Occident de Remi de Vos
Occident de Rémi de Vos, mise en scène de Dag Jeanneret
Publiée en 2006, la pièce a été montée par Dag Jeanneret deux ans plus tard, et a déjà beaucoup tourné. Mais elle trouve aujourd’hui une actualité toute particulière! Le titre renvoie au nom de cet ancien groupuscule d’extrême droite de sinistre mémoire mais aussi aux mœurs occidentales… De fait, le mot ici s’impose à la fois comme emblème du rejet de l’étranger, spécialement arabe, et comme moment de crise dans la vie d’un couple occidental.
A travers les propos racistes, haineux et misogynes de l’homme (Christian Mazzuchini), c’est, dit Rémi de Vos, » une pièce noire qui met en scène un couple monstrueux et comique. Il et Elle ne tiennent plus que par un jeu (de mots), une danse (de mort), un rituel (intime) qui les font se tenir encore l’un en face de l’autre. L’extrémisme dont il est question est une donnée du jeu.»
Le rite apparaît alors tout à la fois comme l’expression d’une douleur et sa thérapie. Occident dit toute la misère affective, sexuelle mais aussi sociale d’un couple. Avec un dialogue nourri de propos haineux et violents; scandé par des reproches, menaces et insultes, il tourne à un déferlement verbal de fantasmes sexuels.
Dag Jeanneret a mi en scène avec habileté ce rituel en sept tableaux et un épilogue, ici rythmés par des noirs sur fond de concerto de Vivaldi. Effet de contraste garanti entre la joie de cette musique, et le marasme d’un combat verbal entre un pauvre gars impuissant et sa femme (Stéphanie Marc) qui s’y s’attache de façon névrotique…
Il passe ses journées à boire au Palace ou au Flandre et s’agite, se répand en gestes incontrôlés et violents d’ivrogne. Elle ne fait rien et reste à l’attendre : elle s’impose juste par son calme et son immobilité. Le ton monte entre eux, et ce combat de paroles leur tient lieu d’étreinte et comme dans un jeu sexuel, en arrive à un orgasme verbal : Lui éructe des «Je t’aime», de moins en moins articulés, Elle, passive, reçoit ces décalrations d’amour et s’en repaît de façon insatiable.
Trois praticables noirs en U, avec en fond de scène un écran blanc, favorise la lecture de ce rituel chorégraphié, en soulignant la dimension obsessionnelle de la répétition. On ne se lasse pas de cet Occident, dont les mises en scène peuvent proposer de multiples variations.
Michèle Bigot
Spectacle vu le 10 mars au Théâtre Joliette Minoterie de Marseille.