Une tombe, une fleur suivi de quatre rêves non censurés en présence de Fleur Pellerin

Une tombe, une fleur suivi de Quatre rêves non censurés en présence de Fleur Pellerin de et par Thibaud Croisy

 

 cg-oynxxiaa23o7Droit et digne dans son costume foncé, le comédien prononce un tombeau en l’honneur de feu la Ministre de la Culture et de la Communication, disparue le 11 février 2016, au bout d’un an, cinq mois et seize jours.
Cette cérémonie d’adieu, rappelant les grands moments de son exercice rue de Valois, avec photos et discours à l’appui, précède une performance Quatre rêves non censurés en présence de Fleur Pellerin créée en juin 2015 au Centre Dramatique National de Gennevilliers dans le cadre du festival des Très Jeunes Créateurs contemporains.
Thibaut Croisy conclut Une tombe, une fleur par : «Alors que deviendras tu maintenant, si ce n’est qu’une technocrate anonyme ? Qui se souviendra de toi ?  (…) et des livres que tu n’as pas lus (…) Où que tu sois, je te dédie ces rêves très sincèrement. »
L’oraison funèbre, compassée mais pince-sans-rire, fait alors place à des rêves débridés, tirés de cahiers d’écolier, lus avec le sérieux d’une confession psychanalytique.
Voici la jeune femme jouant aux dominos, tandis qu’éclate un incendie: notre héros parviendra-t-il à la sauver des flammes et, par la même, à obtenir une subvention, alors qu’elle git sans connaissance, baignant dans son sang ?
 Une autre nuit, il la retrouve en visite au musée Gustave Moreau avec tout son équipe, sous la conduite du Conservateur. «Perchée sur ses talons aiguilles, entièrement nue. Des placards en formica à la place des seins. « Elle s’en tape de Gustave Moreau, dit-elle, ce qu’elle veut, c’est être pute à Amsterdam.» Et de s’écrier : «Tout le monde à poil ! »  «Les Coréens sont des gens très radicaux, l’excuse le rêveur tout aussi embarrassé que le Conservateur… »
Plus tendre qu’irrévérencieux, le performeur fantasme sur le corps de la jeune femme asiatique, tantôt fragile, tantôt érotique, et sur le pouvoir qu’elle exerce sur lui. A l’instar de tout jeune créateur qui court après ses cachets d’intermittent, il est à sa merci et se demande ce qui va se passer pour lui après l’éviction de Fleur Pellerin:  «Que restera-t-il de ma pièce à moi, jeune artiste émergeant qui lutte pour ses «cinq cent sept heures».
Proposition audacieuse et efficace, cette courte pièce évoque avec humour et sans vulgarité, le sort de la ministre, malmenée dans ses rêves, comme elle le fut en réalité lors de sa destitution. Elle renvoie à la fragilité d’un ministère, et à celle des  artistes, souvent considérés par les pouvoirs publics comme la cinquième roue du carrosse…

 Mireille Davidovici

 Théâtre Paris-Villette  jusqu’au 5 juin. T. 01 40 03 72 23

 


Archive pour 28 mai, 2016

Pollock, texte de Fabrice Melquiot

Pollock, texte de Fabrice Melquiot, mise en scène de Mélissa Bertrand

  IMG_4539Vingt ans, le bel âge! Celui du festival A Contre Sens (autrefois baptisé Fête théâtrale) créé par l’association théâtrale des étudiants de Paris 3, et qui a lieu chaque printemps à la Sorbonne Nouvelle, offre à de jeunes artistes l’occasion de se frotter aux exigences de la scène et à un public qui est invité à voter. Le metteur en scène Pascal Rambert était le parrain de cette édition.
  Vingt ans, c’est aussi l’âge de Mélissa Bertrand qui s’est lancée dans un projet audacieux : peindre la rage de Jackson Pollock, le célèbre peintre américain, virtuose du dripping. Fabrice Melquiot met en lumière le tempérament taurin de ce génie, tourmenté par une rage et un alcoolisme inapaisables.
Dans son ombre imposante, une femme trinque : elle n’a pas moins de talent, mais semble se sacrifier. La compagnie La Sticomiss, qui tire son nom d’une des répliques que Jackson Pollock lance à Lee Krasner : « Vous êtes pleine d’asticots, miss, OK ? », a choisi de faire de son atelier artistique,une sorte de bar alternatif. Un lieu aussi libératoire qu’aliénant.
  Avec une scénographie mêlant peinture, et musique :un guitariste officie en direct, soutenant le drame par des sonorités de rock sobre, Mélissa Bertrand fait le pari d’un dispositif bi-frontal qui laisse judicieusement voir toute la cuisine quotidienne du couple orageux.
Pots de peinture, bouteilles d’alcool et de bière,  nourriture s’y entrechoquent violemment. On y boit la difficulté de créer et de vivre ensemble jusqu’à la lie. Des bâches transparentes pour protéger les premiers rangs laissent craindre le pire, mais  les jets de peinture resteront assez sages… Trop peut-être.
Jonas Hervouet, un peu jeune pour incarner pareil monstre caractériel, adopte d’abord un jeu vacillant et balbutiant, caricatural, puis gagne ensuite en assurance. Anaïs Seghier lui donne la réplique avec fermeté : sa gestuelle picturale apparaît parfois un brin artificielle et surtout éloignée du style de la véritable artiste qu’était Lee Kassner. Elle affirme toutefois une vraie présence, dès qu’il s’agit de se confronter à son partenaire.
La gageure ici tenait surtout à la gestion de l’espace. Mais Mélissa Bertrand a su jouer avec les rudes contraintes imposées par la salle (de classe). Son exiguïté, rappelant judicieusement la petite grange où Lee Kassner essayait d’isoler son mari des tentations de l’alcool, nous met au plus près de leur corrida.

 Rythme soutenu, adaptation maîtrisée, murs et les sols pleinement investis : Mélissa Bertrand  souligne avec pertinence que Pollock fut l’un des premiers à travailler sur toile horizontale non tendue.  De belles idées émaillent l’ensemble tels ces spaghettis rendus fluorescents par de la gouache, ou ces pots de peinture avalés goulûment. Le propos solide et discrètement féministe, promet d’autres engagements plus radicaux…

 

Stéphanie Ruffier

 

Théâtre de Verre, Paris le 28 mai à 20h, et le 29 mai à 16h. Réservations : compagnielasticomiss@gmail.com

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