Retour de Kigali

 


Festival Zoom à Théâtre Ouvert

Dans le prolongement de la première édition,  du 12 au 26 mai des auteurs,  à partir de matériaux documentaires (intimes, politiques, historiques, sociétaux…), les transforment en un acte artistique qui questionne le temps présent et nous déplace par sa force poétique.

Retour de Kigali, textes de Mandali Léon Athanase, Désiré Bigirimana, Amélie Durand, Jean Delacroix Hakizimana, Aimée Ishimwe, Jean-Paul Kayumba, David Lopez, Louise Mutabazi, Natacha Muziramakenga, Élise Rida Musomandera, James Rwasa, Olivia Rosenthal, Dorcy Rugamba, Aimable Twiringiyimana, Cécile Umutoni, Élitza Gueorguieva,  lecture-performance d’Olivia Rosenthal et Dorcy Rugamba

 160408_rdl_0283Pour célébrer le souvenir des terribles massacres infligés au Rwanda en 1994 (plus d’un million de morts en à peine trois mois!) Olivia Rosenthal et Dorcy Rugamba ont construit un atelier-mémoire avec huit  jeunes étudiants  français et rwandais inscrits au master de création littéraire de l’Université-Paris 8.
« La mémoire d’un événement de très grande ampleur (comme le fut le génocide des tutsis) n’est pas seulement affaire de chercheurs et d’historiens, dit Olivia Rosenthal, elle est aussi nourrie par les souvenirs personnels de ceux et celles qui sont nés juste avant 94 et ont vécu, à un âge où les souvenirs ne s’impriment pas encore, des événements qu’ils ne se rappellent pas tout à fait. »
« Pour eux, écrire sur le génocide des tutsis au Rwanda, c’est transcrire des sensations presque oubliées, aller chercher des anecdotes de leur enfance, reprendre des récits rapportés par des proches, et surtout raconter les suites, la vie telle qu’elle se déroule vingt ans plus tard parce que cette vie-là, qu’ils le veuillent ou non, porte les traces de ce qui s’est passé. Et pour ceux qui viennent d’autres horizons et qui n’ont pas fait l’expérience directe du pire, écrire sur un pays lointain a exigé une attention vigilante, attention grâce à laquelle établir, par la fiction et en dépit des différences de culture, d’étranges correspondances entre des existences pourtant incomparables les unes avec les autres. »
L’horreur subie est dite mais aussi chantée. Allongés ou debout, sur une plateforme disposée devant un grand écran où des images vidéo sont projetées, les jeunes gens, en majorité rwandais, témoignent: .«Hutu, Tutsi, je ne voudrais être ni l’un, ni l’autre mais simplement Rwandais.(…) Ce serait magnifique de revivre un été et le temps des premiers amours, nous irions parmi les hommes sans crainte car rien ne nous interdirait de les croire sur parole. Mais qui serait capable d’un tel oubli ?  »
 On se souvient de Bloody Niggers et surtout de Rwanda 94, spectacle dévastateur que Dorcy Rugumba avait monté avec Jacques Delcuvellerie au Théâtre de Rungis, et on ne peut s’empêcher de penser à l’horreur infligée au Moyen-Orient avec les armes de l’Occident. Au Rwanda, réalisés avec de simples machettes, les massacres avaient été la conséquence d’un colonialisme ravageur. 

Édith  Rappoport

Spectacle vu à Théâtre Ouvert le 10 avril

Et ensuite le jeudi 12 mai 20h30 – Steve Jobs, corps aboli d’Alban Lefranc, mise en voix par Robert Cantarella, vendredi 13 mai à 19h - A l’Oeil Nu, A voix haute d’Alice Roland et Gaspard Delanoë, lecture-performance, par Alice Roland et Gaspard Delanoë et à 20h30 – Steve Jobs, corps aboli d’Alban Lefranc.
samedi 14 mai 19h – Angleterre, Angleterre d’Aiat Fayez, mise en voix par Olivier Martinaud.
vendredi 20 mai 19h - Procné de Guillaume Vincent, mise en espace par  l’auteur.
mardi 24 mai- 19h  Layla, à présent je suis au fond du monde d’Arnaud Maïsetti et Jérémie Scheidler, mise en voix par Jérémie Scheidler et à 20h30 Communiqué de Valérie Mréjen, lecture-performance par et avec Valérie Mréjen et Arthur Nauzyciel.
mercredi 25 mai, 19h – La Vie n’est pas une chose facile de Georgia Mavraganis, traduit du grec par Christine Avgeris, mise en voix par Eugen Jebeleanuo.
Dans le cadre de Chantiers d’Europe programmé par le Théâtre de la Ville 20h30 – C’est la vie, texte et conception Mohamed El Khatib.
jeudi 26 mai, 19h – Le Chiffre de son domaine de Stéphane Bouquet, mise en voix par François-Xavier Rouyer et à 20h30, Neverland de David Léon, mise en voix par Blandine Savetier.
T: 01 42 55 74 40. www.theatre-ouvert.com


Archive pour 21 avril, 2016

Les quatre-vingt-dix ans de la Martha Graham Dance Compagnie

Les quatre-vingt-dix ans de la Martha Graham Dance Compagnie

Martha grahamPour fêter un tel anniversaire, rare pour une compagnie  née au XX ème siècle, ses dix-sept danseurs et danseuses, rejoints par Aurélie Dupont pour le gala de clôture, ont présenté, en quatre soirées, quinze chorégraphies de 1914 jusqu’à aujourd’hui. Un véritable florilège ! Au début de chaque représentation, introduite par Janet Eilber, la directrice artistique, un diaporama résumait les quatre-vingt-dix ans de la compagnie en quatre-vingt-dix secondes…
  Le programme de la deuxième soirée, homogène, mettait en valeur le talent des artistes. Les costumes et la chorégraphie d’Appalachian Spring de Martha Graham (1944), nous plongent dans l’Amérique du  XlX ème siècle, sur une musique d’Aaron Copland, mélange de jazz et de folklore, jouée en direct par The Mannes Orchestra.
 Charlotte Landreau et Lloyd Mayor incarnèrent avec grâce de futurs mariés nouvellement installés dans les montagnes sous la protection d’un couple plus âgé.
Avec des danses  villageoises légères, cette pièce propose un voyage dans le temps à la gloire des pionniers.  A la soirée de gala, Aurélie Dupont, en longue robe saumon à volants, virevoltait joyeusement aux bras de Lloyd Mayor dans ce même duo des fiancés.

 Axe, une chorégraphie de Mats Ek que nous avions vue dans sa version originale avec Ana Laguna au Théâtre des Champs-Elysées, (voir Le Théâtre du Blog), nous plonge dans l’intimité, plus sombre,  d’un couple : un homme (Ben Schultz) fend du bois sur un billot, quand son épouse (Peiju Chien-Pott) apparaît, elle, plus  fragile, instable, et tente d’exister aux yeux de son compagnon qui, lui, poursuit, son labeur.
Sur le plateau vide, l’Adagio d’Albinoni accompagnait cette solitude à deux. Les personnages, interprétés par les deux danseurs-étoiles remarquables de précision, finirent par se croiser et s’enlacer maladroitement, avant de sortir à cour, l’un derrière l’autre, vers un destin incertain. 

  Night Journey, de Martha Graham (1947) s’inspire du mythe œdipien avec Peiju Chien-Pott ( Jocaste) et le sculptural Lloyd Knight (Œdipe). Les robes longues dessinées par la chorégraphe ressortaient curieusement sur les éléments de décor du sculpteur Isamu Noguchi installés au sol. Cette danse, d’une réelle beauté, montre les corps torturés et leurs liens avec la nature, et se rapproche des performances actuelles, sur une musique expressionniste de William Schuman jouée aussi par The Mannes Orchestra.
  IMG_9622Echo d’Andonis Foniadakis, qui terminait en beauté ce programme, s’inspire d’un autre mythe grec, celui de Narcisse et Echo. Conçu comme un tourbillon incessant, le ballet permet aux danseurs de montrer leurs qualités physiques et leur dynamisme. Ces chorégraphies, comme celles de Marie Chouinard, Nacho Duato et Pontus Lidberg, prouvent la grande faculté d’adaptation de cette compagnie.
Aurélie Dupont a repris pour le gala final, Lament, extrait d’Acts of Light (1981), une autre pièce du répertoire de Martha Graham. Virginie Mécène, l’une des responsables de l’école de la compagnie avait répété avec l’étoile française qui s’est produite, entourée de cinq danseurs, dans le costume ample et souple, immortalisé par Martha Graham dans ce solo à la forte théâtralité.
 La compagnie américaine fait partie du patrimoine de la danse contemporaine mais manque dans le paysage français. Le public moscovite, il y a cinq mois, lui a fait un triomphe. Pourquoi pas renouveler l’expérience et l’inviter à Paris ou dans un festival en France?

Jean Couturier

Le spectacle a été présenté au New York City Center du 14 au 18 avril.
www. marthagraham.org          

Pop punk et rebelle

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Pop punk et rebelle, conception de Latifa Djerbi, direction d’acteurs de Fanny Brunet, avec la brigade poétique Pâquisarde et l’Ensemble vocal Hors la Voix.

 Latifa Djerbi, comédienne française d’origine tunisienne, et en voie d’acquérir la nationalité suisse, a été plusieurs années en résidence au Théâtre Saint-Gervais à Genève. Cette fois, elle nous convie à un voyage poétique au cœur des Pâquis, un quartier populaire, et auquel participent une douzaine de comédiens-musiciens, dont plusieurs immigrés.
Nous attendons Latifa Djerbi devant une petite boutique qui finit par ouvrir ses portes. Elle se présente : « J’ai fait un choix, ne pas mettre en chantier un nouveau « one woman show » ». J’ai fait un stage d’écriture à Lausanne. Latifa, tu as un ego énorme. La dévalo, c’est quand tu ne te sens pas respectée, entre un ego et la dévalo, la passerelle c’est l’art ! »
Elle sort et rentre avec un sac. «J’ai envie de me donner, et que l’argent revienne aux gens. J’ai entendu dire que, nous, les arabes, on volait le pain des Français (…) Je vais faire un acte psycho-pédagogique, je vais faire du pain ! »
Et la voilà qui se déchaîne, dans des nuées de farine, à pétrissant la pâte, en mélangeant farines de blé et de sarrasin, et en racontant, avec humour, ses efforts pour acquérir la nationalité suisse. Elle met son pain à cuire, et, à la sortie, nous en distribue: « Le pain s’est multiplié, c’est un miracle! L’acte psycho-magique a marché au delà de mes espérances! »

Nous sortons de la petite boutique pour une promenade poétique dans le quartier, avec des textes, notamment d’Aragon et d’Henri Michaux, dits par vint-six acteurs, dont Fanny Brunet et Catherine Forna, issus de sept pays différents. Puis Latifa Djerbi invite le public à déguster un délicieux tajine de légumes devant un orchestre qui joue sur les marches d’un temple.
C’est la Loterie Romande qui finance l’opération…

Édith  Rappoport


Spectacle vu le 17 avril  à ApsaraArts, Espace culturel, Quartier des Pâquis
43, rue de Neuchâtel Genève (Suisse).

Compagnie de Samuel Beckett

Dans la série Singulis, quatre monologues au Studio de la Comédie-Française:

Compagnie de Samuel Beckett, conception et interprétation de Christian Gonon, collaboration artistique et dramaturgique de Pascal Antonini

Compagnie2-450x316Company (1978) écrit d’abord en anglais, fut ensuite traduit en français par l’auteur lui-même, mort en 1989, dont ce fut l’un des derniers textes. Comme le dit Christian Gonon, «C’est une voix qui émerge du noir. Il s’agit d’un des textes les plus autobiographiques de Samuel Beckett. Il y évoque sur le mode de la fiction, bien sûr, certains souvenirs de jeunesse, l’absence du père, les rapports difficiles avec la mère. (…)C’est un texte qui va au silence, qui force le silence à arriver au bout de chaque mot, dans l’absolue nécessité de son écriture. »
  Pierre Chabert en avait fait une mise en scène pour Pierre Dux au Théâtre Renaud-Barrault devenu théâtre du Rond-Point. Et c’est une version scénique du texte qui n’avait pas été écrit pour la scène, que Christian Gonon a redécouverte.  Le titre évoque, bien entendu et avec tout l’humour de Samuel Beckett,  le poids du silence, la solitude de l’homme, thèmes que l’on retrouve dans toute son œuvre, même et surtout sans doute, quand il recherche la compagnie de ses semblables, .
Dès le début, tout est dit : «Une voix parvient à quelqu’un dans le noir. Imaginer», et les mots de la fin nous feraient perdre toute illusion (si c’était encore possible!)  et tout espoir : «Et comme quoi mieux vaut tout compte fait peine perdue et toi tel que toujours. Seul. »
Sur scène, rien qu’un beau fond lumineux blanc imaginé par Julien Barbazin, avec, au centre, un rectangle noir, sans doute inspirés des peintures minimalistes de Franck Stella. Christian Gonon, seul en scène, a su habilement tisser avec une grande pudeur, cette mémoire et cette sorte de dédoublement du personnage, « de l’entendeur et de soi-même. »
Loin d’une autobiographie, les souvenirs de l’enfant donnant la main à sa mère assez sévère,  et l’image d’un père aimé mais lointain du narrateur, soit tout un passé vieux de quelque soixante dix ans et pourtant si proche, ressurgissent ainsi chez l’écrivain conscient qu’il ne vivra encore plus très longtemps. Emouvant mais souvent aussi plein d’un humour virulent, mais souvent teinté de lassitude devant le néant qui se profile à l’horizon. «  Le passé me tourmente et je crains l’avenir», disait déjà Pierre Corneille…

 C’est bien encore, dans cet aller et retour permanent entre passé et présent, comme toujours chez Samuel Beckett, question d’identité perdue, de recherche d’une lumière personnelle : «Quelles visions dans le noir de lumière ! »En fait, cette confession participe surtout vers la fin, d’une sorte de «fable de toi fabulant d’un autre avec toi dans le noir ».
 Il y a aussi traité de façon très pudique, un souvenir d’amour défunt: «Tu es sur le dos au pied d’un tremble. Dans son ombre tremblante. Elle couchée à angle droit appuyée sur les coudes. Tes yeux renversés viennent de plonger dans les siens. Dans le noir tu y plonges à nouveau. Encore. Tu sens sur ton visage la frange de ses longs cheveux noirs se remuer dans l’air immobile. Sous la chape des cheveux vos visages se cachent. Elle murmure, Ecoute les feuilles. Les yeux dans les yeux vous écoutez les feuilles. Dans leur ombre tremblante. »
  Le travail de Christian Gonon  qui a, sur ce petit plateau, la présence corporelle indispensable aux interprètes de Samuel Beckett, est tout à fait remarquable. Au début, assis sur une petite chaise pliante, ou debout,  ou encore couché au sol, le comédien dit le texte d’abord en voix off, puis en voix normale, ou amplifiée, et la poésie et la philosophie à travers la musique des mots de ce texte exigeant, prend alors tout son sens. Avec des phrases incisives, comme Samuel Beckett en avait le secret: «Tu finiras tel que tu es. «La voix à elle seule tient compagnie. » «Mieux vaut un cœur languissant qu’aucun.» «Si tes yeux venaient à s’ouvrir, le moi s’élancerait ».
On entend parfois, comme en appui et en écho à la parole beckettienne, le sifflement du vent, le grondement de l’orage et le bruit de la pluie de son Irlande natale, et, à la fin, la formidable musique de scène originale de Phil Glass.

 Seul petit bémol à ce travail à l’intelligence et à la sensibilité exemplaires : une lumière finement étudiée mais, qui, trop chiche, sauf à la fin,  empêche de bien voir le visage de Christian Gonon. Le spectacle, joué pour une série limitée de représentations, mériterait vraiment d’être repris.

Philippe du Vignal

Studio de la Comédie-Française, Galerie du Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli, Paris 1er. T : 01 44 58 15 15 jusqu’au 24 avril.
Prochain et dernier monologue de la série Singulis : Grisélidis d’après des textes et interviews de Grisélidis Réal, adaptation, conception et interprétation de Coraly Zahonero, du 27 avril jusqu’au 8 mai.

Le texte de Compagnie est publié aux Editions de Minuit.

  

 

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