Illusions d’Ivan Viripaev
Illusions d’Ivan Viripaev, traduction de Tania Moguilevskaia et Gilles Morel, mise en scène de Galin Stoev
« Mais il doit bien y avoir un minimum de constance dans ce monde » se demandent ces treize jeunes comédiens, vifs et réjouis, aux personnages interchangeables, qui ont participé en 2013 à la création d’Illusions, du dramaturge russe Ivan Viripaev, qu’a mise en scène Galin Stoev, au Théâtre de l’Aquarium dans le cadre du Festival des Ecoles.
Issus de la promotion sortante de l’E.S.A.D., ils jouent ici une sorte de « soap-opéra » à l’américaine. Paradoxe: ils doivent dire l’histoire de deux couples âgés, à travers discours, monologues, dialogues et chants dont Cry me a river à la sonorité émouvante, avec des danses et signes visuels de reconnaissance générationnelle. Mais avec des chansons bien plus anciennes qu’eux…
Au centre de la pièce, l’expérience au monde de quatre octogénaires, aguerris par une expérience de vie de couple pendant une cinquantaine d’années… Albert marié à Margaret, et Dennis à Sandra sont toujours restés proches depuis leur jeunesse. Mais un jeu de quatre coins les a emportés en secret, et chaque duo a donc trouvé sa douce moitié chez l’autre qui lui fait face-miroir ou diagonale-dans un amour absolu, dit réciproque.
Mais sans que cette passion soit jamais avouée ni découverte! La vie ne repose en fait que sur une fiction, sur des illusions, dit Ivan Viripaiev et Galin Stoev appelle cela « auto-tromperie » : une capacité de survie, et de sauvegarde personnelle. Ainsi les songes et l’emprise de l’imagination se révèlent puissants, et générateurs d’un bon souffle existentiel. Alors que la réalité est souvent décevante…
Ces jeunes comédiens alertes rajeunissent donc, métaphoriquement et physiquement, ces couples âgés. Habillés pour les filles, de robes printanières aux couleurs gaies, et pour les garçons, de costumes de ville aux tons chauds. Les émotions les plus enivrantes se déclinent d’une situation « réelle » à l’autre, aussitôt apparue puis disparue, ou mise à mal par un calcul de probabilités infinies.
Qui aime qui finalement ? Chacun aime l’autre, selon le passage aléatoire du temps mais un peu plus, ou un peu moins, à la folie, ou pas du tout. Et cette dimension onirique provoque chez eux des hallucinations d’enfant inquiet : la vérité des sentiments leurs échappent et ils n’ont plus aucune certitude… Margaret se suicidera et les autres mourront de vieillesse.
Les acteurs jouent chacun des quatre personnages à tour de rôle, façonnant des portraits diffractés et énigmatiques, avec fraîcheur.
Mais on attend en vain une écriture significative du mystère existentiel.
Véronique Hotte
Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes, jusqu’au 24 avril. T: 01 43 74 99 61.
Le texte de la pièce est édité aux Solitaires Intempestifs.