Revenir
Revenir! Épisode 1 : Quand parlent les cendres ( Théâtre-Lecture-)Performance, texte et mise en scène de Barbara Bouley.
Catherine Fourty, en robe noir et blanc, se tient seule, juste éclairée par de petites bougies, espace de recueillement et de deuil où gît un gros galet blanc à la couverture immaculée et lisse, l’urne funéraire.
La narratrice porte avec délicatesse l’urne des cendres de son père sur une chaise et va raconter face public, visage grave et sourire généreux, l’histoire douloureuse de ce jeune appelé qui a dû faire la guerre d’indépendance en Algérie (1954-1962).
Guerre sans nom dont on a longtemps caché les actes inavouables : tortures blessures, viols, dégradations de la dignité humaine. Revenu en France, l’appelé n’a cessé d’éprouver l’humiliation et la culpabilité des bourreaux qui ont obéi sans pouvoir réagir ni s’opposer aux ordres cruels des gradés.
Les souffrances, souvent invisibles, produites par la torture, complexes et durables, sont difficiles à exprimer par ceux qui ont survécu aux traitements humiliants visant à les détruire en tant qu’êtres humains. Épouses et enfants ont été aussi de manière indirecte, des victimes collatérales, au même titre que les appelés eux-mêmes, à la fois bourreaux et victimes.
La narratrice se souvient des peurs enfantines provoquées par les éclats du père, violences verbales, discours de folie et d’insultes contre le monde et soi-même. Comment comprendre les effets existentiels de la torture, pour celui qui n’a pas assisté aux actes d’effroi et de bestialité, à travers l’inouï, le non-dit de ceux qui en reviennent, témoins passifs ou acteurs ?
Revenir ! de Barbara Bouley, qui fait aussi la mise en scène, correspond au troisième programme de recherche de sa compagnie qui porte sur les blessures invisibles de la guerre et plus particulièrement sur le P.T.S.D (Post Traumatic Stress Disorder). Elle s’est fondée sur un recueil de témoignages auprès de ceux qui reviennent de zones de conflits: soldats, victimes civiles, journalistes, humanitaires, médecins, et leurs familles.
Cette forme scénique cherche à exhumer de l’oubli les traumatismes causés par les guerres des XX ème et XX ème siècles sur le psychisme des hommes et femmes qui y ont consacré un temps de leur existence mais aussi à la manière dont ces trouées dans leur mémoire affectent les cellules familiales, leur environnement et la société dans son ensemble.
Le Centre Primo Levi, par exemple, est la plus importante structure en France pour les soins aux victimes de la torture et de la violence politique, réfugiées sur notre sol. À partir de l’expérience acquise dans ce centre, l’association entend témoigner inlassablement de ces effets de la torture. «Depuis lors, à une heure incertaine,
Cette souffrance lui revient,
Et si, pour l’écouter, il ne trouve personne,
Dans la poitrine, le cœur lui brûle», écrivait Primo Levi.
Un spectacle éloquent avec une comédienne investie pour des temps de violences…
Véronique Hotte
Anis Gras-Le Lieu de l’Autre à Arcueil, le 11 février à 19h30, et le 12 février à 14h30 et 19h30.