Machin La Hernie de Sony Labou Tansi

Machin La Hernie,  de Sony Labou Tansi mise en scène de Jean-Paul Delore

 

MachinLaHernie2(c)PierreVanEechauteSony Labou Tansi, né en 1947 dans l’actuel Congo-Kinshasa et mort en 1995  à Brazzaville, a écrit en 1981,  un roman-fleuve dont les éditions du Seuil publient alors une version réduite, L’État honteux, titre consenti par l’auteur qui lui préférait à l’origine, Machin La Hernie.
  Dix ans après la mort de Sony Labou Tansi, La Revue Noire a publié le manuscrit intégral en restituant le titre initial souhaité. Le héros, le président Martillimi Lopez, est un dictateur défunt dont le narrateur raconte et incarne la vie qui consiste à anticiper et à déjouer les complots pressentis : un «ventriloque de l’État qu’il dirige et de son état de garçon sexué», selon Jean-Paul Delore.
Un personnage de théâtre en résonance avec l’actualité, un règlement de comptes. Et le public a droit à la présence incandescente, soleil noir et mélancolique,de cet auteur et acteur unique, Dieudonné Niangouna. Une verve exceptionnelle, une niaque et une hargne de tous les instants, sans concession ni complaisance, une transe radicale. Ainsi, quand le Président du Congo vient d’être tout juste réinvesti ce 16 avril, la pétition Urgence Congo rédigée par Jean-Paul Delore, la costumière Catherine Laval, Dieduonné Niangouna et l’auteure Laëtitia Ajanohun dénonce les attaques criminelles contre les populations civiles en République du Congo : « Le 4 avril 2016, falsifiant comme d’habitude le résultat des urnes, la Cour constitutionnelle de la République du Congo, aux ordres, valide la réélection à la Présidence de la République du candidat Denis Sassou Nguesso, au pouvoir depuis 32 ans.
Préparé à ce coup d’état électoral, cette fois, le peuple congolais est prêt à amplifier sa résistance pacifique et à poursuivre sa désobéissance civile. »
Pour l’interprète engagé- Dieudonné Niangouna, Machin La Hernie, écrit donc il y  a près de quarante ans, résonne encore avec l’actualité, dont «la montée du FN, le terrorisme ambiant, la superpuissance de la France-Afrique fabriquée par les indifférents, la canaille des générations sacrifiées, le mal-être de l’Histoire, le bout du tunnel qu’on n’aperçoit plus, l’échec des droits de l’humain ».
Machin La Hernie se fait un spectacle aigu, une cage de résonance amplifiée, une fiction grotesque et sarcastique sur l’état du monde, un État honteux où Martillimi Lopez – tyran paranoïaque, délirant, est malmené par les événements dont il est aussi le manipulateur. Il gît agonisant, abandonné dans un palais déserté de tout sujet, garde ou conseiller, tandis qu’il s’imagine avoir encore et toujours du pouvoir.

 Tout est affaire de braguette et d’hernie « contenue dans une peau de bête »; une zone sexuelle excroissante, encombrante autant que félonne, qui dirige prétendument le monde : «Mais je vais vous raconter l’histoire de mon colonel Martillimi Lopez, fils de maman nationale, vous allez rire, oui, vous allez rire…»
Le comédien descend de la salle puis monte sur scène, où l’attend Alexandre Meyer avec  sa guitare électrique. Déclamant son récit sans compter, dansant, se contorsionnant, levant les bras, s’accroupissant et se tenant comiquement «les couilles» – sérieux toujours -, il s’interroge sur la situation qui est la sienne.

En repartant, il invite le spectateur à passer devant sa caméra, et le filme quelques secondes, le temps d’une répartie.La langue de Sony Labou Tansi, généreuse, physique et sensuelle, outrancière et farcesque avec ses occurrences répétées de Machin La Hernie et autres images ludiques évocatrices-un imaginaire linguistique créatif, un monde en soi-claque dans la bouche de l’acteur/performeur avec quelque chose d’étrange et de monstrueux, proche aussi des inventions imagées de Rabelais ou de Céline.
Le monologue n’en finit pas, puissant, répétitif, redondant et obsédant, comme une prière liturgique jetée à la face de la terre et des hommes,spectateurs taiseux malgré eux, et qui ne disent mot, ne réagissent ni se révoltent.
  Un spectacle rebelle, incisif et entêtant, un beau territoire politique de poésie…

 Véronique Hotte

Le spectacle a été joué au Tarmac-Scène internationale francophone, du 13 au 16 avril.
Le texte est publié à Revue Noire Éditions,

 

 

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