Le Dernier Contingent, d’après d’Alain-Julien Rudefoucauld

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Le Dernier Contingent, d’après le roman d’Alain-Julien Rudefoucauld, mise en scène de Jacques Allaire

  Dans ce conte halluciné (publié en 2013) aux accents de tragédie contemporaine, où, entre surgissements et évanouissements, se succèdent rêves nocturnes et cauchemars diurnes. Comme une vision douloureuse et fuyante d’une existence amère de jeunes gens sans véritable identité et qui ne bénéficient d’aucun soutien ni  reconnaissance affective.
L’un d’eux dresse un tableau brut et sans complaisance : « Le monde qui tourne pas rond… Un temps qui nous dépasse, et c’est dans celui-là qu’on vit, c’est dans celui-là qu’on est debout, connard. Toi t’es pas réveillé. Et tu sais pourquoi t’es pas réveillé ? Parce que tu veux pas regarder comme elle est jolie la vie ! Mais c’est joli la vie ! Mais si, c’est joli. Sur la merde, on plante des roses, et, avec les roses, on fait des bouquets, et de la confiture, et même que c’est bon, alors ça sert à quelque chose, la merde. »

Les jeunes, quand on les dit «en difficulté» et éloignés de toute «réussite» potentielle, n’ont pas le temps de s’épanouir, dévalorisés avant l’heure et coupés à la racine qu’ils sont par le regard moralisateur de l’autre: parents, référents, éducateurs, professeurs, en général obtus et sur lesquels ils ne peuvent  guère compter.
  Des adolescents que massacre symboliquement la famille, la société, les institutions, et qui sont les victimes de la guerre invisible que mène notre époque, paradoxalement avide de jeunisme et floutant les barrières générationnelles, contre ses propres enfants.
  Violence et agressivité permanentes, entretenues  par une Justice et une Police souvent impuissantes, et par les éducateurs. Sans oublier: démission et absence des pères, épuisement des mères, sur fond d’étalage d’argent facile… Pour cette épopée singulière d’un noir étincelant, Le Dernier Contingent nous propose à la fois un voyage fantastique et mouvementé, et une pantomime fantomatique au ralenti….Dans une cage grillagée où l’on grimpe sans pouvoir s’échapper (l’appartement parental au papier peint à fleurs!), les rebelles vont déchirer ces ornements illusoires pour laisser venir le vide, la nuit spectrale et le vertige d’une grande solitude…
 Les acteurs mènent une danse macabre, à la fois personnelle et chorale. Silhouettes enfantines fantasmées, petites ou géantes, découpées dans l’étoffe universelle du rêve et de l’imaginaire, ils  revêtent des parures inouïes ou des panoplies standardisées. Personnages lourds de souffrance, ils possèdent un évident désir de vivre et  un enthousiasme juvénile, et incarnent une résistance et un combat contre leur disparition symbolique, imposée par la trahison des grands, faux pères et faux frères.
Sous l’impulsion pop et rock de la guitare électrique de David Lavaysse, ces belles personnes : Edward Decesari, Evelyne Hotier, Chloé Lavaud, Gaspard Liberelle, Paul Pascot et Valentin Rolland, jouent à la fois, les éducateurs pervers et tyranniques,  et leurs jeunes victimes.

  Jolis pantins articulés, ils possèdent une existence charnelle, coiffés d’un chapeau pointu de fête, et en marinière rayée bleu et blanc, ou costume de tissu moiré.  Des  vêtements en pagaille accrochés au grillage, des draps roulés : la vie n’est pas toujours là où on l’attend, et ces jeunes gens ont des réflexes instinctifs de sauvegarde et d’espoir, au-delà des entraves qui empêchent ou retardent leur accomplissement existentiel…

Véronique Hotte

Théâtre Dijon-Bourgogne/Centre Dramatique National, du 12 au 15 janvier. L’Estive/Scène nationale de Foix et de l’Ariège, du 21 au 29 janvier.
Le Parvis-Scène nationale de Tarbes-Pyrénées, les 2 et 3 février. La Comédie de Saint-Etienne/Centre Dramatique National, du 1er au 3 mars. Les Scènes du Jura/Scène nationale, le 22 mars.

 

 

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