Rice, chorégraphie de Lin Hwai-min
Rice , chorégraphie de Lin Hwai-min
Lin Hwai-min, fondateur en 1973 du Cloud Gate Dance Theater, s’est fait connaître dans le monde entier par ses chorégraphies qui allient danse contemporaine et tradition chinoise.
Son Songs of the Wanderers avait ravi le public français en 2014. Créée en 2013 pour les quarante ans de sa compagnie « Porte des nuages », cette pièce nous emmène dans l’univers poétique des rizières.
Un vaste champ se déploie, projeté en fond de scène, superbes images signées du réalisateur Chang Hao-jin qui a passé deux ans à filmer le cycle de cette culture typiquement asiatique, de la plantation aux brûlis, en passant par le germination, la récolte et le battage.
En amont, pour s’imprégner de leurs gestes ancestraux, Lin Hwai-min et sa troupe ont travaillé aux côtés des paysans de Chihshang, au Sud-Est de Taïwan, les rares à pratiquer encore une agriculture durable, face aux méthodes industrielles qui ont envahi les campagnes de l’île.
Les danseurs se déploient devant ce paysage changeant qui, selon la saison, ondoie sous la brise, mûrit dans la chaleur et devient chaumes puis cendres. Leurs amples mouvements se déclinent selon les éléments : ciel, terre, vent, soleil, feu, eau… composantes de la philosophie du yin et du yang. On pense au Yi-King, Le Livre des transformations. Les lumières subtiles de Lulu W.L. Lee dessinent au sol des irisations mouvantes et immergent les danseurs dans une atmosphère aquatique, entre ciel et terre.
Les scènes de groupe où toute la troupe occupe le plateau se resserrent sur des séquences plus intimes. Avec des gestes stylisés, les pieds foulent et frappent la terre, les tailles se courbent gracieusement, et les danseurs rampent ou se contorsionnent sur le sol. En d’étonnants portés, les corps s’agglutinent, étranges bêtes à deux dos aux membres arachnéens.
Dans un carré de lumière, dans le contrejour d’une chambre avec vue sur la rizière, un homme et une femme s’accouplent, juste-au-corps chair simulant la nudité. Les hommes s’engagent dans des joutes martiales, munis de longues perches flexibles… Les tableaux se succèdent, certains un peu longs, tous composés et dansés avec application.
Lin Hwai-min maîtrise admirablement l’espace dans les scènes chorales et la gestuelle de chaque danseur, mais son ballet frise parfois le maniérisme, surtout quand, abandonnant les chants traditionnels hakka ou les simples percussions, on entend en bande-son des extraits de Norma de Vincenzo Bellini ou La Symphonie n°3 de Gustav Mahler.
Il y a quelque chose d’un peu froid et compassé dans Rice mais on apprécie l’admirable savoir-faire de la bien-nommée compagnie » Porte des nuages » que le public a longuement applaudie.
Mireille Davidovici
Le spectacle s’est joué au Théâtre de la Ville, Paris, du 21 au 24 avril.
Maison de la Danse à Lyon : T. 04 72 78 18 00, du 27 au 30 avril.