Le rideau de scène de Parade
Le rideau de scène de Parade
Jean-Luc Chopin directeur du Théâtre du Châtelet, a eu la bonne idée de présenter, du 7 au 15 mai prochain, le rideau de scène du ballet Parade, peint par Pablo Picasso pour sa création le 18 mai 1917. Chef-d’œuvre des collections du Centre Georges Pompidou, monumental mais fragile, il n’a été montré qu’une dizaine fois ces dernières années, depuis son exposition à Beaubourg en 1986 et, pour son ouverture, en 2012, au Centre Georges Pompidou de Metz, à l’occasion d’une grande exposition sur l’année 1917.
Un siècle (déjà!), de très violents combats au canon, à la baïonnette, et au gaz hypérite, étaient en cours depuis presque deux ans mais la vie artistique continuait avec, notamment, La Fontaine de Marcel Duchamp. 1917 est aussi “l’année où les Etats-Unis entrent en guerre, et où arrivent les Révolutions russes et les mutineries, dit Claire Garnier, une des commissaires de cette exposition qui, avec plus de six cent œuvres, évoquait la création artistique de cette époque. « Une création beaucoup plus dense qu’on ne l’imagine. On pense toujours qu’il y a une pénurie, et que les gens sont mobilisés mais certains artistes comme Claude Monet ou Henri Matisse, sont trop âgés pour être au front, et d’autres, comme Marcel Duchamp ou Francis Picabia, vivent aux Etats-Unis ».
Le fameux rideau va donc retrouver pour quelques jours la grande scène du Châtelet pour laquelle il a été créé, mais, lors de son transport, tombé à l’eau, il n’avait pu, sans doute à cause de son poids, en être sorti tout de suite, ce qui lui donna un aspect délavé. Pablo Picasso choisit pourtant de le laisser tel quel. Parade, chorégraphié par Léonide Massine, lui avait été commandé par Serge Diaghilev pour les Ballets Russes et fut créé au Châtelet sur une musique d’Erik Satie, un argument de Jean Cocteau et avec une scénographie et des costumes de Pablo Picasso, jeune peintre encore peu connu à l’époque… Son rideau de scène devenu mythique, est sa plus grande œuvre : 10,50m x 16,40m (soit quelque 170 m2 pour 45 kgs!).
Pour Guillaume Apollinaire qui la considérait comme «sur-réaliste», « elle est comme l’alliance de la peinture et de la danse, de la plastique et de la mimique, et est le signe de l’avènement d’un art plus complet». Y sont représentés les personnages de Parade, ballet construit autour du thème de la commedia dell’arte, avec une scène aux lourds rideaux encadrant un banquet : deux Pierrots/Arlequins, deux hommes, l’un en costume de marin, l’autre en picador, deux femmes et un serviteur noir. Et, sur un cheval blanc ailé, une danseuse, elle aussi parée d’ailes, aidée par un singe, monte à une échelle bariolée.
Mais Parade fut mal accueilli (la première guerre mondiale allait entrer dans sa troisième année, avec des dizaines de milliers de morts français et alliés dûs à l’incompétence du général Nivelle!) et le spectacle déclencha un scandale. Et cela, malgré le soutien de Juan Gris et de Guillaume Apollinaire.
Sans doute à cause de la légèreté de l’argument évoquant une parade, comme on en voyait autrefois sur les scènes de théâtres de foire, avec un univers poétique, éloigné de la gigantesque boucherie ( le trop célèbre chemin des Dames!) qui avait lieu à quelque deux cent kms de Paris. Pourtant Parade fera date et, enfin très applaudi à sa reprise quelques années après sa création, marquera l’entrée du ballet dans le monde contemporain. Ne ratez donc pas la présentation de ce rideau de scène rarement montré mais, attention, l’entrée est gratuite et il y aura du monde…
Philippe du Vignal
Théâtre du Châtelet, Paris, samedi 7 mai de 14h 30 à 21h, dimanche 8 mai de 10h à 20h, lundi 9, mardi 10, mercredi 11 et jeudi 12 mai: de 10h à 17h; vendredi 13 et samedi 14 mai de 10h à 21h, et dimanche 15 mai de 10h à 18h.