Les Eclats du bal, montage de textes de Daniil Harms
Les Eclats du bal, montage de textes de Daniil Harms, mise en scène de Pascal Crantelle
Daniil Harms est né en 1905; merveilleux auteur de poèmes, de courtes pièces, d’aphorismes, d’un Journal, il avait appartenu à une Association pour l’Art réel, un courant littéraire et philosophique moderniste russe, qu’il avait fondé avec, entre autres, Alexandre Vvedenski, auteur d’Un sapin chez les Ivanov, (voir Le Théâtre du Blog).
Accusé d’être un ennemi du régime soviétique et exilé à Koursk en 1931, il fut ensuite arrêté puis interné en asile psychiatrique, et meurt à 36 ans! Merci qui? Merci, Staline et sa police politique!
Et seulement deux textes publiés ont été de son vivant! Les autres étant diffusés clandestinement. Daniil Harms ne fut réhabilité qu’en 1956! Et son œuvre qui mit du temps à être reconnue en Russie, a été maintenant traduite en français, allemand, anglais, etc.
Il y a quelque chose de fascinant dans ses textes qui préfigurent déjà les pièces d’Eugène Ionesco et de Samuel Beckett : sentiment de l’absurde et de la perte lié à la condition humaine, humour caustique et des plus noirs fondé sur un langage mis en danger, avec une narration qui se développe à partir d’une juxtaposition d’éléments. Et ses personnages font parfois penser au Plume d’Henri Michaux, égaré dans un monde étranger, voire hostile.
L’œuvre de Daniil Harms, tous genres confondus, possède de petites scènes souvent oniriques ou fantastiques, aux répétitions ou rebondissements inattendus, et on comprend qu’elle ait souvent inspiré nombre de créateurs de théâtre, entre autres, Bob Wilson mais aussi Marie Ballet, Claude Merlin, Emilie Valantin, Laurence Garcia (voir Le Théâtre du Blog).
Pascal Crantelle a rassemblé ici des poèmes, pièces courtes, lettres et textes en prose, et y ajouté une sorte d’introduction et de fin. Au fond du petit plateau, juste trois toiles peintes-non figuratives et réussies-de Patricia Burkhalter devant lesquelles Aline Lebert et Harold Crouzet vont donner vie à cet ensemble d’écrits. Et cela donne quoi?
Le spectacle a un peu de mal à démarrer mais Harold Crouzet, jeune comédien à la silhouette longiforme, possède une belle présence. Avec un côté espiègle, une gestuelle et une diction impeccables, il emmène vite le public dans les méandres poétiques de l’écriture de Daniil Harms.
Aline Lebert a, elle, un rôle un peu réduit, ce qui déséquilibre la mise en scène, par ailleurs soignée de Pascal Crantelle. On oubliera les petites chorégraphies maladroites qui n’apportent rien au spectacle. Reste à savoir si l’ensemble “fait théâtre” comme disait Antoine Vitez. Pas toujours; le spectacle encore brut de décoffrage, de soixante-quinze minutes, mériterait quelques coupes et ajustements mais il permet déjà d’écouter, une fois de plus et avec délices, la parole de cet écrivain génial.
Paris reste une ville étonnante: au fond d’un passage perdu et loin des circuits habituels, une petite salle peu connue, avec un auteur russe, lui aussi peu connu du grand public et joué par deux comédiens, avec seulement une représentation le mercredi et une autre le vendredi, et en plus à 21h, rassemble une cinquantaine de spectateurs!
Que demande le peuple?
Philippe du Vignal
L’Auguste Théâtre, 6 impasse Lamier 75011 Paris, les mercredis et vendredis à 21h, jusqu’au 18 mars 2016.
Le spectacle est prolongé dans ce même lieu: Attention aux nouveaux jours! Les mardi 12, jeudi 14 , vendredi 15 ,mardi 19, jeudi 21 et vendredi 22 avril.
T : 01.43.67.20.47 www.augustetheatre.fr