Les Affaires sont les affaires
Les Affaires sont les affaires d’Octave Mirbeau, mise en scène de Claudia Stavisky.
Créée en 1903 à la Comédie-Française, contre l’avis de son comité de lecture qui démissionna à cette occasion, cette comédie de mœurs, habilement construite, selon la sacro-sainte règle des trois unités, n’a cessé depuis de susciter l’intérêt des metteurs en scène, et a été adaptée au cinéma et à la télévision.
Isidore Lechat qui rappelle certains hommes politiques d’aujourd’hui, a réalisé une fortune colossale, grâce à son habileté de capitaliste pour qui tout s’achète et doit fructifier. Propriétaire d’un journal, il a aussi des ambitions politiques…
Il a invité, dans son château du XVllème siècle dont chacune des chambres porte le nom d’un roi de France, (et il y en a autant qu’il y eut de monarques!) deux ingénieurs, des fripouilles qui cherchent à lui vendre une chute d’eau capable, selon eux, de fournir de l’énergie électrique…
Isidore Lechat veut marier sa fille au fils d’un marquis qui lui doit de l’argent et qui continue à lui en emprunter. Il reste à cet héritier ruiné un nom à particule! Mais la demoiselle «excessivement riche», cultivée et émancipée, file le parfait amour avec un jeune homme qui travaille pour son père. Dans ces scènes savoureuses de conflit familial, Octave Mirbeau se souvient du Bourgeois Gentilhomme et de L’Avare…
On rit beaucoup dans cette pièce, belle machine théâtrale, même si Isidore Lechat reste un personnage épouvantable, une vraie canaille selon sa propre fille, et un spéculateur pour qui tout s’achète : les biens comme les gens. Ainsi, il a fait du vicomte de la Fontenelle, un débiteur malchanceux, son homme à tout faire.
Et, s’il donne de l’argent à son fils, amateur de voitures de course, il exige, en échange, qu’il le mette en rapport avec des gens qui peuvent lui être utiles. Quand la comédie se fait drame, et qu’on lui annonce la mort de son rejeton dans un accident de la route, Isidore Lechat, loin de se laisser emporter par le chagrin, continue de gérer ses contrats et finit par escroquer… les deux escrocs. Bref, les affaires sont les affaires, les sentiments et l’humanité ailleurs.
Claudia Stavisky a voulu épurer le texte comme les décors, et rendre ainsi la pièce plus accessible, plus «tranchante» comme elle dit, avec un dispositif scénique évoquant les moulures d’une demeure historique qui permet de moduler des espaces. La demoiselle Lechat, jeune femme d’aujourd’hui, à qui Lola Riccaboni donne une assurance teintée d’agressivité, très à l’aise dans ses baskets, tient tête à son père.
Mais on se demande bien pourquoi la metteuse en scène reprend, dans la scène finale, l’image, tirée du film Mélancolia, d’une planète qui va engloutir la Terre? Contre-sens évident!
Et pourquoi faire sur-jouer, du début jusqu’à la fin, François Marthouret, comédien subtil? Isidore Lechat n’a rien d’un personnage caricatural et, hélas très malin, il se révèle terriblement dangereux pour ceux qui s’en approchent…
Elyane Gérôme
Théâtre des Célestins à Lyon, jusqu’au 26 mars, et du 3 au 7 mai. www.celestins-lyon.org
La Coursive à La Rochelle, du 30 mars au 1er avril. Théâtre du Gymnase, Marseille, du 5 au 8 avril. Et en mai, Théâtre de Namur (Belgique), théâtre de Privas (Ardèche), et Comédie de Picardie à Amiens.