François Rancillac reconduit

François Rancillac reconduit 

indexFrançois  Rancillac vient d’être  reconduit à  la  direction  du  Théâtre  de  l’Aquarium, à la  Cartoucherie de Vincennes, comme il nous l’avait dit il y a quelques jours. Les manœuvres minables du précédent cabinet de Fleur Pellerin pour l’évincer ont donc échoué, et son principal instigateur a été recasé ailleurs, pour le plus grand bien du théâtre public. Ouf!
L’ex-ministre de la Culture, plutôt embarrassée à sa conférence de presse au Festival d’Avignon, s’était perdue en explications des plus vaseuses, et on sentait déjà qu’elle cherchait comment reculer sans perdre la face.
Aucune illusion: cela n’aurait pu se faire sans une bataille de quelque dix mois, grâce entre autres, à une pétition qui a recueilli des milliers de signatures: quelles que soient leurs divergences,  celle des artistes d’abord (rien à faire la profession, pour une fois, est restée soudée!) mais aussi le public surtout, les enseignants,  directeurs  d’institution,  élus,  journalistes qui se sont mobilisés…  Ce n’est pas si fréquent!
Cela prouve: 1) que le Ministère de la Culture et sa Direction de la Création ne sont pas à un coup tordu près. On l’avait déjà bien vu par le passé!
2) que la solidarité paye: un(e) Ministre n’aime jamais les remous d’envergure; cela fait toujours désordre, surtout quand un de ses collaborateurs qui connaît mal le théâtre, prend une initiative prétentieuse et des plus mal placées.
3) Qu’il faut donc rester vigilant, surtout par les temps qui courent. Partout et toujours. Le Ministère de la Culture, et en particulier la Direction des Spectacles devenue la Direction de la Création artistique ont, rappelons-le encore une fois, commis par le passé un certain nombre d’erreurs grossières, sans jamais bien entendu s’en vanter, notamment en ce qui concerne l’enseignement artistique.
Donc, jeunes et moins jeunes,  techniciens, comédiens et metteurs en scène, critiques,  un seul mot d’ordre: NE CEDEZ JAMAIS aux intimidations du Pouvoir politique et de son administration quels qu’ils soient… Il est à votre service et non le contraire.

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Aquarium à la Cartoucherie de Vincennes, route  du  champ  de  manœuvre  75012  Paris. T:  01  43  74  72  74


Archive pour 11 mars, 2016

Curiosity, création collective

Biennale des écritures du réel #3 à Marseille:

 

Curiosity, création collective, mise en scène de Laurent de Richemond

HD_3105_2015_CURIOSITY_9605L’entrée de cette douzaine d’ apprentis-comédiens sur le plateau nu se fait à reculons, tant la présence du public leur paraît sidérante. Ainsi est posé d’emblée, entre désir et répulsion, le processus ambigu de rencontre avec l’Autre, cet inconnu. Comme Curiosity, le robot explorateur envoyé sur Mars par la Nasa, les acteurs ici partent en quête de l’alien, une autre forme de vie : le partenaire, mais aussi le spectateur.
Passées les premières réticences, ils s’engagent immédiatement dans une sarabande de tableaux tonitruants. Ça danse, ça gueule, ça s’embrasse à bouche que veux-tu. Solos, duos, interventions chorales investissent pleinement l’espace. 
Laurent de Richemond de la compagnie Soleil Vert, en partenariat avec le théâtre de la Cité, a su, dans cet atelier, mettre en confiance ces amateurs bouillonnants.
Le désir d’être en scène les irrigue. Une onde intensément sensuelle parcourt ce spectacle qui va à la rencontre de nos contemporains, ces planètes mystérieuses autour desquelles on gravite sans prendre toujours la peine de les explorer, trop occupés que nous sommes à rêver d’ailleurs.
Après une danse libératoire hilarante, qui rappelle le tableau  I like to move it  du mythique Show must go on de Jérôme Bel (même travail sur le miroir, la modeste jouissance corporelle, la référence populaire, l’individu), voilà le groupe de «sex bombs» prêt à s’exposer et à exploser.
L’explosion fondamentale, c’est bien sûr la parole, ce pouvoir. Ainsi, on essaie de réduire les autres au silence pour parler (beaucoup) de soi dans ce « théâtre de l’expérience ». Chacun ici tente de bâtir sa présence scénique à partir de ce qu’il possède : un corps, des anecdotes, une envie de (se) dire, souvent par la force. «Tais-toi !», «Vous ne m’aimez pas, parce que je parle de moi » et son pendant : « Je suis une grosse merde» servent de chevilles récurrentes pour articuler des saynètes inégales, mais souvent fort jouissives.
Tous parfaitement en place. Légitimes et puissants. On retient : la présence titanesque du mutique Benoît et son banc dressé, tel un monolithe, un cercueil ou un rocher de Sisyphe, la sincérité de Stéphanie, fan de Cabrel, irrésistiblement attirée par les filles, les fantasmes d’embourgeoisement d’Erika, se rêvant tragédienne incarnant Bérénice, la gouaille agressive d’Edgar et de Marianne qui font toujours mouche…

 Car tout n’est pas rose dans la grande aventure de la découverte de l’autre. Des luttes intestines jalonnent la pièce : combat de femmes au sol, à la gréco-romaine,  réhabilitation de la Marseillaise (que vous n’écouterez plus jamais pareil), ou très goûteux plaidoyer canadien-cajun qui métaphorise avec bonheur, préjugés et racisme ordinaire qui gangrènent notre société.
Sans angélisme ni conceptualisation jargonneuse, Laurent de Richemond poursuit sa démarche d’incorporation du réel dans le théâtre (et inversement). En écho aux propos du philosophe Bernard Stiegler qui célèbre dans la revue Laura « le temps des amateurs », ces « créations partagées » semblent réaliser la thèse soutenue par Oscar Wilde dans L’Ame humaine et le Socialisme (rebaptisé pudiquement dans les éditions récentes L’Ame humaine).

 Dès 1891, devant les méfaits de l’industrialisation,  cet aristocrate visionnaire proposait de travailler moins, pour créer plus : que chacun puisse, désaliéné, prendre le temps de se questionner sur son existence, en se consacrant davantage à l’expression artistique et à la pratique culturelle.
 Curiosity s’étire un peu trop (Laurent de Richemond semble avoir été un peu débordé par le projet de «faire taire le vide» et de lâcher la bride à ses enthousiastes interprètes) mais n’en reste pas moins efficace. Et, quand survient le final, on a l’impression d’avoir vraiment rencontré chacun des êtres présents sur le plateau. Quelle humilité et quel engagement ! La vie est bel et bien ici «au comble du réel», comme l’a affirmé avec vigueur une spectatrice sexagénaire…

 Stéphanie Ruffier

Samedi 12 mars à 15h :  Un autre journal, création collective en photographie, et à 19h La Vie courante, installation vidéo orchestrée par la cinéaste Narimane Mari ,avec la complicité du musicien Cosmic Neman à la Friche La Belle de Mai.

Dimanche 13 mars au Théâtre de la Cité : Participez au monde, participez à l’art , rencontre animée par Estelle Zhong, en présence des artistes et participants aux créations.

 

 

Les Trocks

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Les Trocks

 En quelque quarante ans d’existence, les Ballets Trockadero de Monte-Carlo, devenus Les Trocks, célèbre troupe de travestis basée à New York, n’ont cessé de parcourir la planète : du Japon qui les adore, à l’Europe où ils reviennent chaque année,  avec plus de 3.000 représentations dans plus de  six cent villes !
 A quoi tient un tel engouement ? Sans doute à un  parfait cocktail de professionnalisme et d’humour. Avec d’excellents interprètes capables de parodier les chefs-d’œuvre du ballet classique, sans pour autant les dénaturer. Leur répertoire comprend aussi Cafe of experience  de Pina Bausch, Lamentation of Jane Eyre de Martha Graham, Pattern in Space, de Merce Cunningham…
Mais ce sont surtout les codes et le vocabulaire du ballet académique qui se prêtent à un exercice parodique. Voir les Trocks, tous solidement musclés mais aux allures de diva avec de longs cils et la bouche en cœur, danser en tutu et sur des pointes,provoque bien sûr, le sourire, chose peu fréquente dans le monde chorégraphique actuel.

Mais cela n’empêche pas une impeccable réalisation de manèges, pirouettes, fouettés et autres figures difficiles,  et provoque vite l’admiration. Le directeur des Trocks, Tory Dobrin, lui-même ancien danseur de la compagnie de 1980 à 1990, veille au respect des règles classiques.
Ainsi, p
our Le Lac des cygnes, Giselle ou Don Quichotte, chaque entrée d’une pièce au répertoire est assurée par des artistes, russes le plus souvent, qui l’ont dansée et qui la transmettent au plus près de l’original. Et, après avoir complètement intégré pas et enchaînements, les danseurs y ajoutent leurs facéties, souvent trouvées au hasard des événements. Pour Paquita par exemple, que Marius Petipa avait créé en 1847 et qui leur a été enseigné par une interprète du Bolchoi dans le respect du style académique, un des danseurs est tombé lors d’une répétition, et sa chute entraîna celle de toute la ligne de ses camarades qui se sont écroulés l’un après l’autre comme un château de cartes, déclenchant ainsi le rire! Bien entendu, le gag fut conservé.
Dans ce programme, il y a, à la fois des moments qui ont fait la réputation des Trocks, comme le fameux acte II du Lac des cygnes, et d’autres plus récents, mais jamais présentés en France, comme cet extrait de Paquita.
Avant même le lever du rideau, la bonne humeur s’installe grâce à un artiste au fort accent russe (la tradition du ballet reste l’apanage de la Russie pour le grand public!) qui indique la distribution: Maria Paranova, Olga Suppozova et autres divas aux noms fantaisistes que portent ici de vraies étoiles d’aujourd’hui
Aujourd’hui, où la mode est à une sérieuse déconstruction des codes du spectacle, celui qui se contente de s’en divertir, s’expose à la critique des esprits chagrins qui lui reprochent d’être futile.
Mais Les Trocks, avec leur virtuosité et leur esprit ludique, amènent à la danse un public qui ne s’y serait peut-être jamais intéressé autrement. Bref, le territoire de l’art chorégraphique est assez vaste pour inclure l’original, sa déconstruction… mais aussi sa parodie.

 Sonia Schoonejans

 Spectacle vu à la Maison de la Danse à Lyon

 

Objet principal du voyage, chorégraphie d’Herman Diephuis

Objet principal du voyage, chorégraphie d’Herman Diephuis

 

Le Tarmac, scène francophone à Paris, invite des équipes artistiques composites à unir leurs talents pour ces Traversée africaines, avec des spectacle de danse et de théâtre.* Le chorégraphie néerlandais, aujourd’hui installé en France, dit être «tombé artistiquement amoureux de ces jeunes danseurs burkinabé» auprès  desquels il mène des formations depuis 2010 à Ouagadougou : «Une révélation pour moi, tant sur le plan artistique qu’humain».
 Le titre, emprunté aux formulaires de demande de visa, donne la tonalité du spectacle : la rencontre entre deux univers, celui d’un Européen confronté à l’imaginaire africain. Loin de  danses traditionnelles revisitées,  Herman Diephuis coule son style contemporain dans les corps de ses quatre interprètes qui, tout de noir vêtus, se meuvent d’abord avec lenteur sur le jazz tendre et les drums de Max Roach, entrelaçant leurs gestes dans une douce intimité.
 L’un chute, les autres le relèvent. Les corps sont confiants : danseuses et danseurs forment un quatuor harmonieux. Puis  une querelle éclate, l’unité se brise, le groupe s’éparpille en duos et solos… Les blues de Memphis Minnie et Big Mama Thornton donnent lieu à des développements mélancoliques, où les artistes expriment physiquement leur solitude ou leurs rêveries amoureuses.
La discorde prend des allures guerrières avec les hymnes entremêlés du Burkina Faso, des Etats-Unis et de la France. Un désir violent parfois s’empare des danseurs qui se déchaînent au rythme du rock and roll, en solos, duos et trios… Mais bientôt les corps enfiévrés s’apaiseront.
Cette pièce pure et dépouillée se déploie avec une évidence simple. Sans fioritures, sans effets, par petites touches. Avec une économie qui maîtrise l’énergie émanant des artistes. L’argumentaire du ballet  évoque  les dernières émeutes au Burkina Faso, rapidement éteintes.« Je suis très fier des Burkinabé qui ont pris en main leur destin, sans violence, et avec détermination, dit le chorégraphe. Et le mouvement de contestation qui a commencé autour du rappeur Smockey, rejoint ensuite par de nombreux artistes, montre l’importance qu’ils ont dans ces sociétés. Ce qui est arrivé au Burkina, montre à quel point il faut continuer à  réaliser et à financer des projets culturels. » 

(À suivre…)

 Mireille Davidovici

 Traversées africaines se poursuivent jusqu’au 16 avril au Tarmac à Paris

Cœur d’acier de Magali Mougel

Cœur d’acier de Magali Mougel, mise en scène de Baptiste Guiton

MG_4910Baptiste Guiton a passé commande d’un texte à cette auteure qui apprécie les contraintes de l’exercice. Cœur d’Acier? Le nom d’une radio mise en place par la C.G.T., lors des conflits qui ont bouleversé la sidérurgie lorraine.
L’action se situe à Florange,  dont les hauts-fourneaux ont été abandonnés par Arcelor Mittal en 2012. Dans le projet initial de Magali Mougel, le personnage central était Edouard Martin, syndicaliste actif dans la lutte pour le sauvetage de cette industrie; élu député européen, il n’avait pas pu empêcher les décisions de la multinationale et avait été alors considéré comme un traître par ses anciens camarades. 
    L’auteure et le metteur en scène ont préféré axer la pièce sur les conflits qui agitent une famille pendant les cinq jours précédant l’expropriation de l’usine au profit d’un vaste centre de loisirs. Le père évoque avec nostalgie le travail dans les hauts-fourneaux, la lave rougeoyante de l’acier en fusion, et sa fierté d’avoir été un ouvrier au beau savoir-faire hérité de son père. Mais il a mal géré ce changement de vie et élève des pigeons qu’il consomme pour son usage personnel plutôt que de les commercialiser !
Sa fille, Anna, 17 ans, supporte mal ce fatalisme mais doute de l’efficacité de ses études; elle hésite entre accepter la mutation du pays et travailler pour le parc de loisirs qui va se créer, ou résister en menant des actions violentes. Tiphaine Rabaut-Fournier incarne, avec naturel et vivacité, Anna, tiraillée entre les illusions de l’enfance et la dure réalité actuelle. Bobby, son frère, un adolescent dans un état-limite, souffre du manque d’ambition de ses parents et rêve d’être adopté par Lakshmi Mittal en personne…
Antoine Besson, comédien original qu’on voit régulièrement sur la scène du T.N.P. de Villeurbanne, compose un personnage exceptionnel au point d’éclipser les autres.  A la sortie du théâtre, des jeunes gens enthousiastes ne parlaient que de lui !

Baptiste Guiton a choisi de remplir le plateau par des scènes simultanées mais on ne comprend pas toujours cette agitation, même si le rythme reste soutenu. Comme d’habitude, il aussi mis en scène trois instrumentistes; omniprésents, ils soulignent des moments du spectacle mais la musique, ici, ne semble pas toujours justifiée et gêne parfois l’écoute du texte… qui correspond à l’actualité sociale dans notre pays. On mesure la fragilité des ouvriers de l’acier, face aux diktats économiques, et la paupérisation des territoires. Ils s’étaient identifiés à leur industrie, et se voient  reconvertis dans des activités de loisirs ou de tourisme!

Elyane Gérôme

Théâtre National Populaire, place Lazare Goujon, 69100 Villeurbanne, jusqu’au 11 mars.

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