Le Joueur d’échecs

Le Joueur d’échecs, de Stefan Zweig, adaptation d’André Salzet, mis en scène d’Yves Kerboul

  le-joueur-d-echecsCette remarquable nouvelle  de Stefan Zweig est devenue célèbre; ami de Sigmund Freud, Arthur Schnitzler, Richard Strauss, Romain Rolland… il fit partie de l’intelligentsia juive de Vienne, avant de quitter l’Autriche en 1934. Lucide, il avait prédit l’effondrement du monde occidental face à Hitler. Il se rend à Londres puis en Argentine et en  Uruguay pour donner des conférences. Il revient ensuite à New York, puis de retour au Brésil durant l’été, rédige ses mémoires qu’il expédie à son éditeur, la veille de son suicide.
Le Jour d’échecs, écrit en 42 et publié à titre posthume la même année, met en scène un exilé autrichien que les nazis ont poussé à la folie. Bien entendu, soixante-dix ans après, le récit évqiue la tragédie d’un Stefan Zweig psychologiquement détruit par l’exil et la guerre qui, le 22 février 1942, s’empoisonnera aux barbituriques avec sa compagne Lotte.

Sur un paquebot pour l’Argentine, deux champions d’échecs jouent devant des passagers passionnés. Le narrateur essaye de comprendre comment ce  Mirko Czentović, né dans un famille très pauvre et inculte, qui, à force d’intelligence, de travail et de volonté, est devenu redoutable champion du monde. L’autre, un aristocrate a découvert les échecs enfermé dans une prison  par les nazis qui occupaient l’Autriche.
  Le narrateur, un Autrichien sur un paquebot en route pour l’Argentine, apprend que  Mirko Czentović, un champion mondial des échecs est à bord. Passionné par la psychologie, il essaye de comprendre ce curieux personnage qu’est ce jeune et pauvre orphelin, élevé par le curé du village, fort peu doué par les études… Un soir, le curé et un ami, maréchal des logis, disputent leur partie d’échecs quotidienne mais le prêtre doit aller porter d’urgence l’extrême-onction.
Le maréchal des logis joue alors avec Mirko qui, n’ayant jamais joué… bat pourtant son adversaire deux fois de suite. Le curé comprend vite qu’ils ne pourront jamais battre Mirko, et le font jouer avec d’autres qu’il bat aussi le plus souvent. Le jeune homme continuera, grâce à leur générosité,  à apprendre les échecs à Vienne, et à vingt ans, devient champion du monde.

  Le narrateur voudrait bien disputer une partie contre Mirko Czentović qui accepte de faire une partie contre eux. Il accepte contre de l’argent, et gagne facilement. Mais un Autrichien inconnu, très doué, les aide de ses conseils et ils obtiennent le match nul. Il leur précise qu’il n’a pas joué depuis plus de vingt ans, puis se retire.
Le narrateur fait raconter son histoire à ce M. B. qui dissimula longtemps de fortes sommes aux nazis qui le mettent en prison…dans une chambre de grand hôtel. Mais il n’a aucun contact avec l’extérieur, n’a rien à lire et rien pour écrire, et le gardien qui lui apporte ses repas, reste muet. Il  devra subir de nombreux interrogatoires de la Gestapo et complètement isolé, commence à sombrer dans le désespoir.

 Un jour, il vole un livre qu’il aperçoit dans une veste d’officier pendue au porte-manteau, et qui se révèle être un manuel de grandes parties d’échecs avec des formules qu’à force de volonté, il finira par comprendre. Il fera de son drap quadrillé un échiquier, et de boulettes de mie de pain, des pièces de jeu ; il apprend par cœur puis  joue mentalement les 150 parties du livre mais s’en lasse.
Il jouera alors des parties contre lui-même mais sent que son esprit se dédouble, se rue contre le gardien, se blesse, perd connaissance, devient schizophrène et se réveille dans un hôpital. Un médecin prend soin de M.B. et le fait passer pour fou ou irresponsable et il sera donc libéré. Mais il lui recommande malgré tout de ne plus jouer aux échecs…

M. B.  affrontera pourtant Czentović mais abandonne une première partie et veut en jouer une deuxième mais est vite déboussolé. Czentović joue sur la lenteur (pourtant convenue entre les deux adversaires) ce que ne supporte pas  M.B. qui anticipe mal les coups et se retire du jeu. « Dommage, dit le joueur professionnel avec un certain mépris, l’offensive n’allait pas si mal. Pour un dilettante, ce monsieur est en fait remarquablement doué. »
 Dans le récit principal, viennent s’intercaler deux longs récits ; construire une adaptation théâtrale à partir de cette nouvelle n’est donc pas chose facile…  Ce remarquable récit constitue une sorte de miroir de la tragédie qu’a connue  le grand écrivain autrichien a tenté nombre d’acteurs et metteurs en scène.
André Salzet reprend ce spectacle qu’il avait déjà joué dans la mise en scène d’Yves Kerboul. Sur scène rien qu’une chaise et la projection de hublots pour  figurer le paquebot. Dans la première partie, très à l’aise, André Salzet maîtrise bien les choses et sait donner au texte une force dramatique indéniable mais, mal et/ou peu dirigé, il se met ensuite à bouler le texte, à criailler, à gesticuler sans raison… Et l’on a tendance à décrocher. 

Dommage. Rien n’est perdu mais il faudrait que le metteur en scène resserre de toute urgence les boulons. La prose magnifique de Stefan Zweig mérite mieux que cette reprise approximative.

Philippe du Vignal

Théâtre du Lucernaire, rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris, jusqu’au 13 mars.

 

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