Les Époux de David Lescot

Les Époux de David Lescot, mise en scène d’Anne-Laure Liégeois

 

 Les époux_ © Christophe Raynaud de Lage_0054Ils  se tiennent debout, derrière des micros sur pied et se préparent à une fête populaire de jeunesse, vêtus selon la mode folklorique roumaine, en rouge et blanc, avec couronne de fleurs pour elle, et chapeau à la valaque pour lui. Sur la ligne de départ, ils piétinent et brident leur énergie, comme s’ils se préparaient à une épreuve d’athlétisme. Personnages clownesques et bouffons, curieux individus, Elena et Nicolae Ceaucescu que l’on reconnaît et que l’on verra plus tard sur les documents vidéo d’époque, sont ici incarnés  par Olivier Dutilloy et Agnès Ponthier, bons  comédiens ironiques et persuasifs.
   Lui, plus grand que le Conducator, et elle, plus petite qu’Elena, l’épouse diabolique… Mais la force du théâtre qui est de suggérer, va du particulier à l’universel. Allègres (jeunes, ils ont adhéré au parti communiste), ils se révèle vite infernaux. Originaires de la Valachie rurale,  au sud de la Roumanie et issus de milieu modeste (fratrie nombreuse, alcoolisme et pauvreté), ils prendront leur revanche,  mais finiront tragiquement, après un procès bâclé que les télévisions du monde entier se feront un plaisir de retransmettre.
  D’abord narrateurs, les acteurs jouent librement les époux Ceaucescu, façon pieds-nickelés, se déshabillent et se rhabillent, selon les cérémonies officielles, discours, réception du général de Gaulle et de son épouse,  ou du couple Nixon.
 Un avion passe dans le ciel, sur les trois murs blancs de  cette chambre claire créée par Anne-Laure Liégeois, trois murs qui figurent en même temps le dénuement de cette salle de classe, où leur destin s’accomplira. On voit sur l’écran vidéo (réalisation de Grégory Hiétin) les parades communistes coréennes, mer de ballets colorés absolument synchro avec vagues de foules, mais aussi l’enterrement de Gheorghe-Gheorghiu-Dej,dirigeant communiste de la République populaire roumaine de 1947 jusqu’à sa mort en 1965. Mais aussi le couronnement du Conducator, son discours pour la non-intervention en Tchécoslovaquie, la chambre du couple dans le palais, et la fin imminente du tyran hué en décembre 1989.
Entre temps, on aura aussi assisté à la naissance de leurs trois enfants, ici des baigneurs en plastique  jetés contre les murs : la mère, sorte de Lady Macbeth, leur fracasserait la tête plutôt que d’abandonner son projet : aider son mari à atteindre le pouvoir suprême.
On assiste à la montée des tyrans, qui s’installent politiquement, en écartant leurs rivaux. Lui, un peu sot, bégaie parfois, et elle, calculatrice, manipule le personnage politique et son bonhomme à elle. Défilent à l’esprit du spectateur, les carrières fulgurantes, mythologiques des Mussolini, Franco, Hitler, Staline,  Mao Zedong, Péron et  Vargas, Sékou Touré ou Idi Amin Dada, et de dictateurs de nos temps violents. Anciens et nouveaux, ils sont l’incarnation vivante d’une volonté de puissance sacralisée. Faux dieux asservissant les masses, et prétendant les guider et dominer le chaos…

 Fascismes, communismes, totalitarismes correspondraient selon historiens et sociologues, à l’explosion dans l’ordre du politique, de religions matérielles nouvelles, modernes et profanes.  » Tout le monde est capable de n’importe quoi », disait déjà Aldous Huxley dans Temps futurs.  Bref, la fascination pour les tyrans ne s’épuise pas, et cette comédie noire de David Lescot, aux dialogues précis et percutants, a quelque chose d’une tragédie d’opérette au goût âcre, où il dénonce la violence comme loi du monde. Un spectacle vif, qui souffle un vent d’humour mais aussi d’inquiétude!

 Véronique Hotte

Théâtre 71/Scène nationale de Malakoff, du 2 au 6 février. T : 01 55 48 91 00.L’Apostrophe/Scène nationale de Cergy-Pontoise, les 25 et 26 mai. T : 01 34 20 14 14

 


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