Romance sauvage
Romance sauvage texte et mise en scène de Pierre Lericq
La compagnie des Epis noirs est bien connue pour une sorte de théâtre musical; et on avait pu la voir, notamment avec un spectacle comme Flon Flon au festival d’Avignon. Pierre Lericq jongle sans cesse entre le réel et le jeu, le vrai et le faux, avec une écriture qui rappelle parfois celle du grand Gherasim Luca. Jeux de, et sur les mots, du genre : « à vous/avoue, poules qui couvent au couvent (exemple autrefois rabâché par nos mamans pour nos montrer toute la complexité de la langue française!) boire nos déboires, T’es vraiment partie de l’eau delà/Lola; des mots/lyre. Pour nous conter les amours d’un couple sans doute à partir d’une bonne base autobiographique.
Et Pierre Lericq enfonce le clou: »Cette histoire,dit-il, est totalement imaginaire, puisqu’elle m’est réellement arrivée. (…) Car tout ceci est réellement un jeu. Dans cette pièce, Je est un autre et l’autre est un jeu. Un jeu de lego, bien sûr. Un jeu de construction avec l’autre. C’est l’histoire d’amour de deux acteurs, de deux animaux appelés être humains, deux enfants qui jouent pour ire d’eux-mêmes et nous faire rire avec eux de leur Romance Sauvage qu’ils jouent et vivent sur cette scène qui n’est autre, comme dit un certain, que notre monde. »
Et cela donne quoi, le meilleur, avec toutefois quelques erreurs. Lui, Pierre Lericq joue, chante, et accompagne à la guitare sèche les quelque douze chansons qu’il a composées avec un rare bonheur,, en complicité absolue avec Manon Andersen, tout aussi remarquable que lui… I
Ils racontent réciproquement leur histoire d’amour assez compliquée, faite de départs et retours: « Je te quitte mais je t’aime », ou variante: « Je t’aime mais je dois te quitter ». « Après tout, mieux vaut que je revienne »…
C’est un vrai bonheur de les voir sur le plateau faire naître des moments de belle poésie, voire de véritable émotion. Ils chantent surtout, plus qu’ils ne jouent: les souvenirs, la nostalgie, la volonté féroce de mordre à la vie, le burlesque au second gré avec ces jeux de mots déjantés.
Incontestable, ces deux-là possèdent une belle sensibilité et un vrai métier situé aux confins de ce que l’on pourrait appeler une comédie musicale intimiste. Et ils bougent formidablement tous les deux, bien dirigés Sylvain Jailloux.
Du côtés des bémols: une sonorisation fatigante que rien ne justifie, surtout dans un petite salle et quelques de scènes de théâtre dans le théâtre usées jusqu’à la corde mais dont la mode continue à sévir. Et ce spectacle d’une heure vingt, qui n’a pas tout à fait la même énergie sur la fin, gagnerait beaucoup à être élagué d’une dizaine de minutes.
Malgré ces réserves, que cela ne vous empêche pas d’y aller voir, une petite louche d’une telle poésie jubilatoire, par les temps qui courent, cela ne se refuse pas
Philippe du Vignal
Théâtre du Lucernaire 53 rue Notre-Dame des-Champs 75006 Paris. T: 01 45 44 57 34.