Dom Juan

Dom Juan de Molière, mise en scène de Jean-François Sivadier

 

   952photoL’espace nu d’un théâtre de tréteaux, avec des rideaux en plastique que l’on tire, un sol en planches de bois mobiles à construire ou à déconstruire, comme un jeu de Lego: on reconnaît tout de suite le style Jean-François Sivadier, populaire et festif : chanson mélancolique de Georges Brassens, karaoké Sexual Healing de Marvin Gaye et, comme par caprice, l’envol bluffant d’un plateau d’opéra avec boules magiques célestes, étoiles en vrac et galaxies de veilleuses interstellaires sous la voûte bleue… Et le fieffé libertin,accompagné de Sganarelle, passe par un chemin jalonné de statues antiques solennelles pour aller voir le tombeau du Commandeur. Dom Juan n’a de rival que le plus grand : «C’est une affaire entre le Ciel et moi !»
  Un prompteur suspendu décline à rebours les soixante-et-une occurrences du mot ciel dans le texte de Molière, comme si Dom Juan ne voyait en son âme qu’un dieu réprobateur, porteur de vengeance, et pressentait à l’instinct une punition à venir dans les flammes de l’enfer.
 Mais, en attendant, Dom Juan (Nicolas Bouchaud) courtise les femmes, avec un amusement sucré qui n’en révèle pas moins une attirance obsessionnelle. Figure masculine mythique presque sculptée sur pied, il se rit de toutes les belles, et va, bon enfant, jusqu’à les cueillir dans la salle, butinant de l’une à l’autre en leur contant fleurette, en quête d’un prénom aléatoire : Marie, Joëlle ou Sarah…
Encore trente ans de cette vie qui vaut la peine d’être vécue-mais subie comme une tempête dont les lais de plastique déroulés imitent la mer en colère et ses marées-fait remarquer Dom Juan à son valet.
Le maître en solitude songe à une conversion, bien loin des hypocrisies et faux-semblants. En attendant, le goujat répudie son père, se moque de son créancier, et abandonne son épouse dont les frères s’enquièrent d’un honneur à sauver.
Dom Juan aime «à batifoler», comme dit Pierrot, et s’amuse de tout, comme de ce pauvre homme rencontré dans la forêt qu’il ne parvient pas à faire jurer et auquel il jette une pièce, pour l’amour de l’humanité et non plus de Dieu. Scène censurée à la création, comme l’indique le prompteur.
La pièce résonne étrangement avec l’actualité: guerres, attentats, histoires de religion, et la mise en scène ludique et joyeuse de Jean-François a un côté farcesque. Sganarelle (Vincent Guédon) lutte contre les fourberies morales de son maître, et, en clown éclairé, extraverti et bavard, s’essaye à tous les déguisements et à des raisonnements …qui le font trébucher.

Stéphen Butel joue Don Aloze puis Monsieur Dimanche et, enfin est particulièrement attachant, un Pierrot amoureux d’une Charlotte légère et  burlesque (Lucie Valon). Marc Arnaud, lui, joue Gusman, Don Carlos et Don Louis : un honnête homme dont la maturité réfléchie n’autorise nulle faille ni dérive. Quant à Marie Vialle en Done Elvire et Mathurine, elle incarne la dignité d’être femme.
A la fin, Dom Juan, le séducteur abuseur, est projeté dans un large drap écru que les techniciens font monter dans les cintres; dans une brume de fumigènes, métaphore de temps obscurs où chacun doit trouver midi à sa porte.
Un enchantement efficace…

 Véronique Hotte

 Spectacle vu à l’Apostrophe-Théâtre des Louvrais à Pontoise, le 14 avril.

 


Archive pour 16 avril, 2016

Dom Juan

Dom Juan de Molière, mise en scène de Jean-François Sivadier

 

   952photoL’espace nu d’un théâtre de tréteaux, avec des rideaux en plastique que l’on tire, un sol en planches de bois mobiles à construire ou à déconstruire, comme un jeu de Lego: on reconnaît tout de suite le style Jean-François Sivadier, populaire et festif : chanson mélancolique de Georges Brassens, karaoké Sexual Healing de Marvin Gaye et, comme par caprice, l’envol bluffant d’un plateau d’opéra avec boules magiques célestes, étoiles en vrac et galaxies de veilleuses interstellaires sous la voûte bleue… Et le fieffé libertin,accompagné de Sganarelle, passe par un chemin jalonné de statues antiques solennelles pour aller voir le tombeau du Commandeur. Dom Juan n’a de rival que le plus grand : «C’est une affaire entre le Ciel et moi !»
  Un prompteur suspendu décline à rebours les soixante-et-une occurrences du mot ciel dans le texte de Molière, comme si Dom Juan ne voyait en son âme qu’un dieu réprobateur, porteur de vengeance, et pressentait à l’instinct une punition à venir dans les flammes de l’enfer.
 Mais, en attendant, Dom Juan (Nicolas Bouchaud) courtise les femmes, avec un amusement sucré qui n’en révèle pas moins une attirance obsessionnelle. Figure masculine mythique presque sculptée sur pied, il se rit de toutes les belles, et va, bon enfant, jusqu’à les cueillir dans la salle, butinant de l’une à l’autre en leur contant fleurette, en quête d’un prénom aléatoire : Marie, Joëlle ou Sarah…
Encore trente ans de cette vie qui vaut la peine d’être vécue-mais subie comme une tempête dont les lais de plastique déroulés imitent la mer en colère et ses marées-fait remarquer Dom Juan à son valet.
Le maître en solitude songe à une conversion, bien loin des hypocrisies et faux-semblants. En attendant, le goujat répudie son père, se moque de son créancier, et abandonne son épouse dont les frères s’enquièrent d’un honneur à sauver.
Dom Juan aime «à batifoler», comme dit Pierrot, et s’amuse de tout, comme de ce pauvre homme rencontré dans la forêt qu’il ne parvient pas à faire jurer et auquel il jette une pièce, pour l’amour de l’humanité et non plus de Dieu. Scène censurée à la création, comme l’indique le prompteur.
La pièce résonne étrangement avec l’actualité: guerres, attentats, histoires de religion, et la mise en scène ludique et joyeuse de Jean-François a un côté farcesque. Sganarelle (Vincent Guédon) lutte contre les fourberies morales de son maître, et, en clown éclairé, extraverti et bavard, s’essaye à tous les déguisements et à des raisonnements …qui le font trébucher.

Stéphen Butel joue Don Aloze puis Monsieur Dimanche et, enfin est particulièrement attachant, un Pierrot amoureux d’une Charlotte légère et  burlesque (Lucie Valon). Marc Arnaud, lui, joue Gusman, Don Carlos et Don Louis : un honnête homme dont la maturité réfléchie n’autorise nulle faille ni dérive. Quant à Marie Vialle en Done Elvire et Mathurine, elle incarne la dignité d’être femme.
A la fin, Dom Juan, le séducteur abuseur, est projeté dans un large drap écru que les techniciens font monter dans les cintres; dans une brume de fumigènes, métaphore de temps obscurs où chacun doit trouver midi à sa porte.
Un enchantement efficace…

 Véronique Hotte

 Spectacle vu à l’Apostrophe-Théâtre des Louvrais à Pontoise, le 14 avril.

 

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