Music for 18 Musicians de Steve Reich
Music for 18 Musicians de Steve Reich, chorégraphie de Sylvain Groud
Curieuse proposition que ce « concert dansé». Le public est invité à « ressentir la pièce du fondateur de la musique minimaliste américaine, de façon totalement inédite ».
Sur le plateau, l’ensemble Links et ses 18 musiciens (19 pour être plus précis !) entament la partition, toute en variations répétitives, amplifications et montées en puissance. Très organique, elle prend aux tripes et emmène dans une agréable transe.
Après quelques minutes, un groupe de danseurs traverse le plateau, amorçant de petits gestes. Derrière le chorégraphe, l’équipe du théâtre et même le pompier de service. La fièvre gagne la salle, ça et là des gens se grattent, balancent la tête de droite à gauche, se retournent, se lèvent, et leurs mouvements s’affirment.
Bientôt, une bonne partie de l’assistance reproduit ces gestes simples, étonnée et sourires aux lèvres. Naissent alors des images magnifiques : des enfants, portés au-dessus du public, semblent nager et des spectateurs, debout, de plus en plus nombreux, tendent les bras le plus haut possible. Une Ola! fait tanguer la salle, et sur une musique plus rythmée, le public se lance alors dans un rock-and-roll effréné, balayé par les lumières.
Une procession se met en place pour gagner la scène où une jeune danseuse amatrice s’engage dans un solo, droite et déterminée, devant cinq cents personnes. Enfin les corps s’apaisent, se couchent, et les musiciens, un par un, quittent leurs instruments, jusqu’aux derniers coups du marimba qui a accompagné tout le morceau.
La musique se ferme tout doucement comme elle s’était ouverte, et les applaudissements jaillissent, sans qu’on sache vraiment s’ils s’adressent aux musiciens, aux danseurs amateurs, au public. Bref, pour une fois, on applaudit à 360 degrés ! Instant de communion très rare : nous avons l’impression d’avoir tous contribué au spectacle.
Le chorégraphe a fait travailler des groupes d’amateurs locaux, enfants et adultes, attribuant à chacun une séquence de cette musique savamment construite. Disséminés dans la salle, ils incitent le public à les suivre et lui communiquent l’envie de bouger diffusée par la partition. Le théâtre, un lieu de partage ? Ici, c’est plus vrai que jamais. Des adolescents hospitalisés ont participé au spectacle après douze heures d’atelier avec un membre de la compagnie MAD. Sylvain Groud a toujours porté attention aux corps empêchés, allant jusqu’à danser à l’hôpital, s’invitant dans les chambres des patients.
Ce concert dansé reste un moment unique de communion et découverte de la musique de Steve Reich. Joie, sourires et émotion à l’issue de la représentation. On en oublierait, l’espace d’une soirée, la baisse des subventions départementales qui afflige ce théâtre flambant neuf ! Bravo pour cette programmation ambitieuse, populaire et participative. Même si tous les spectateurs ne se sont pas levés pour entrer dans la danse, personne n’est sorti indifférent de cette soirée pas comme les autres.
Julien Barsan
Spectacle vu le 7 avril au Théâtre de Sénart (77). Le 4 juin à 17h, Scène Nationale de Montbéliard T. 0 805 710 700.
Le 18 novembre à Eindhoven, Pays-Bas.