Paroles de femmes n°2: Garde barrière et garde fous

Garde barrière et garde fous, d’après l’émission Les Pieds sur terre par Sonia Kronlund, Monique garde barrière, reportage d’Olivier Minot, et Les Travailleurs de l’ombre: Garde-fou, jusqu’au bout de la nuit, reportage d’Elodie Maillot, mise en scène de Jean-Louis Benoit

BER160307104Le théâtre, ces derniers temps, fait feu de tout bois et n’en finit pas d’adapter, de créer des spectacles à partir de lettres, romans, nouvelles, essais  de philo ou de sociologie, discours politiques, modes d’emploi, etc. et-mais c’est plus rare-d’interviews comme ceux que Jean-Louis Benoit a mis en scène à partir d’une émission (2008 et 2007) de France-Culture.
  Pour faire entendre la parole de femmes qui n’ont pas grand chose à voir entre elles:  Monique, garde-barrière SNCF, le jour dans la campagne profonde, et Myriam, infirmière de nuit à l’hôpital psychiatrique Sainte-Anne, au cœur même de Paris… Mais toutes les deux, la cinquantaine, se retrouvent seules pendant de longues heures de solitude dans un travail souvent ingrat, et mal payé, peu reconnues, mais aux lourdes responsabilités (ni l’une ni l’autre n’ont droit à l’erreur!). Et obligées de faire avec et selon des horaires précis qui règlent leur vie la plus intime, avec l’obligation absolue de veiller à la conservation des représentants de l’espèce humaine… Qu’ils soient assis dans leur voiture, parfois fous de la route et donc inconscients du danger que représente le passage d’un train, ou allongés, en proie aussi à différentes formes de folie, dormant peu dans leur lit d’hôpital.
Des travailleuses comme tant d’autres absolument sans défense et peu représentatives qui intéressent donc peu les syndicats et les politiques, et qui font déjà, ou vont faire les frais des injustices et casses  économiques et politiques dans notre douce France.
Comme Monique, à l’heure des TGV, finalement peu rentables parce que trop chers, et de l’informatique. Surtout quand la SNCF exige la rentabilité et se fout royalement, avec la bénédiction de l’Etat, des lignes secondaires (fréquents retards, travaux entraînant des suppressions de trains, absence au dernier moment du conducteur donc annulations de train sans aucune compensation pour les clients (on ne dit plus usagers, vous saisissez la nuance!) , mise en place au dernier moment pour remplacer une motrice défaillante  d’un car roulant de nuit d’Aurillac à Paris (si, si c’est vrai), etc.).
Ou comme Myriam qui va encore devoir travailler davantage à cause de la diminution de personnel à outrance dans les hôpitaux.  Toutes deux ne savent pas de quoi leur avenir sera fait, et la SNCF, une fois de plus n’a rien anticipé… Ses usagers, comme les malades hospitalisés, devront s’adapter…
Ces interviews, avec leur langue simple et directe, remplacent bien des leçons d’économie politique et mettent le doigt, là où cela fait mal! Mais on peut parier qu’aucun ministre, député, conseiller général, maire ou représentant de parti politique ne fera le déplacement jusqu’au Théâtre de l’Aquarium!

  Sur le plateau, juste une chaise et une table, et en fond de scène, des parois transparentes- décor simple et rigoureux  de Jean Haas- qui vont aussi servir d’écran pour les vidéos de Pascal Sautelet: un beau paysage de voie en rase campagne, ou les visages tourmentés de patients anxieux qui ne trouvent pas le sommeil dans leur lit d’hôpital.
  La mise en scène de Jean-Louis Benoit est précise et efficace. Et Léna Bréban que l’on a pu voir jouer avec Jacques Livchine, Pascal Rambert, Alain Françon ou déjà Jean-Louis Benoit, se révèle être une fois de plus une bonne comédienne et très à l’aise dans ces deux personnages. Diction impeccable, aucune criaillerie et une formidable présence:  elle sait créer une véritable émotion, sans tomber dans le pathos.
L
e premier texte nous a paru plus juste et plus convaincant: nous pénétrons dans un univers rural inconnu de la plupart des spectateurs, qui fleure bon les années soixante et dont nous reprendrions bien une louche. Le deuxième nous a semblé plus conventionnel: sans doute, sommes-nous en général plus familiarisés avec la vie d’un hôpital, de visu ou par le biais d’innombrables films ou séries télé, voire par des spectacles de théâtre comme celui d’Olivier  Saladin, tout à fait remarquable dans un monologue de Daniel Pennac au Théâtre de l’Atelier (voir Le Théâtre du Blog).
Reste à savoir si ces deux monologues font une soirée de théâtre ? Pas si sûr… Il en aurait peut-être fallu un troisième. Mais bon, un coup de Cartoucherie un soir de printemps avec ses arbres remplis d’oiseaux, cela ne se refuse pas  et vous y découvrirez une comédienne, si vous ne la connaissiez pas.

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes, jusqu’au 26 mars. T: 01 43 74 99 61.
Excellente nouvelle: François Rancillac, directeur du Théâtre de l’Aquarium, après les basses manœuvres du cabinet de Fleur Pellerin qui voulait le virer, a enfin été reconduit dans ses fonctions, suite à une mobilisation sans précédent (voir Le Théâtre du Blog)!

 
 

 

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