L’Odin Teatret au Théâtre du Soleil

 

L’Odin Teatret au Théâtre du Soleil

Variations autour de Devant la loi de Franz Kafka,  mise en scène et dramaturgie d’Eugenio Barba.

L’Odin Teatret reprend un spectacle créé une vingtaine d’années qui avait été présenté au Théâtre du Lierre, et dont le titre se réfère à un verset de l’Évangile selon Saint-Matthieu (12-39): « Une génération méchante et adultère demande un signe ; il ne lui sera donné d’autre signe que celui du prophète Jonas ».
Devant la loi raconte l’histoire d’un homme venu de la campagne qui  se présente devant la porte de la Loi mais ne peut la franchir» par timidité et obéissance, n’ose pas franchir la Porte de la Loi. L’homme réfléchit et demande au gardien, s’il pourra entrer plus tard. « C’est possible, lui dit-il, mais pas maintenant.
Le spectacle entrecroise des angoisses métaphysiques et nihilistes, des trames souterraines, des versions apocryphes et noires des Livres Sacrés. Le désespoir se déguise en espoir, et l’extrémisme spirituel prend des airs de scepticisme goguenard. L’espace public du théâtre devient l’espace paradoxal pour une solitude partagée.
Nous sommes quatre-vingt spectateurs assis en cercle devant  les dix acteurs de l’Odin Teatret qui vont déployer leurs chants et leurs danses autour des versions apocryphes et noires des livres sacrés, et deux  jeunes acteurs se sont joints aux fidèles de l’Odin Teatret.
Le désespoir se transforme en espoir et l’extrémisme spirituel prend des airs de scepticisme goguenard. L’espace public du théâtre devient l’espace paradoxal pour une solitude partagée. Mais nous n’avons retrouvé la fascination exercée par les anciens spectacles de l’Odin Teatret…

Les grandes villes sous la lune, mise en scène et dramaturgie d’Eugenio Barba

« Le spectacle est né par hasard en 2000, d’un troc entre notre théâtre et un groupe de patients de l’hôpital psychiatrique de Bielefeld  (Allemagne) dit Eugenio Barba. Nous pensions ne le présenter qu’une seule fois, mais il fait partie désormais de notre répertoire. Il décrit posément des scène d’exil, de massacres et d’exactions qui appartiennent à l’histoire de notre temps, accompagnés de chants de poètes qui nous sont chers : Bertolt Brecht, Jens Bjorneboe, Ezra Pound, Li Po. »
Dix acteurs assis en demi-cercle, avec leurs accessoires et instruments de musique à leurs pieds. Un soldat en treillis très raide se place au centre et chante une mélopée : « J’étais devenu un soldat expérimenté/ Quand je signais pour aller en Iran(…) J’ai vu bien des champs de bataille/ Mon pays a une grande mission (…) Et quel cadeau venu d’un pays lointain/ Réveilla ma mère un matin/ Les restes de mon corps sauté sur une mine/ Dans un cercueil avec le drapeau canadien… ».
Une succession d’images et de chants donne le frisson. Iben casse un verre de vin : « Je suis allée là où je pouvais, j’ai changé de pays plus souvent que de chaussures (…) même l’hiver le plus long n’est pas éternel (…) les maisons de mes amis sont vides, mais la nuit, ils sont avec moi ! ».
Roberta incarne Mère Courage, Iben reprend  son costume rouge pour le rôle de Catherine, la fille muette de  la cantinère qui s’enfuit et va tenter de toutes ses forces de réveiller la cité de Halle sur le point d’être envahie.
Emotion, souvenirs : avec Cendres de Brecht joué par l’Odin Teatret en 1982.
Tage chante la complainte de Mackie de L’Opéra de Quat’sous, et Roberta chante aussi Kurt Weill en nourrissant  un poisson rouge dans un bocal placé entre les jambes d’Iben/Catherine allongée et violée.
Julia, elle, avance lentement dans son travail de tricot en tirant derrière elle de grosses pelotes de laine, l’air extasié. « Les empires s’effondrent, l’avenir est dans les ténèbres, l’eau de pluie, à force de couler, vient à bout de la roche la plus dure !
Le spectacle se conclut par un final magnifique en forme de revue américaine avec un chant chinois et le très fameux Moon of Alabama publiée à l’origine avec des paroles d’Elisabeth Hauptmann, dans Les Liturgies domestiques de Bertolt Brecht, puis mise en musique par Kurt Weill, pour Mahagonny en 1927, et reprise entre autres par Boris Vian, David Bowie, Melina Mercouri…

Edith Rappoport

Théâtre du Soleil,  Cartoucherie de Vincennes, du 16 au 20 mars, mercredi, jeudi vendredi et samedi à 20 h 30, et dimanche à 15 h 30 et  samedi 19 mars T : 01 43 74 24 08.

www.theatre-du-soleil.fr www.odinteatret.dk

 


Archive pour 19 mars, 2016

Huis Clos de Jean-Paul Sartre

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Huis Clos de Jean-Paul Sartre, mise en scène d’Agathe Alexis et Alain-Alexis Barsacq

 «L’enfer, c’est les autres », la réplique de cette pièce a fait florès… Trois personnages, récemment décédés, sont enfermés ensemble pour l’éternité, et condamnés à se torturer les uns les autres. Pas de flammes, ni  gril, ni  pals dans ce lieu où chacun sera le bourreau des autres.
Selon le philosophe, sa fameuse petite phrase a été mal comprise : «On a cru que je voulais dire par là que nos rapports avec les autres étaient toujours empoisonnés, que c’était toujours des rapports infernaux. Or, c’est tout autre chose que je veux dire. Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors, l’autre ne peut être que l’enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu’il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance. »
Jean-Paul Sartre a mis en place une dialectique diabolique, avec des personnages dépravés, lâches et menteurs : Joseph Garcin, directeur d’un journal pacifiste, coureur de jupons vivant à Rio avec sa femme et fusillé pour désertion (Bruno Boulzaguet), Inès Serrano, ancienne employée des Postes, lesbienne perverse responsable du suicide du mari de Florence qu’elle a détournée de lui; Inès sera finalement tuée par cette même Florence (Agathe Alexis), et Estelle Rigault, riche mondaine, nymphomane, qui a tué son bébé sous les yeux du père qui était son amant et qui s’est suicidé (Anne Le Guernec).
Ils vont s’affronter, s’allier en alternance, mais pour mieux se trahir. Aucun ne peut échapper au regard de l’autre qui va le juger. Ce drame, concis, en un acte et cinq mouvements, ménage de constants renversements de situation.
La mise en scène, sans affèterie, privilégie le texte, met en valeur son habileté dramaturgique, et se concentre sur le jeu des acteurs. Précis dans leurs déplacements, justes dans leur phrasé, ils campent des êtres à la fois pugnaces et vulnérables, tels des boxeurs sur un ring. Malgré leurs tentatives pour échapper à cet enfer, ils ne peuvent s’empêcher de revenir à la charge..
La scénographie traduit cet enfermement moral : un lieu vide, abstrait, avec trois fauteuils et, en fond de scène, un escalier qui ne mène nulle part, surplombé par le « bronze de Barbedienne » comme le précise la didascalie mais qui, ici ne ressemble pas à la sculpture attendue. Le dispositif  bi-frontal englobe les spectateurs, confinés eux aussi dans le petit espace de l’Atalante, bas de plafond, étouffant !  Surtout quand la fumée pénètre par la porte donnant sur un long et mystérieux couloir, par où entre et sort le gardien.
Créée par Raymond Rouleau, avec  Michel Vitold, Tania Balachova, Gaby Sylvia,et René-Jean Chaufard au théâtre du Vieux-Colombier, à Paris le 27 mai 1944, sous l’occupation allemande -ce qui avait exposé son auteur aux vindictes des patriotes-, la pièce apparaît ici dépoussiérée et n’a perdu ni de sa force ni de son ambiguïté.
Pourtant, en convoquant ces damnés, Jean-Paul Sartre entendait aborder la notion de liberté : « Ils ont commencé à être lâches, rien ne vient changer le fait qu’ils étaient lâches. C’est pour cela qu’ils sont morts, c’est pour cela, c’est une manière de dire que c’est une mort vivante que d’être entouré par le souci perpétuel de jugements et d’actions que l’on ne veut pas changer. De sorte que, en vérité, comme nous sommes vivants, j’ai voulu montrer par l’absurde, l’importance chez nous de la liberté, c’est à dire l’importance de changer les actes par d’autres actes. Quel que soit le cercle d’enfer dans lequel nous vivons, je pense que nous sommes libres de le briser (…) »  De quoi méditer… Cette version de Huis clos, simple et forte nous y incite.
Créé à l’Atalante en 2013, le spectacle s’est déjà joué plus de cent fois. Ces nouvelles représentations vont relancer des tournées, en avril à Kiev, puis en Guyane et en Espagne… 

 Mireille Davidovici

 Théâtre de l’Atalante, place Charles Dullin, Paris, jusqu’au 27 mars.

 

 

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