Maputo Mozambique
Maputo Mozambique, conception et mise en scène de Thomas Guérineau
À la différence du ménestrel, serviteur, «ministre» attaché à un seigneur, le jongleur est un itinérant et selon, les textes médiévaux, aussi nécessaire à une cérémonie de mariage que le prêtre.
Les jongleurs de passage assurent donc la gaieté des grands moments de l’existence et viennent tirer aussi de l’ennui le châtelain, quand il ne se distraie pas, en chassant ou en faisant la guerre. Avec les bateleurs et saltimbanques, habitués des châteaux, tournois et fêtes publiques, ils savent chanter et jouer d’instruments…
Aujourd’hui, ils ont investi les scènes… Autour du metteur en scène et jongleur Thomas Guérineau qui a réalisé ce Maputo Mozambique, six artistes mozambicains, brillants musiciens, jongleurs, acrobates et danseurs , s’en donnent à cœur joie dans un jeu collectif et pur.
Corps en mouvement, chants, jeux d’instruments aux sons inouïs et pas de danse font la joie du public. Statues animées ils s’amusent de leur souplesse musculaire et articulatoire pour en jouer avec facétie, à la fois dans l’humilité et le panache. Vêtus d’un marcel blanc et d’un pantalon sombre de jogging, ces artistes mozambicains ont pour nom : Ernesto Langa, Lourenço Vasco Lourenço, Dercio da Carolina Alvaro Pandza, José Joaquim Sitoé, Valdovino Claudio De Sousa, Dimas Carlos Tivane.
Ils ont nourri leur création de traditions orales, gestes rituels, improvisations dansées et vocales, rondes de transe, mais aussi d’un jeu entre le noir et le blanc que vient réveiller l’éblouissement solaire de sacs en plastique orange. Un bel art de la récup’…
Percussionnistes, ils font rebondir une balle sur une timbale de peau et de cuivre, avec un son sec. Ils jonglent aussi avec trois balles et des feuilles de plastique en vrac que les acteurs s’échangent, tels des produits cultivés, gestes dont on devine qu’ils sont l’écho traditionnel, l’héritage du travail de la terre.
Un tel jonglage, à la fois corporel et dansé, éclaire la présence physique de ces athlètes, la musique de métronomes, percussions et rhombes, drôles d’instruments ancestraux.
On aimerait que les rondes, feutrées ou endiablées ne s’arrêtent pas de tourner, après que les artistes, placés sur une ligne droite, parallèle à la salle, se soient tous livrés à leur petite musique de percussion personnelle : une balle lancée sur la timbale de peau et de cuivre que leurs partenaires vont rattraper.
Musique et danse, rythme et gestuelle, fusion de balles, sacs en plastique et rhombes, instruments primitifs à vent que l’on fait tourner et qui produisent des sons issus du frottement avec l’air : tout convie à l’enchantement, et à la douce griserie d’un public heureux.
Un spectacle époustouflant de technique et d’art.
Véronique Hotte
Musée du Quai Branly -Théâtre Claude Lévi-Strauss, du 18 au 21 février à 20h, et dimanche 17h www. quaibranly.fr, www.facebook.com/theatreclaudelevistrauss
A Villeneuve-en-Scène/ Festival d’Avignon en juillet prochain.