Portrait avec retouches

Portrait avec retouches, de Danielle Chinsky et Olivier Achard, mise en scène de Danielle Chinsky et  Dominique Verrier.

 image_previewOn ne le sait pas assez : toutes les maisons sont hantées. Vincent Mirail, un antiquaire, achète avec sa femme un joli mas en Provence. qui sera la maison du bonheur, droit devant: ils attendent un enfant. Mais une présence va les faire dévier de la route tracée : ils trouvent dans le grenier, utilisées comme bâches,  des peintures sur toile vraiment intéressantes.
  Commence alors une correspondance avec l’ancienne habitante des lieux, Judith Hermann, juive, résistante, artiste, partie s’installer aux États-Unis. Et,, de lettre en lettre, de tableau en tableau rendu, acheté, vendu, exposé, la route de Vincent va finir par traverser l’Atlantique.
Le théâtre a souvent été tenté par les correspondances, et pas toujours à son avantage, que l’on donne voix à l’expéditeur ou au destinataire. Mais ce Portrait avec retouches nous donne un théâtre délectable.
 Les deux comédiens trouvent cent manières de jouer l’échange des lettres, en direct ou par l’intermédiaire du public, ou grâce à une de ces belles boîtes aux lettres à l’américaine, et nous évitent la lassitude qui pourrait naître du procédé. Danielle Chinsky  et Olivier Achard ont écrit cette pièce en échangeant une correspondance en temps réel, avec ce qu’il faut de temps morts, de temps perdu et retrouvé, de malentendus et d’intimité.
 La comédienne sert l’auteur avec beaucoup de charme et nous donne une Judith pas commode, libre, passionnée, généreuse et près de ses sous : pas facile de vivre de sa peinture-figurative !-en pleine période d’abstraction triomphante.
Dominique Verrier interprète un Vincent qui est aussi droit que la vie qu’il croyait mener, étonné de se sentir tourmenté sans savoir pourquoi, et qui découvre peu à peu, grâce à Judith, sa propre complexité et sa vraie liberté. Par la peinture, en le regardant de mieux en mieux, et en choisissant le métier de galeriste, il se découvre lui-même.
Danielle Chinsky et Olivier Achard se sont inspirés d’une histoire vraie, et d’une maison réelle de Saint-Rémy de Provence. Mais, en art, toutes les histoires sont vraies, à en juger par leur deux autres pièces qu’ils ont déjà écrites ensemble : Moi, Francis Bacon et… Jeanine et Ecoute Guernica, joués, entre autres, au musée Calvet à Avignon.
Portrait avec retouches,
un très joli spectacle, riche, élégant, nous montre la capacité de l’art à nous réveiller, à nous révéler.

 Christine Friedel

A guetter en tournée


Archive pour 25 mai, 2016

Les Banquiers

bandeau_les-banquiers

Les Banquiers, texte et mise en scène de Nicolas Haut

 

Si on a bien compris, les comédiens Matthias Leonhard et Derek Robin ont tous les deux, et longtemps, travaillé dans le secteur bancaire, en Suisse. « La perspective, dit Nicolas Haut, de créer un spectacle humoristique, en me basant sur leurs connaissances du milieu financier et en comprenant parfaitement les rouages, donne à ce projet une crédibilité indiscutable”. 
  Sur le petit plateau des Déchargeurs, rien qu’un paravent pour quelques costumes et accessoires; le spectacle est en fait une série de sketches courts qui on trait au monde des conseillers bancaires et à leur pratiques, souvent plus que douteuses,-et en effet d’une crédibilité indiscutable-et tous les Français plusieurs anecdotes croustillantes à ce sujet. 
Exemple classique du genre: le “contrat garantie obsèques” que les conseillers, entre autres ceux du L C I, ont pour mission de vous placer à chaque fois que vous avez le grand bonheur de les voir, ou cette autre arnaque (bien entendu dans votre plus grand intérêt!) consistant à vous inciter fielleusement à transférer chez eux, les avoirs que vous avez dans une banque concurrente. Avec un argument-massue: ce sera bien plus pratique pour vous, et bien plus rémunérateur! Ben,  voyons!
 

Même si ses conseillers y vont plus doucement (le monde paysan a pour habitude et avec raison, d’être assez méfiant), les pratiques du Crédit Agricole sont du même tonneau, et il a trouvé un accord avec les autorités américaines pour clore les enquêtes sur des violations d’embargos en Iran et au Soudan: avec, à la clé, une amende de 800 millions de dollars ! La réponse, toute prête à être resservie aux clients, a été docilement apprise par les conseillers du C.A.: “Vous savez monsieur Duval, (quelle foutue manie de vous appeler sans arrêt par votre nom de famille!) nos agences régionales n’ont rien à voir avec cela. Ben, voyons! Rappelez-moi votre nom?
L’essentiel, on l’aura bien compris, étant de faire du client un soi-disant complice comme toujours au Crédit Agricole en lui proposant d’être actionnaire (contre cotisation bien sûr, il n’y a pas de petits bénéfices!) et de participer ainsi à l’Assemblée Générale annuelle, suivi d’un cocktail: plus les ficelles sont grosses, mieux cela marche, quand il faut s’adresser aux petits clients qui, eux, n’ont pas de conseiller financier personnel…


Ici, cela se traduit et parfois avec bonheur, sur le mode clownesque: : « Bonjour le petit épargnant. Comment ça va le petit épargnant ? ça va bien ?
-Aujourd’hui, je vais essayer de vous faire gagner plein des sous… -Alors… Je prends le n’argent de ton assurance-vie que tu m’as donné… Je prends le n’argent de ta caisse de retraite que tu m’as donné… Je prends le n’argent de ton hypothèque que tu m’as donné… Je mets tout le n’argent dans ma petite bourse magique… Je secoue, je secoue, je secoue… J’ouvre la petite bourse magique… Ho ! Il a tout disparu le n’argent..
.

Un autre sketch met en scène un banquier et son thérapeute. Et c’est assez bien vu quand, toute aussi vieille ficelle, on cherche par un langage hermétique à déstabiliser le client:-Le banquier: “On me confie une petite vieille qui veut placer son héritage. Thérapeute :  vous voyez. La roue a tourné. Vous lui avez proposé un produit structuré à taux flottant convertible à maturité ? (Banquier fait non de la tête, honteux). Un fonds-maison avec option implicite margée à 3 % ? (Banquier fait non de la tête, honteux) Un portefeuille à capital garanti ? (Banquier fait non de la tête, honteux) Au moins un portefeuille diversifié conservateur ? »

Il y a aussi un autre sketch assez drôle sur l’enterrement du secret bancaire avec couronne mortuaire où les billets ont remplacé les fleurs. Oui, mais tout ici, que ce soit du côté texte ou de la mise en scène, même s’il est d’évidence bien rodé, n’est pas de cette même qualité, et cette série de petits sketches semble un peu longuette, (même si le spectacle ne dure qu’une heure) et avoir été vite écrite sur un coin de table.
Et le compte (bancaire!) n’est y est donc pas tout à fait…

La pièce de Frédéric Lordon économiste et philosophe, D’un retournement à l’autre, sans doute inégale, en disait beaucoup plus sur la trop fameuse crise des subprimes, il y a dix ans aux Etats-Unis, avec le krach des prêts immobiliers (hypothécaires) à risque, que les emprunteurs pas riches du tout, n’étaient plus capables de rembourser. Avec, au delà des expulsions sans ménagement, et une économie locale mise à mal, des  pertes indirectes et considérables des grandes banques un peu partout dans la monde ! On aurait bien aimé que ces ex-banquiers devenus auteurs dramatiques  soient moins frileux, et nous parlent vraiment de l’envers du décor: à savoir les méthodes que les grandes directions des banques, suisses ou autres, utilisent pour mobiliser leurs salariés, et les insérer dans toute une idéologie capitaliste, avec des pseudo-valeurs “d’investissement dans le travail » et de  » réalisation de soi”.

Leurs véritables intentions étant bien entendu de fournir encore davantage de dividendes aux actionnaires, quitte à  offrir aux travailleurs chargés de faire tourner la boutique, quelques miettes du gâteau. Et en leur faisant habilement croire, qu’avec des salaires confortables, voire très élevés, il auront aussi une part du pouvoir, alors qu’ils resteront des subordonnés, priés d’être  obéissants, surtout sur le plan politique, alors que leur vie de travailleurs se passera souvent dans les antichambres de l’enfer. Quelles que soient donc les conséquences sur eux-mêmes et leurs clients, la plupart, de tout petits épargnants.

“Regard sans complaisance sur le monde bancaire” prétend Nicolas Haut. Les rares banquiers qui auront vu le spectacle doivent bien rigoler! Il y aurait fallu une autre dramaturgie, plus solide, plus exigeante, et surtout une volonté politique d’en découdre qui fait cruellement défaut dans ces petits sketchs gentillets.
Les banquiers suisses et français peuvent dormir tranquilles… Nicolas Haut fait parfois rire mais de là, à ce que le spectacle exprime toute la violence et la bonne conscience (ce n’est pas incompatible) d’un monde financier qui en est venu à gouverner les pays, il y a encore du  boulot… Ex-banquiers de tous les pays et futurs dramaturges français ou suisses, unissez-vous, et encore un effort, comme disait le divin marquis…

 Philippe du Vignal

Théâtre des Déchargeurs,  3 rue des Déchargeurs 75001 Paris . T: 01 42 36 00 50 jusqu’au 18 juin. 
  
 

 

Enregistrer

La saison 2016-2017 du Théâtre de l’Aquarium

Theatre-aquarium-vincennes

La saison 2016-2017 du Théâtre de l’Aquarium

Menacé -on s’en souvient- toute une année par le cabinet de l’ex-Ministre de la Culture, Fleur Pellerin, d’être offert en cadeau à une (brillante) jeune compagnie, le Théâtre de l’Aquarium, dans son ouverture et sa générosité, a tenu, grâce à son public, grâce à ses amis artistes, et aussi…  à la presse.
François Rancillac et son équipe pourront donc nous offrir une nouvelle saison, baptisée Fictions réelles. Et ce qui marche bien ici : un rapport réel, direct, au théâtre, à ceux qui le font, à ceux qui n’iraient pas, si on ne les y invitait pas personnellement. Dernier point  assez méprisé par la politique officielle (à supposer qu’elle existe vraiment !) menée par la Direction générale de la création artistique (D.G.C.A.) qui « (sic) définit, coordonne et évalue la politique de l’État relative aux arts plastiques et au spectacle vivant, en l’inscrivant dans une logique plus large d’aménagement et de développement du territoire. »
Nous, nous aurions plutôt envie d’appeler cela création. Jugez-en. Pour l’anniversaire de Shakespeare, l’Aquarium invite le Roméo et Juliette  fabriqué par l’équipe de Serge Sandor, avec pas moins d’une cinquantaine d’adolescents « des quartiers », et «  de province », encore : de ceux qui ont besoin que le théâtre vienne à eux, mais qui, une fois que c’est fait, lui rendent au centuple ce qu’il leur a donné.
Roméo et Juliette meurent des querelles des adultes : ça ne nous rappelle rien ? Il y aura aussi un Hamlet transgression, secoué par Jacques David, Dominique Jacquet et Laurence Malherbe (superbe chanteuse) et le prodigieux Richard III-loyaulté me lie, à quatre mains et beaucoup de technologie inventive, pointue et enfantine à la fois (dont des projections sur barbe à papa…) créé par Jean-Lambert Wild à Limoges (voir  Le Théâtre du blog, janvier 2016).
Et encore du théâtre furieux : Quand le diable s’en mêle, troisième visite de Didier Bezace, de retour  à la maison  dont il fut directeur, aux farces conjugales de Feydeau,  « juste pour rire… tant ces pauvres hères désirants et affolés nous ressemblent », dit-il. Et L’Orchestre Titanic de Hrsito Boytchev, par l’équipe de Philippe Lanton : quel train attendent-ils, ces irrésistibles bouffons , et dans quelle Europe ?   Plus important que ce collier de spectacles : les fidélités, les enracinements, précisément ce qui fait l’attachement à un théâtre.
Donc, Aurélie Van Den Daele, après Angels in America, va tenter l’impossible : Les Métamorphoses d’Ovide, avec des effets spéciaux purement poétiques et artisanaux à inventer. L’autre équipe d’artistes associés, La Revue Éclair, rendra compte en un feuilleton de sept épisodes de ses rencontres avec Les Habitants du bois.  Oui, le bois de Vincennes recèle des fantômes et des fées, mais surtout  notre monde très réel de SDF, de prostitué-e-s, joueurs de boules mais aussi promeneurs et enfants aventureux.
Et pendant ce temps, en silence, des auteurs lauréats du prix RFI théâtre, Julien Mabiala Bissila et  Hala Moughanie, seront invités à vivre et à créer dans le petit studio caché au cœur du théâtre. Et sans aucun doute les bruissements magiques du bois se feront sentir dans leur écriture…
L’Aquarium ne changera pas ses bonnes coutumes qui gagnent les cœurs : les concerts réguliers du quatuor Leonis, les dimanches de création de l’ensemble Aleph, le festival des écoles de théâtre au début de l’été, les ateliers de théâtre pour tous, avec aussi de la gastronomie interactive ( ?)…
Encore une fois, la réussite de l’Aquarium tient au fait que le «spectacle vivant» l’est aussi pour le public, s’il le désire. Ce qui fait une belle fraternité.

Christine Friedel

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...