Le Jour du grand jour par le Théâtre Dromesko
Le Jour du grand jour par le Théâtre Dromesko
Cette compagnie foraine, unique en son genre, a notamment signé La Baraque, cantine musicale, spectacle inoubliable joué plus de trois cent fois dans un grande installation en bois. En deux heures, le public découvrait la poésie des Dromesko, hommes et animaux, avec verre de vin et soupes maison, et certaines images restent gravées dans les mémoires, comme l’entrée en scène d’un oiseau qui deviendra la mascotte de la compagnie, un lâcher d’oignons, ou encore le monologue de la cuisinière interprétée par la touchante Monique Brun.
Aujourd’hui au Monfort Théâtre, un lieu qui les connaît bien, ils ont installé une baraque un peu plus petite pour un spectacle dédié aux grands jours et cérémonies en tout genre. Le public s’installe de part d’autre d’un plateau bi-frontal, avec quelques chaises en rang dont l’accès est rendu impossible par un ruban de chantier. Des spectateurs auraient-ils la mauvaise idée de s’y asseoir ?
Un homme, vêtu de son écharpe de maire, vient avec un escabeau et tente de régler deux rampes fluo qui pendent un peu: le spectacle commence doucement, alors que le public parle encore, dans un brouhaha sur bande-son. A ensuite lieu un discours de maire, assez typique d’inauguration d’un lieu. Cela rappelle L’oral est hardi de Jacques Bonnafé qui était dans la salle ce soir-là.
Le discours sera perturbé par le bruit d’un gobelet en plastique que l’on tripote, des regards en coin et un petit chien qui mettra son temps à arriver du bout de sa laisse. L’absurde de la parole relayé par les situations: on est bien chez Dromesko, avec Igor et Lily, ses concepteurs et metteurs en scène ! Les tableaux s’enchaînent, croquant mariages, enterrements, remise de médailles, processions et repas de fêtes…Chaque scène sera l’occasion de trouvailles réussies et efficaces. On y retrouve de la danse, un jeu de voiles, et les stars animales de la compagnie.
Certaines belles images et des effets-lumière parfois simples forment des compositions toujours maîtrisées. Avec seulement quelques projecteurs. Il y a du cinéma de Federico Fellini dans ce théâtre là… Bien sûr, cela n’a pas l’ampleur d’une Baraque mais on y retrouve toute la poésie des Dromesko, ces musiciens et artistes tziganes qui nous proposent des instants de vie, à la fois magnifiques et émouvants de simplicité.
Comme ce moment magique: un jeune homme, en robe de mariée, s’avance vers nous, se cambre et laisse dépasser quelques mètres derrière lui, deux paires de jambes aux chaussures à talon haut, comme si c’était les siennes. Avec une grande précision et une légèreté de gestes: ici, tout paraît fluide. Des hommes et des femmes surgissent de dessous la table, s’empoignent comme ils s’embrassent. Et cela finit, comme toujours chez eux, par un verre partagé avec le public.
Ne boudons pas notre plaisir pour découvrir ou redécouvrir le Théâtre Dromesko, une petite merveille de poésie et de partage qui fait tant de bien.
Julien Barsan
Nous mettrons un petit bémol à l’avis de Julien Barsan. Au démarrage de la représentation, la trop longue parodie du discours du maire est d’une telle maladresse d’écriture et de jeu qu’il entache la suite. On se dit que ces artistes sont bien meilleurs dans la fabrication d’images que dans le théâtre de texte. Cette introduction impulse un faux rythme au spectacle qui, par ailleurs, a tendance à prolonger les images plus qu’il ne faut, comme l’interminable défilé de mariées ( femmes ou travestis) qui clôt la soirée.
Une mention spéciale aux animaux : le marabout, le poney et surtout le cochon qui déroule avec sérieux et précision un tapis rouge sur toute la longueur de la scène : la parodie ici va droit au but et en dit plus que tout discours.
Mireille Davidovici
Au Monfort Théâtre (avec le Théâtre de la Ville), Paris jusqu’au 30 janvier. T. 01 56 08 33 88; et au 104 à Paris du 9 au 20 février. T. 01 53 35 50 00