Concordan(s)e 2016

 

Concordan(s)e 2016, rencontres inédites entre un chorégraphe et un écrivain

 

Cette manifestation originale mariant littérature et danse (voir Le Théâtre du Blog) arrive à son terme avec les trois créations de l’année, présentées à la Maison de la Poésie devant une salle comble. L’Architecture du hasard entraîne la romancière Ingrid Thobois et le chorégraphe Gilles Verièpe dans un pas-de-deux, où les gestes naissent en écho.
Bientôt leur dialogue se mêlent à leurs mouvements, en une fiction qui croise leur biographie respective : écrivaine, et danseur. « A ma naissance, elle n’existe pas, dit-il. (…)  Il faut attendre 1.825 jours pour qu’elle arrive (…)  » ; « A ma naissance, il court déjà. Il sait aussi se servir de ses bras, réplique-t-elle ».
Lui, aux membres agiles, elle, aux pieds douloureux, ont une mère qui porte le même prénom : France, et ont le même métier: institutrice : «Au cœur de notre enfance, il y a l’école, fondue dans la maison … Nos mères épicentres, ses cours de récréation. » Le hasard fait bien les choses !
Ce ballet délicat de mots et de gestes constitue un joli et léger moment d’échange,  où se mêlent harmonieusement l’écriture textuelle et scénique, avec une sorte d’évidence.

  It’s a match de Raphaelle Delaunay et Sylvain Prud’homme

it's_a_match_r.delaunay_s.prudhomme@delphine.M-micheliLa pièce met en scène un affrontement entre une danseuse et un écrivain. Qui aura le dessus ? Raphaëlle Delaunay, de toute sa superbe, évalue le corps de Sylvain Prud’homme, teste la force et souplesse de l’homme de lettres en montant sur son dos et en lui tordant les bras. Intimidé, il s’abandonne complaisamment à ce jeu, mais s’avoue vite vaincu.
Son point fort : pas la danse, mais les mots qu’il débite dans une long et vain bavardage… « Bla bla bla », se moque la chorégraphe qui tente de le convaincre que la danse est plus efficace que l’écriture, pour prévenir la maladie d’Alzheimer, et l’intelligence du mouvement bien supérieure à celle de l’intellect. Pour accorder leurs violons, il leur faudra mener une lutte sans merci : sur le ring du plateau, les voilà lancés dans un corps à corps violent. Mais c’est pour rire. Et cette petite comédie ravit l’assistance.

 

Zéro, un, trois, cinq de Bertrand Schefer, Edmond Russo et Shlomi Tuizer

zero_un_trois_cinq_edmond_russo_&_shlomi_tuizer_bertrand_schefer_©delphine_micheliIls étaient trois (deux chorégraphes et un romancier), mais deux sur le plateau. Le danseur dicte à l’écrivain ses gestes, tandis que ce dernier débite le règlement de Contredan(s)e, alors que lire serait soit disant interdit : «  Tu ne connaîtras point ton partenaire ; (…) tu ne liras point(…). Mais il ne sait, ni danser ni jouer la comédie, ni retenir un texte par cœur, à part le récit de Théramène dans Phèdre : « Le travail de l’écrivain n’est pas au présent du plateau ; je ne fais pas de slam».
Bertrand Schefer cultive sa gaucherie, encombré de son grand corps, et Edmond Russo face à lui,  paraît d’autant plus à l’aise en athlète accompli, issu du Ballet de l’Opéra de Lyon. «Tu comptais sur eux pour habiter l’espace, se plaint le romancier. »  Il y a du burlesque dans cette pièce, d’autant que Bertrand Schefer, scénariste accompli,  connaît l’univers du spectacle…

Ces courtes chorégraphies ont su tricoter habilement textes et mouvements, trouvant  dans l’équilibre instable entre l’écriture et la danse une cohérence sans prétention. Si, dans les deux dernières pièces, la danse semble avoir le dessus, les écrivains ont du répondant ; moins habiles dans leur corps, ils s’en tirent avec humour et l’on passe un agréable moment.

 

 

Mireille Davidovici

 

Spectacle vu à la Maison de la Poésie.

Les textes et notes des duos sont publiés par les éditions de L’œil d’or.

www.concordanse.com


Archive pour 15 avril, 2016

Pour que tu m’aimes encore d’Elise Noiraud

Pour que tu m’aimes encore  d’Elise Noiraud

 

1-3Dans le noir, une voix féminine. Mathilde Rénaud présente le flash-info de 17 heures sur Radio-Forum. Faits divers locaux se succèdent : «Soulagement à Parthenay, la foire aux deux boudins aura bien lieu cette année (…) Emotion à Vivonne, où le petit Mickael a été retrouvé après deux jours de disparition. Le jeune caniche (…) a été rendu à sa propriétaire, Madame Pierrette Favard… ». Fin du journal.
Le plateau s’éclaire pour un jeu radiophonique en direct. Au téléphone, une candidate, Elise, treize ans, habitant La Mothe Saint-Héray, un coin perdu… Heureuse surprise: cette fan de Céline Dion vient de gagner ! Elle a deviné qui se cachait derrière les initiales JJG : le célèbre chanteur Jean-Jacques Goldman !

 Les dés sont lancés. Oui, la vie est un jeu, entre innocence, cruauté et belle insolence, quand on est adolescent. Et, à ce jeu, on croit dur comme fer. Le public aussi ! En une heure et demie, Elise Noiraud, auteure, metteuse en scène et  interprète, nous invite dans son univers.  Pour que tu m’aimes encore/Elise, chapitre 2 fait suite à La Banane américaine /Elise chapitre 1, (2013), avec, pour thème, son enfance.
Avec cette deuxième comédie, le public passe à nouveau du rire à la gorge serrée d’émotion. Dix-neuf tableaux, aux titres évocateurs : Le soutien-gorge, J’aime Tony, Te parler deux minutes, La Boum, Caroline est mal élevée, Après le rendez-vous psy, etc. relatent  tourments, espoirs et joies de l’adolescente.
Fidèle au principe d’ «un théâtre de rien», un subtil jeu de lumières suffit à créer les diverses ambiances. La comédienne passe d’un personnage à l’autre, sans décor ou presque : une chaise et, en fond de scène, côté jardin, un coffre rempli d’accessoires.
Au cours du récit, elle confie, à plusieurs reprises, ses premiers émois amoureux  à son Journal, personnifié par une ampoule accrochée par un fil au plafond. Lumière chaude, orangée, dans la pénombre, le journal devenu «personnage-ampoule», éclaire au sens large, ces instants d’intimité, précieux pour Elise, poétiques pour le spectateur.
  Mise en scène, sobre mais fine et d’une forte intensité dramatique : Elise n’est pas en train d’écrire son journal, mais vient lui rendre visite, et l’interpeller de sa voix intérieure. Ainsi dans J’aime Tony : «Cher journal, Aujourd’hui j’avais mis ma petite jupe bleu marine, à fleurs blanches. Celle que Maman m’avait achetée pour le baptême de Pierre-Etienne.»
Dans Mickael Lambeau : «Cher journal, ça y est, Caroline a embrassé un garçon!! C’est Mickael Lambeau.(…) Il vient de Paris ! (…) Son père travaillait à la télé à Paris, alors il connaît très bien plein de stars, Michel Drucker, Jean- Pierre Foucault, Lagaf… Il m’a dit qu’il a même déjà croisé Céline Dion dans la rue ! (…) Malheureusement avec ses parents, ils ont dû déménager, car son père a changé de travail, maintenant il est comptable à la COGEP à Saint-Maixent.»
A travers les mots de la jeune fille et son univers intime, tout un entourage familial (la mère, femme au foyer déprimée) mais aussi provincial se déploie, avec une vérité et une énergie folles.
Entre comédie et performance, Elise Noiraud réussit à emporter le public bien au-delà du monde de l’adolescence, qui se réjouit de ce spectacle destiné à tous les âges.

 Elisabeth Naud

 Comédie de Paris, 42 rue Fontaine 75009 Paris. T : 01 42 81 00 11, jusqu’au 25 juin.

 

Constellations de Nick Payne

Constellations de Nick Payne, mise en scène de Marc Paquien

 

VIC16032210Les théories actuelles de la cosmologie conçoivent l’existence de mondes multiples : un «multivers». Alors que notre univers, selon la physique quantique, défini comme l’ensemble de ce qui nous est causalement connecté-une sphère centrée sur la Terre, de quelques dizaines de milliards d’années-lumière de rayon, serait une parcelle infime de ce méga-monde. L’existence de copies  à l’identique de notre propre Univers pourrait, avec une certaine probabilité, exister quelque part.
Constellations de Nick Payne, sensible à la cosmologie contemporaine, est aussi une comédie sur la rencontre amoureuse entre une physicienne et un apiculteur, mais aussi une réflexion sur les mystères de l’existence, sur la vie et la mort. La pièce avait été créée en France par Arnaud Anckaert.
Pour Marc Paquien, les épreuves que subissent des amants ont des versions identiques mais aux  subtiles variations, avec une répétition vive et foisonnante, une récurrence ré-envisagée toujours. Un jeu, une danse tournoyante et ludique de duos d’amour en métamorphose.
La constellation, groupement d’étoiles vu de la terre, est ainsi comme versée en miroir et reflétée sur le plateau nocturne et glacé, suspendu dans le vide, figure ovale de galaxies, disque sauvé grâce à l’énigme d’un souffle animé et étoilé.
Marie Gillain et Christophe Paou diffusent toute la tendresse attendue d’un couple d’amants qui évolue avec  délicatesse et émotion. Ils bougent dans l’espace avec  des mouvements sûrs, tous deux installés sur un cercle stellaire, pour des échanges vivaces, ludiques et furtifs. Avec une carte du Tendre ici largement déployée : rencontre, éloignement, bouderies, séparation, retour : partages temporels précieux  avec une présence au monde accordée dans l’intensité de tous les instants.
Insouciance, candeur et oubli de soi, les comédiens offrent toute l’humanité dont ils sont capables, jusqu’à recevoir les ratés et les troubles étranges que dispense la vie : maux pernicieux d’un corps fragile et et de l’âme.

 La jeune femme mélange peu à peu les syllabes et fait se heurter les mots : «fou vert» pour «feu vert»… jusqu’à user de la langue des signes. Or, l’ami retrouvé reste présent auprès de sa compagne et fera tout avec elle, pour atteindre et toucher d’autres constellations qui puissent percer la belle voûte bleue.
Dans ses Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand se souvient de l’admiration «de ce firmament splendide du giron des forêts américaines, ou du sein de l’Océan». Depuis son plateau céleste, Constellations diffuse avec subtilité, l’histoire du monde et des êtres : l’infini de cette rencontre qui circule en chacun de nous…

 Véronique Hotte

 Théâtre du Petit Saint-Martin, 17 rue René Boulanger 75010 Paris. T : 01 42 08 00 32

 

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