La Mer d’Edward Bond

La Mer d’Edward Bond, nouvelle traduction de Jérôme Hankins, mise en scène d’Alain Françon

  160223_rdl_0899Le théâtre du dramaturge anglais est maintenant plus connu du public français  que La Mer, une de ses anciennes pièces, qui vient d’entrer au répertoire  de la Comédie-Française.
Depuis Sauvés, Edward Bond a rencontré le succès en Angleterre, et souvent ici. Et des metteurs en scène comme Georges Wilson, et surtout Claude Régy dans les années 70, puis  Jean-Pierre Vincent, (et surtout Alain Françon qui monta remarquablement Pièces de guerre et dix autres de ses pièces) finirent par imposer cet auteur contemporain le plus souvent respecté, même si le public et les critiques restent encore partagés devant ce théâtre exigeant sur le plan politique mais réputé quelque peu hermétique…

  “La Mer, dit Edward Bond, reste une pièce anglaise, hantée par la société anglaise et la paranoïa d’un peuple qui vit entouré par la mer. Mais la pièce a un étrange lien avec la France. Les jeunes homes laisseront leur os dans le sol français et les femmes de la pièce porteront leur deuil. La pièce se déroule quelques années avnt la Première guerre mondiale.”
  Cela se passe sur une plage, dans un salon ou une boutique de tissus dans une petite ville du Suffolk, en mer du Nord où vit une société bourgeoise. Une tempête a emporté Colin, un jeune homme à qui Mrs Rafi (Cécile Brun) voulait fiancer sa fille Rose. Raide et très autoritaire, elle  entend régir toute le communauté locale selon ses principes moraux. Il y a aussi Hatch, un marchand de tissus (Hervé Pierre), obsédé par l’idée que des envahisseurs extra-terrestres vont contrôler la planète, délire qu’il va faire partager aux ouvriers de la ville.  Hatch voudrait bien aussi  faire partie de la bourgeoisie locale mais ce petit boutiquier obséquieux n’a aucune chance et Mrs Rafi qui le méprise, le lui fera bien comprendre… Bref, ici  l’ordre social n’est pas prêt de subir des bouleversements.
Et Willy, l’ami de Colin qui enquête sur sa disparition, rencontre Evens, une sorte de vieil ermite, alcoolisé en permanence qui vit dans une cabane sur la plage et que Hatch, quant à lui,  prend pour un Martien. Willy veut persuader la jeune et belle Rose de choisir une autre vie, loin de cette petite ville étouffante et répressive. Cette ancienne pièce du dramaturge anglais ne manque pas d’intérêt; même si elle n’a ni la force ni l’envergure d’autres œuvres comme par exemple Sauvés ou Pièces de guerre, elle possède une certaine poésie teintée de surréalisme.
  A la mise en scène d’Alain Françon, d’une rigueur absolue, sans doute fait-il défaut une certaine folie; les acteurs, dont Cécile Brune et Hervé Pierre (qui, ce soir de première avait une diction des plus approximatives!) font le boulot mais de façon assez conventionnelle, comme si la pièce semblait les concerner de loin.
   Nous avons été assez peu touché par les petites histoires de cette société fermée pendant la première guerre mondiale, où se mêlent pourtant tragédie personnelle et collective. Même s’il y a de très belles et fortes images comme, au début ces combats suggérés de façon très remarquable par tout un univers sonore avec explosions ou, à la fin, cette dispersion des cendres d’une urne sur la plage.
 Mais comment s’intéresser par exemple à cette longue vente de pièces de tissu par Haft à Mrs Rafi, ou à cette répétition de théâtre amateur dirigée par cette même Mrs Rafi, bien longuette. Et il y a surtout une chose que l’on ne comprend pas du tout et qui nuit à l’ensemble du spectacle: pourquoi Alain Françon a-t-il demandé à son scénographe Jacques Gabel de couper une dizaine de fois le spectacle par un rideau où sont projetés de magnifiques graphismes non figuratifs. Certes, il faut changer le décor mais on aurait pu le faire à vue. Et du coup, c’est tout le rythme de la pièce déjà assez bavarde qui en est gravement affecté.
Bref, un spectacle inégal, que l’on peut conseiller aux gens de théâtre qui voudraient faire connaissance avec l’univers d’Edward Bond mais qui aura du mal à toucher un large public…

 

Philippe du Vignal

 

Comédie-Française, Salle Richelieu. Place Colette, Paris 1er, (en alternance).  T: 01 44 58 15 15


Archive pour 16 mars, 2016

La Mer d’Edward Bond

La Mer d’Edward Bond, nouvelle traduction de Jérôme Hankins, mise en scène d’Alain Françon

  160223_rdl_0899Le théâtre du dramaturge anglais est maintenant plus connu du public français  que La Mer, une de ses anciennes pièces, qui vient d’entrer au répertoire  de la Comédie-Française.
Depuis Sauvés, Edward Bond a rencontré le succès en Angleterre, et souvent ici. Et des metteurs en scène comme Georges Wilson, et surtout Claude Régy dans les années 70, puis  Jean-Pierre Vincent, (et surtout Alain Françon qui monta remarquablement Pièces de guerre et dix autres de ses pièces) finirent par imposer cet auteur contemporain le plus souvent respecté, même si le public et les critiques restent encore partagés devant ce théâtre exigeant sur le plan politique mais réputé quelque peu hermétique…

  “La Mer, dit Edward Bond, reste une pièce anglaise, hantée par la société anglaise et la paranoïa d’un peuple qui vit entouré par la mer. Mais la pièce a un étrange lien avec la France. Les jeunes homes laisseront leur os dans le sol français et les femmes de la pièce porteront leur deuil. La pièce se déroule quelques années avnt la Première guerre mondiale.”
  Cela se passe sur une plage, dans un salon ou une boutique de tissus dans une petite ville du Suffolk, en mer du Nord où vit une société bourgeoise. Une tempête a emporté Colin, un jeune homme à qui Mrs Rafi (Cécile Brun) voulait fiancer sa fille Rose. Raide et très autoritaire, elle  entend régir toute le communauté locale selon ses principes moraux. Il y a aussi Hatch, un marchand de tissus (Hervé Pierre), obsédé par l’idée que des envahisseurs extra-terrestres vont contrôler la planète, délire qu’il va faire partager aux ouvriers de la ville.  Hatch voudrait bien aussi  faire partie de la bourgeoisie locale mais ce petit boutiquier obséquieux n’a aucune chance et Mrs Rafi qui le méprise, le lui fera bien comprendre… Bref, ici  l’ordre social n’est pas prêt de subir des bouleversements.
Et Willy, l’ami de Colin qui enquête sur sa disparition, rencontre Evens, une sorte de vieil ermite, alcoolisé en permanence qui vit dans une cabane sur la plage et que Hatch, quant à lui,  prend pour un Martien. Willy veut persuader la jeune et belle Rose de choisir une autre vie, loin de cette petite ville étouffante et répressive. Cette ancienne pièce du dramaturge anglais ne manque pas d’intérêt; même si elle n’a ni la force ni l’envergure d’autres œuvres comme par exemple Sauvés ou Pièces de guerre, elle possède une certaine poésie teintée de surréalisme.
  A la mise en scène d’Alain Françon, d’une rigueur absolue, sans doute fait-il défaut une certaine folie; les acteurs, dont Cécile Brune et Hervé Pierre (qui, ce soir de première avait une diction des plus approximatives!) font le boulot mais de façon assez conventionnelle, comme si la pièce semblait les concerner de loin.
   Nous avons été assez peu touché par les petites histoires de cette société fermée pendant la première guerre mondiale, où se mêlent pourtant tragédie personnelle et collective. Même s’il y a de très belles et fortes images comme, au début ces combats suggérés de façon très remarquable par tout un univers sonore avec explosions ou, à la fin, cette dispersion des cendres d’une urne sur la plage.
 Mais comment s’intéresser par exemple à cette longue vente de pièces de tissu par Haft à Mrs Rafi, ou à cette répétition de théâtre amateur dirigée par cette même Mrs Rafi, bien longuette. Et il y a surtout une chose que l’on ne comprend pas du tout et qui nuit à l’ensemble du spectacle: pourquoi Alain Françon a-t-il demandé à son scénographe Jacques Gabel de couper une dizaine de fois le spectacle par un rideau où sont projetés de magnifiques graphismes non figuratifs. Certes, il faut changer le décor mais on aurait pu le faire à vue. Et du coup, c’est tout le rythme de la pièce déjà assez bavarde qui en est gravement affecté.
Bref, un spectacle inégal, que l’on peut conseiller aux gens de théâtre qui voudraient faire connaissance avec l’univers d’Edward Bond mais qui aura du mal à toucher un large public…

 

Philippe du Vignal

 

Comédie-Française, Salle Richelieu. Place Colette, Paris 1er, (en alternance).  T: 01 44 58 15 15

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