise en lecture est un moment privilégié qui fait vibrer le texte à la base», assure l’une des participantes à ces rencontres.

 Ismène de Carole Fréchette

Pourquoi Ismène s’est-elle accusée, devant Créon, d’un crime qu’elle n’a pas commis, après avoir dissuadé Antigone de transgresser la loi? L’auteure québécoise a posé cette question au personnage de Sophocle, en lui donnant l’occasion d’exister et de faire entendre sa version de la tragédie.
Elle y répond par une belle proposition dramatique, distillant un humour tout contemporain. Christine Vésinet-Crombecque s’empare timidement (un peu trop) de ce personnage secondaire, resté dans l’ombre de sa sœur à laquelle elle crie: «Tu m’étouffes ! Tu m’étouffes !» (…) «Non, Antigone ! (…) Tu as beau vouloir m’effacer, je suis là, pour toujours ; comme toi (…) A chacun son rôle dans le théâtre du monde (…).
Une proposition nuancée et intelligente.

 Remonter la dune de Claudie Gallay

 Après Les Déferlantes, adapté au cinéma, la romancière se frotte pour la première fois au théâtre. Aux pieds de dunes mangées par l’océan, un homme d’affaires en rupture de ban, dialogue avec un ami qui a quitté sa femme.
Leurs crime et châtiment: avoir perdu leur temps, l’un dans un couple bancal, l’autre dans une agitation professionnelle forcenée…
En ce moment de  vérité, écrit avec délicatesse, les comédiens jouent autant les mots que les silences qui les séparent :Pascal Greggory oppose une nonchalance blasée, à la nervosité de Thibault de Montalembert. La pièce aurait gagnée à être interprétée avec plus de vivacité.

 Le Temps qu’il faut à un bébé girafe pour se tenir debout de Stéphanie Blanchoud

 Trois quarts d’heure : comme pour le bébé girafe, c’est le temps alloué à Louise pour sa visite hebdomadaire à sa mère qui refuse de lui parler. La fille raconte la douleur rentrée qui a conduit cette femme battue à des gestes extrêmes. Comédienne de talent, Stéphanie Blanchoud a le sens du rythme : la musique fait partie intégrante de ses créations. Et Marie-Sophie Ferdane sert, avec une sensibilité à fleur de mots, ce monologue nerveux. On attend avec impatience, Jackson Bay, la prochaine pièce de l’auteure belge, qui sera créée en Suisse en 2017.

 Crouchinades, la confession d’un cordon bleu de Christian Siméon

   Xavier Gallais, qui a dirigé les lectures de la soirée, a découpé ce texte en tranches qui sont jouées comme des interludes entre les trois autres pièces. Cette confession prend des allures mystérieuses, quand Marilu Marini distille une inquiétante étrangeté et nous entraîne dans son monde extravagant. Mais, malgré son grand talent, on regrette de ne pas avoir tout saisi de cette savoureuse scène de crime culinaire.
On est toujours ravi de découvrir de nouvelles écritures dramatiques, d’autant qu’inédites, elles proviennent de personnalités du roman et du théâtre. Leurs paroles, lors des débats, et leurs textes, par leur diversité, font la richesse du festival. Même si, parfois, l’exercice de la lecture, éphémère et fragile, reste frustrant, pour les écrivaines comme pour les spectateurs.

Et, comme une soirée ne suffit pas à découvrir l’ensemble du programme,  un recueil, publié à cette occasion par l’Avant-Scène, prolongera la vie des pièces, au-delà de leur présentation scénique. «L’écriture  féminine n’existe pas», comme le proclame fort justement la préface du livre. Mais, sur le thème : crimes et châtiments, les femmes ont,  bien sûr, leur mot à dire.
Au public et aux lecteurs d’apprécier.

 Mireille Davidovici

Le festival a eu lieu au Théâtre des Mathurins, du 8 au 10 janvier: parisdesfemmes.blogspot.fr www.ousontlesfemmes.org

 


Archive pour 10 janvier, 2016

Richard III par Thomas Jolly

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Richard III de William Shakespeare, texte français de Jean-Michel Déprats, adaptation de Thomas Jolly et Julie Lerat-Guersant,  mise en scène de Thomas Jolly

Richard III conclut le travail que Thomas Jolly  a initiée avec les tragédies d’Henri VI, une trilogie suivie du quatrième volet d’un cycle d’horreur et de barbarie. Reconsidérer Richard III dans la continuité d’Henri VI permet d’accéder à une lecture shakespearienne de l’Histoire, avec le resserrement d’un conflit à l’échelle de deux royaumes à travers la Guerre de Cent ans, qui se réduit ensuite à l’opposition des familles rivales de la guerre des Deux Roses, pour se refermer sur la seule fratrie d’ York, et finir tragiquement sur Richard III. Dans un climat délétère de conspiration, délation, et surveillance policière, où faire un faux pas peut être fatal à la vie-le principe même de l’accession d’Edouard IV au pouvoir-Richard, duc de Gloucester, quoique non inscrit dans la succession légitime,veut s’emparer à son tour de la couronne d’Angleterre. Pour y parvenir à ses fins, il supprime les héritiers véritables (ses frères) et ses neveux innocents qui le gênent. Richard, enfant différent physiquement, peu aimé par sa mère, perd son seul soutien  quand  meurt son père, tandis que ses frères s’approprient égoïstement le royaume. Rejeté par tous, fils et frère maudit, il choisit de s’extraire de l’humanité, en se faisant monstre et produit d’une histoire personnelle tourmentée et celui d’une époque. Richard vient sur le devant de la scène faire au public le récit de sa stratégie mortifère, en contant sesprojets et tactiques, dans une clairvoyance étrange avec sa propre conscience, amie et confidente : «Bouffon, de toi-même, parle honnêtement. Bouffon, ne te flatte pas, ma conscience a mille langues différentes, Et chaque langue raconte une histoire différente. Et chaque histoire me condamne comme scélérat.» Le spectacle de Thomas Jolly prend appui sur la lumière pour créer un univers visuel «très contemporain», avec de récentes machines électroniques et robotiques qui produisent un monde froid d’angoisse et de manipulation.  Du coup, on est transplanté dans une salle de concert rock mais sans musique, avec projos de lumière en cascade, douches, trouées et traits lumineux Le public a droit avant l’entracte, quand Richard accède au trône, à une chanson bien balancée entre rock et techno, interprétée par sa majesté en apparat, Thomas Jolly, acteur, metteur en scène et chef de troupe. Son esthétique obéit à l’imaginaire gothique et planétaire des mangas, côté Tim Burton ou Guerre des Étoiles, à travers des silhouettes de dessins animés. Les ailes rognées sur la bosse du tyran esquissent des plumes hérissées de soldat indien. Ce Richard III, caricatural, répétitif, mais non évolutif d’un point de vue dramaturgique (le méchant est bien méchant dans un monde déshumanisé et tendu par le pouvoir), plaît à certains jeunes jeunes, ravis mais soumis à voir un Shakespeare pour les nuls. La mise en scène ne manque pas de panache : grands rideaux noirs majestueux, haute structure métallique qui s’ouvre ou bien se ferme en étau pour élever le trône royal, tente militaire en tipi sous les rais de lumière, tableaux grandioses de portraits de famille royale, projecteurs-robots  qui descendent ou remontent vers les cintres, rayant horizontalement de leurs flèches lumineuses les espaces de clôture, au moindre claquement sec de portes qui enferment les bourreaux, devenus victimes. Les acteurs, hommes et femmes maltraités par les événements, donnent d’eux-mêmes sans compter, balançant leur partition en force, sans jamais baisser la voix, nuancer les intonations ni relativiser les propos. Mais ce Richard III, plein de bruit et de fureur, aurait gagné à être travaillé avec une plus grande  finesse théâtrale, ce qui aurait évité à Thomas Jolly de nous présenter un spectacle réducteur et démagogique.

Véronique Hotte

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Le jeune metteur en scène avait été révélé avec une mise en scène (en dix-huit heures) d’Henri VI qui ne manquait pas de promesses; dans la partie que nous en avions vue, et présentée aux Gémeaux à Sceaux (voir Le Théâtre du Blog), Thomas Jolly avait déjà eu l’habileté de faire de ce travail avec sa compagnie La Piccola familia, une sorte d’événement médiatique, . Il s’est attaqué, cette fois, à Richard III, sans doute une des pièces les plus jouées du grand dramaturge augmenté d’une séquence d’Henri VI. Malheureusement, malgré certaines qualités, le spectacle n’a rien de passionnant.  Cela commence mal; dans une nuée de fumigènes, Richard III, le bras gauche enduit de maquillage argenté, des plumes sur le corps, sort d’une trappe à l’avant-scène, comme une sorte de diable malfaisant mais pas vraiment inquiétant. Puis, des praticables sur roulettes, aux rideaux noirs font d’incessantes promenades sur un sol noir lui aussi, et des Viper (projecteurs automatisés coulissant verticalement sur des mâts télescopiques),  et des washs, autres projecteurs à led, dits pizzas, tournant dans tous les sens et changeant instantanément de couleur, comme dans le concerts rocks, envoient des pinceaux lumineux. Le tout étant, bien sûr, programmé par ordinateur. Comme me le disait une jeune amie scénographe à l’œil exercé, tout cela participe d’une fascination, aussi puérile que stérile, pour la technologie… Bien vu: Thomas Jolly découvre un joujou et s’amuse comme un petit fou à produire sur un plateau des effets avec éclairages rasants et raies de lumière à grande distance jusque dans la salle, et cela, à saturation, pour essayer de créer des images (dont certaines parfois réussies). Mais l’ensemble qui se voudrait tragique si on a bien compris, reste vain et laborieux…    Et William Shakespeare dans tout cela? A la trappe ! Thomas Jolly se fait plaisir mais n’éprouve, semble-t-il, pas grand intérêt à construire une dramaturgie digne de ce nom. Résultat: sa mise en scène prétentieuse, aux longueurs exaspérantes fait du sur-place (l’éternité, disait Franz Kafka, c’est long, surtout vers la fin!) et ne fait pas naître la moindre émotion. Il a sans doute une certaine maîtrise de l’espace, (même si le déplacement de ces praticables pour un oui ou pour un non, est très vite lassant) mais n’a, en tout cas, pas celle du temps. Peu des scènes marquantes. Sauf, quand Clarence emprisonné, puis menacé de mort, est finalement exécuté par ses geôliers. Là il se passe enfin quelque chose, les lumières se font plus sobres et donc plus discrètes et l’acteur fait apparaître un véritable personnage. Mais quelques minutes, sur plus de quatre heures de spectacle, c’est un peu juste, et les plus belles  scènes de la célèbre pièce sont bien mal traitées!    En fait, Thomas Jolly qui veut faire sens à tout prix, utilise, et sans aucun scrupule, les stéréotypes les plus usés du théâtre contemporain: effets lumineux gratuits, lumières stroboscopiques, musique avec basses insupportables aux oreilles, courses de comédiens dans la salle parfois éclairée, séquences de captation vidéo de comédiens filmés dans les coulisses, appel à la participation du public qu’il fait claquer dans les mains quand il se met à chanter (mal). N’en jetez plus! Par ailleurs, l’interprétation, sans aucune nuance, reste des plus médiocres: tout le monde criaille en permanence ou presque, à commencer par lui, Thomas Jolly, qui se prend pour une vedette de rock ou de comédie musicale, mais dont on ne comprend pas au début du spectacle, le quart des paroles. Désolé, mais on est ici plus proche des meilleures mises en scène de jeunes troupes débutantes au Théâtre 13…  Et on peut se demander comment ce spectacle est arrivé jusqu’à l’Odéon.   Thomas Jolly n’est sans doute pas n’importe qui-il l’a prouvé-mais la reconnaissance qu’il a eue du public, et le prix de l’Association de la critique pour Henri VI, semblent lui être vite montés à la tête, et ce Richard III, assez racoleur, manque singulièrement de vérité théâtrale. “Les attentes font toujours mal, et la vie est courte, disait déjà le grand William.” Bref, vous pouvez vous épargner, et sans aucun dommage, ce Richard III pour lequel à la sortie, (tous aux abris), on distribue un mouchoir en tissu parfumé baptisé larme de Richard (sic)!!!!! Vous pouvez aller, à la rigueur, à la découverte du bureau du Roi, mis en scène aussi par Thomas Jolly dans un grand conteneur sur la place de l’Odéon…

 Philippe du Vignal

 Théâtre de l’Odéon, Paris  jusqu’au 13 février. Et ensuite en tournée.   

 

 

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