Xylographie, Shunshine, Black Box et One Flat Thing, Reproduced
Xylographie, Shunshine, Black Box et One Flat Thing, Reproduced, chorégraphies de Tânia Carvalho, Emanuel Gat, Lucy Guerin et William Forsythe, par le Ballet de l’Opéra de Lyon
Avec un programme éclectique, la compagnie exceptionnelle du Ballet de l’Opéra de Lyon, a été invitée par Emmanuel Demarcy-Motta à Paris, avec quatre pièces au style contrasté où elle déploie l’éventail de ses talents. Avec une sorte de kaléidoscope de l’art chorégraphique d’aujourd’hui, elle compte à son répertoire plus de cent pièces, dont quarante-neuf créations mondiales par les plus grands chorégraphes: Jirí Kylián, Mats Ek, Sasha Walz, Merce Cunningham, Anne Teresa De Keersmaeker, Angelin Preljocaj, Jean-Claude Gallotta, Jérôme Bel, Maguy Marin, Rachid Ouramdane…
La chorégraphe portugaise Tânia Carvalho avec une création, Xylographie, donne à ses dix-huit interprètes l’occasion de se déployer en une somptueuse fresque, alternant mouvements curvilignes et poses hiératiques. Des costumes noirs, rouges et bruns, couvrent soit leurs jambes soit leurs torses, et déterminent trois groupes mixtes de six danseurs qui s’assemblent selon la couleur de ces vêtements, dupliquant leurs gestuelles d’une tribu à l’autre; ils peuvent aussi s’entremêler selon des itinéraires complexes avec, ça et là, de brefs solos, duos ou trios. Parfois, ces interprètes s’immobilisent comme pour des instantanés photographiques, et leur formation classique leur permet d’entrer dans des figures élaborées alliant force et grâce. Corps mi-nus, visages grimés, lumières en clair-obscur et musique alternant lignes mélodiques et grincements, confèrent à la pièce une étrangeté baroque.
Contrastant avec cette fluidité, Sunshine (2014) a une certaine rugosité: Emmanuel Gat a fait improviser ses douze danseurs sur une bande-son composite où l’on entend des conversations, un orchestre en train de répéter des bribes de Water Music de Georg Friedrich Haendel, et les indications du chef.
La troupe reproduit l’ambiance d’une répétition, les danseurs esquissent des gestes, les reprennent, se dispersent pour en essayer d’autres, ou se regroupent pour commenter… De ces déplacements erratiques, naît un ballet nerveux où le désordre s’ordonne en chorégraphie joyeuse. Emmanuel Gat a fait ses classes en Israël où il a fondé sa compagnie, et a aussi été invité par de nombreuses institutions comme le Ballet de l’Opéra de Paris, ou le Ballet national de Marseille. En France, il s’était fait connaître avec le succès de Winter voyage et Le Sacre du printemps en 2004, au festival d’Uzès. Et il a réalisé The Goldlandsbergs comme artiste associé au festival Montpellier Danse, en 2013.
Après l’entracte, on découvre Black Box, créé au festival de Melbourne en 2012, et à Lyon l’année suivante, par Lucy Guerin, figure emblématique de la nouvelle danse australienne. Conçu par son scénographe Ralph Meyers, un cube noir, arrimé aux cintres, monte lentement en projetant au sol une découpe lumineuse carrée, et déverse les danseurs sur le plateau, puis se referme sur eux, séquence après séquence. Quand cette boîte s’élève, on voit d’abord -effet amusant- les pieds et les jambes nues des interprètes; en short, ils vont danser seuls, à deux, à trois, et bientôt à onze, de brefs morceaux assez répétitifs, comme la musique pulsée d’Oren Ambarchi. Procédé qui a tendance à lasser au fil de la pièce, malgré les variations introduites par la chorégraphe.
Ce qui n’est pas le cas pour le fameux One Flat Thing, Reproduced de William Forsythe, avec trois quarts d’heure de danse haletante! Les interprètes se trouvent aux prises avec d’implacables tables métalliques qui ont envahi l’espace. (Voir Le Théâtre du blog, juin 2014). Ils sautent sur ces grands rectangles d’acier, se faufilent entre leurs pieds, s’y balancent à bout de bras, à la fois acrobates et danseurs. Une performance artistique et athlétique qui force l’admiration du public et clôture la soirée avec brio… On apprécie la technique et la malléabilité de ces artistes, capables de s’adapter à tous les styles, et qui nous offrent ici une palette nuancée de leur jeu.
Mireille Davidovici
Théâtre de la Ville, Paris jusqu’au 27 février.