Pour que tu m’aimes encore d’Elise Noiraud
Pour que tu m’aimes encore d’Elise Noiraud
Dans le noir, une voix féminine. Mathilde Rénaud présente le flash-info de 17 heures sur Radio-Forum. Faits divers locaux se succèdent : «Soulagement à Parthenay, la foire aux deux boudins aura bien lieu cette année (…) Emotion à Vivonne, où le petit Mickael a été retrouvé après deux jours de disparition. Le jeune caniche (…) a été rendu à sa propriétaire, Madame Pierrette Favard… ». Fin du journal.
Le plateau s’éclaire pour un jeu radiophonique en direct. Au téléphone, une candidate, Elise, treize ans, habitant La Mothe Saint-Héray, un coin perdu… Heureuse surprise: cette fan de Céline Dion vient de gagner ! Elle a deviné qui se cachait derrière les initiales JJG : le célèbre chanteur Jean-Jacques Goldman !
Les dés sont lancés. Oui, la vie est un jeu, entre innocence, cruauté et belle insolence, quand on est adolescent. Et, à ce jeu, on croit dur comme fer. Le public aussi ! En une heure et demie, Elise Noiraud, auteure, metteuse en scène et interprète, nous invite dans son univers. Pour que tu m’aimes encore/Elise, chapitre 2 fait suite à La Banane américaine /Elise chapitre 1, (2013), avec, pour thème, son enfance.
Avec cette deuxième comédie, le public passe à nouveau du rire à la gorge serrée d’émotion. Dix-neuf tableaux, aux titres évocateurs : Le soutien-gorge, J’aime Tony, Te parler deux minutes, La Boum, Caroline est mal élevée, Après le rendez-vous psy, etc. relatent tourments, espoirs et joies de l’adolescente.
Fidèle au principe d’ «un théâtre de rien», un subtil jeu de lumières suffit à créer les diverses ambiances. La comédienne passe d’un personnage à l’autre, sans décor ou presque : une chaise et, en fond de scène, côté jardin, un coffre rempli d’accessoires. Au cours du récit, elle confie, à plusieurs reprises, ses premiers émois amoureux à son Journal, personnifié par une ampoule accrochée par un fil au plafond. Lumière chaude, orangée, dans la pénombre, le journal devenu «personnage-ampoule», éclaire au sens large, ces instants d’intimité, précieux pour Elise, poétiques pour le spectateur.
Mise en scène, sobre mais fine et d’une forte intensité dramatique : Elise n’est pas en train d’écrire son journal, mais vient lui rendre visite, et l’interpeller de sa voix intérieure. Ainsi dans J’aime Tony : «Cher journal, Aujourd’hui j’avais mis ma petite jupe bleu marine, à fleurs blanches. Celle que Maman m’avait achetée pour le baptême de Pierre-Etienne.»
Dans Mickael Lambeau : «Cher journal, ça y est, Caroline a embrassé un garçon!! C’est Mickael Lambeau.(…) Il vient de Paris ! (…) Son père travaillait à la télé à Paris, alors il connaît très bien plein de stars, Michel Drucker, Jean- Pierre Foucault, Lagaf… Il m’a dit qu’il a même déjà croisé Céline Dion dans la rue ! (…) Malheureusement avec ses parents, ils ont dû déménager, car son père a changé de travail, maintenant il est comptable à la COGEP à Saint-Maixent.»
A travers les mots de la jeune fille et son univers intime, tout un entourage familial (la mère, femme au foyer déprimée) mais aussi provincial se déploie, avec une vérité et une énergie folles. Entre comédie et performance, Elise Noiraud réussit à emporter le public bien au-delà du monde de l’adolescence, qui se réjouit de ce spectacle destiné à tous les âges.
Elisabeth Naud
Comédie de Paris, 42 rue Fontaine 75009 Paris. T : 01 42 81 00 11, jusqu’au 25 juin.