Une famille aimante mérite de faire un vrai repas
Une famille aimante mérite de faire un vrai repas de Julie Aminthe, mise en scène de Thibault Rossigneux
« Petit papa Noël, quand tu descendras du ciel, etc. » chante en cœur la petite famille bien proprette. Maman décore le sapin avec la fille, le père astique la cuisine et le fils s’acharne sur un jeu vidéo… Chez les Lenormand, tout semble normal et, comme le revendique la mère à plusieurs reprises: « Une famille aimante mérite de faire une vrai repas », tel qu’il se prépare en ce soir de réveillon.
Pourtant, au fil de la pièce, tout va se déglinguer, pour arriver à une grande débandade finale; dans cette comédie cruelle, se révèlent les failles de cette famille modèle : mère alcoolique, père au chômage et cachant qu’il a été licencié pour avoir piqué dans la caisse, adolescente suicidaire, gamin révolté contre la société…
L’auteure pousse tous ses personnages jusqu’à la caricature : mère possessive, voire intrusive, père obsessionnel de la propreté, adolescents suicidaires ou agressifs, et inquiets pour leur avenir. Et elle les accable de nombreuses répliques scabreuses : on se moque des règles abondantes de la sœur, des bouffées de chaleur et de la ménopause de la mère… Il ne manque que les hémorroïdes du père !
Révélateurs de la promiscuité où vit cette famille, ces détails n’ont rien du comique escompté. Pourtant, les comédiens entrent à fond dans ces figures stéréotypées et s’en amusent. Le décor astucieux, tendance op art noir et blanc, progressivement contaminé par du rouge, tourne sans arrêt, à l’instar de ces gens montés en boucle dans leurs lubies.
On pénètre ainsi dans toutes les pièces de l’appartement qui apparaît comme éventré. A mesure que la tension monte, la vitesse de la tournette augmente, les murs tombent, et la pagaille s’insinue derrière les façades lisses. Cette destruction constitue la partie la plus jouissive du spectacle et correspond aux intentions dramaturgiques.
La pièce se voudrait drôle et grinçante, pour dénoncer l’aliénation des individus dans notre société et le côté pathogène de la famille, mais on est loin du compte. Et on regrette qu’un metteur en scène, dont on avait jusque là apprécié le travail, se soit embarqué dans cette aventure, et que des acteurs talentueux, aient à interpréter un texte vulgaire, sans grâce ni style, et qui traite par-dessus la jambe des malheurs ordinaires mais réels de cette famille délabrée…
Mireille Davidovici
Le Montfort Paris XVème, jusqu’au 28 mai.
La pièce est publiée aux Editions Quartett