Zoom de Gilles Granouillet

 

Zoom de Gilles Granouillet, mise en scène de Marie Provence

image  A l’origine de ce monologue, une commande faite à Gilles Granouillet d’un texte destiné à être présenté dans des classes de lycées et collèges. En fait, le spectacle a été aussi mûri lors d’une résidence au collège Guy de Maupassant à Houilles (Yvelines) auprès de ses élèves et de leurs enseignants, puis ensuite représenté dans des dizaines d’écoles, collèges et lycées du département.
  Collège Guy de Maupassant, ex-Maurice Velter : souvenirs, souvenirs  d’après-guerre qui résonnent encore : notre initiation au cinéma quand nos instituteurs très futés en blouse grise stricte, nous emmenaient en rangs depuis l’école Félix Toussaint pas très loin, pour aller voir des films comme, entre autres, Les Misérables avec Charles Vanel, Marguerite Moreno, Charles Dullin…
 Ici, on a affaire à une femme et à son fils Burt, né à la suite d’un amour clandestin dans un cinéma avec son amoureux Bernard, pendant une projection du film de Fred Zinnemann, Tant qu’il y aura des hommes. Avec le grand Burt Lancaster.
  Mais ce Bernard va la plaquer rapidement: vieille histoire! La jeune fille a dix-sept ans, et sa vie va être un long  calvaire. Elle va être obsédée par la réussite de Burt dont le prénom revient en boucle, mais sa maman n’arrivera pas  à en faire le grand acteur dont elle rêve, même avec le prénom de Lancaster. Et c’est la faute à pas de chance; le garçon atypique, pas dans les clous par rapport à la norme, est renvoyé de son école.
Mais elle ira jusqu’au bout, et l’emmène même au festival de courts-métrages de Clermont-Ferrand pour lui faire apprendre le cinéma, veut lui faire rencontrer des agents et des producteurs. Bien entendu, sans aucun succès. Elle ira même à cogner un rival potentiel de son Burt, et y gagnera quelques années de taule.
Elle arrive dans une  une salle de classe où a lieu une réunion de parents d’élèves. Pas vraiment souhaitée ni accueillie; juste tolérée et encore: son Burt n’est plus dans l’école depuis longtemps. Mais elle se raconte avec une certaine naïveté:  sa vie en détresse et celle de son Burt dont elle répète sans arrêt le prénom comme pour mieux exorciser sa pauvre vie, où elle croise des gens censés lui apporter aide et réconfort: éducateurs, assistantes sociales, etc. et qui contribuent à la casser encore plus et à la plonger dans une immense détresse.

  Zoom, texte à la fois simple, efficace mais qui flirte parfois avec le pathos et le misérabilisme, touche  cependant là où cela fait mal, grâce à ce personnage de fiction hors-normes, cette encore presque adolescente, dont on a tous l’impression d’avoir connu quelque part une réplique. Comme cette jeune fille de famille très bourgeoise, dissimulant sa grossesse et accouchant seule dans un hôpital. Puis appelant son frère pour lui offrir le cadeau dont elle ne voulait pas:  un petit garçon sans père. Et renié par sa mère, mais qui resterait quand même dans sa famille, pensait-elle, et qu’elle reverra de temps à autre. Cadeau accepté (mais il y a de meilleurs départs dans la vie) avec, on s’en doute, tous les dégâts possibles à la clé.
Reste à savoir comment porter ce monologue sur un plateau. François Rancillac, quand il avait pris la direction du Théâtre de l’Aquarium, n’avait pas mal réussi son coup avec Linda Chaïb, très bonne comédienne, qu’il avait su  diriger avec finesse et générosité.
  Marie Provence, jeune metteuse en scène marseillaise, elle, a choisi intelligemment de faire passer ce monologue en “tri-logue”avec deux autres complices:Marion Duquesne et Lucile Oza. Sur le plateau, des murs gris sinistres en châssis de toile, pas vraiment achevés et de nombreuses chaises bien alignées puis jetées en vrac. Dans le fond, cinq seaux en plastique entassés, bourrés de pop-corn, et une fontaine à eau. Eclairage aussi sinistre…
 Mention spéciale à Lucile Oza qui joue surtout la mère; si les petits cochons marseillais ou parisiens ne la mangent pas, cette toute jeune comédienne, avec quelque chose d’exceptionnel dans le phrasé et la gestuelle, a  une bel avenir devant elle. Du Vignal, vous n’exagérez pas un peu? Non, rien de formaté chez elle mais une interprétation très sensible comme celle de ses deux copines qui prennent le relais, et tout aussi excellentes.  
Il faut aussi signaler la qualité des interludes: courts passages dansés de comédies musicales remarquablement chorégraphiés, et dansés par les trois actrices. Savoureux.  Marie Provence a su redistribuer ce monologue dont elle a tiré le meilleur parti, et le mettre en décalage, pour en augmenter la valeur : intelligent et brillant.
Côté bémols: une certaine tendance à bouler le texte, que l’on ne comprend pas toujours très bien, et parfois des à-coups dans le rythme: rien de grave; cela va se mettre en place.
En revanche, une direction d’acteurs et une mise en scène d’une rare efficacité. L’espace nu du Théâtre du Gymnase n’est pas si facile à appréhender pour une jeune metteuse en scène, surtout quand il est presque nu.
Zoom sera repris au festival d’Avignon à l’Entrepôt, tout près de la gare. Ne le ratez pas. Il fera sûrement un tabac.

 Philippe du Vignal

Spectacle vu au Théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence le 29 avril.
Le texte est édité chez Lansman éditeur.

 

 


Archive pour mai, 2016

Simul/Histoire d’hommes

 

Simul/Histoire d’hommes chorégraphie de Redha Benteifour

image  »Créer cette pièce d’hommes est une nécessité, afin de parler de la position des hommes dans notre société et de ma propre perception du monde où les codes sont devenus une prison, et les clichés masculins des données ancrées dans un ordre social établi », écrit le chorégraphe en exergue du programme.
Prisonniers de leur enveloppe virile symbolisée par des vêtements sommaires qui leur collent à la peau et dont ils tentent de se défaire, huit danseurs se lancent dans une folle conquête du vide, à l’assaut de murs infranchissables, dans un méli-mélo chaotique.

Chacun venu de cultures, disciplines et horizons différents, développe, au départ, sa propre gestuelle (hip-hop, danse contemporaine et classique). Les styles vont se heurter, comme les corps, dans une série de courses-poursuites, d’empoignades et d’affrontements, entrecoupées de pauses où s’instille une sourde mélancolie.
 On croirait les danseurs sortis d’un film post-apocalyptique comme Blade Runner, The Road ou de la bande dessinée Rahan. D’un tableau à l’autre rythmés par des musiques et des chants d’origines variées (raï, pop anglais, chant hébreu…) et par des éclairages flirtant avec le contre-jour et le clair-obscur, ils trouvent des connivences, des points communs.
 De petits groupes se forment, puis se disloquent. Au milieu du désordre, naît un solo… A partir de cet assemblage hétérogène d’individualités, se dessine une danse cohérente, très sportive, qui met en valeur la plastique des interprètes et la disparité de leur physique. Cette sorte d’exhibitionnisme mâle risque cependant d’en choquer certains.
Redha Benteifour, alias Rehda, bien connu dans les milieux de show-biz où il met en scène Elton John, Zazie, Vanessa Paradis, etc., a aussi chorégraphié des événements comme la Coupe du monde de foot 1998, ou le Mondial d’Escrime 2010.
Il a aussi collaboré à des comédies musicales et signé des pièces pour la compagnie Alvin Ailey et le San Francisco Ballet.
Ici, s’expose sa fascination pour la beauté du corps masculin, en même temps qu’une critique acerbe de cette virilité brute, vaine et stérile, destructrice.
Dans cette ambivalence, réside l’intérêt dramaturgique de cette pièce, par ailleurs très bien construite, malgré quelques longueurs, et dansée avec vigueur et conviction. Une belle équipée sauvage.

 Mireille Davidovici

Spectacle présenté au Théâtre du Gymnase à Paris,  les 3 et 4 mai. www.orbitadance.com

 

Racine, ou la leçon de Phèdre

 

Racine, ou la leçon de Phèdre, spectacle conçu et interprété par Anne Delbée

  L’actrice et metteuse en scène reprend cette Leçon, hommage personnel  à l’œuvre de Jean Racine qu’elle fréquente depuis longtemps et dont elle a monté Phèdre, Britannicus, etc. Anne Delbée, on n’avait pas vu depuis longtemps sur un plateau celle qui a découvert Paul Claudel à douze ans quand elle vit Tête d’or en 1958, avec Alain Cuny, et qui n’a cessé de se passionner aussi pour le théâtre classique.
  Anne Delbée raconte ici Jean Racine dont la vie a été marquée par le tragique : mort de sa mère à trois ans, puis de son père. Mais l’orphelin, rescapé de la vie, reçut une éducation et une culture exceptionnelles, à l’abbaye de Port-Royal aux Champs, puis devint, encore jeune, un dramaturge reconnu, et un admirateur ambitieux de Louis XIV.
 Ce Jean Racine n’a cessé de la fasciner et elle raconte avec intelligence et passion la vie de celui qu’Arthur Rimbaud à dix-sept ans admirait tant, dit-elle : “Racine est le pur, le fort, le grand»
Elle fait revivre cet homme un peu mystérieux sans doute jamais remis d’une enfance solitaire, vécue sans mère, et qu’émerveillait le théâtre. Il connaît l’italien et l’espagnol, lit Sophocle et Euripide dans le texte, et écrit sa première tragédie, La Thébaïde, à vingt-cinq ans et Andromaque à vingt-huit ! Sa vie tumultueuse  fit scandale, à une époque où l’Eglise dictait ses lois morales…On l’avait accusé  faussement d’avoir fait assassiner dix ans auparavant, sa maîtresse, une actrice, la du Parc qui était morte en fait après un avortement. Il vécut ensuite avec une autre actrice, la Champmeslé puis épousa Catherine Romanet avec laquelle il eut sept enfants.

  Anne Delbée salue le livre brillant de son frère François Regnault Dire le vers (qui est dans la salle comme ses amis, entre autres, Martine Chevallier de la Comédie-Française). Elle règle aussi au passage quelques comptes, notamment avec le Conservatoire qui n’a pas cru bon de la prendre comme élève, et avec les profs qui ne savent pas faire dire correctement à leurs élèves les alexandrins, et leur musique. (Un peu injuste, miss Delbée, qui leur aurait vraiment appris ? Il y faut un sacré métier, vous le savez mieux que quiconque)
 Et elle nous fait un peu la leçon dans le genre : vous allez voir ce que vous allez voir, quand moi, Anne Delbée, je m’empare de quelques vers de Phèdre, ou d’Andromaque. Présentation maladroite, voire, par moments, un chouia exaspérante mais… résultat sublime.
L’actrice a en effet l’art de dire le vers et d’en signifier en douceur le sens exact comme personne, puis d’expliquer encore et toujours comment dans la phrase racinienne, de mettre en valeur les e muets, les liaisons, bref, comment de montrer comment nait la musique de Bérénice, Phèdre. Iphigénie, ou Andromaque ! Et elle insiste avec raison sur le fait qu’une pièce en alexandrins doit être jouée non comme un texte en prose mais bien comme une sorte de partition musicale que, comme nous tous, les apprentis-comédiens, trois siècles après, admirent toujours et rêvent de maîtriser. Mais, comme le disait un professeur de médecine, il faut trois ans au minimum à un pommier pour produire ses premier fruits.
 Et côté mise en scène ? Souvent un peu naïve et peu efficace. Dommage! Anne Delbée porte un costume noir, à bretelles avec une chemise blanche, et parfois une casquette à visière sur la tête. Pourquoi pas ce côté clownesque après tout, pour dire les choses les plus tragiques ? Mais là où cela va moins bien : sur neuf carrés de métal brillant en fond de scène, on voit des effets de lumière rouge d’une effroyable vulgarité, ou revenir en boucle, une vidéo en noir et blanc avec un petit garçon. Image du petit orphelin Jean Racine ? On n’expliquera pas à Anne Delbée le sens du mot pléonasme, qu’il soit écrit ou visuel…Bref, encore et une fois de, plus une vidéo en fond de scène  inutile et parasite.
 Quant à la musique classique, de slam ou de blues sous les vers de Jean Racine, là on ne comprend plus du tout ce parti pris, un brin racoleur ? Nous détailler, de façon aussi intelligente que sensible et précise, toute la superbe mélodie de son écriture pour arriver quelques minutes après, à ce contre-sens scénique. Tous aux abris !
 Alors, à voir cette Leçon? Oui, quand la comédienne nous parle avec passion de la vie de Jean Racine, oui, quand elle nous dit superbement ses vers. Mais, pour le reste, autant en emporte le vent: cette mise en scène est quand même trop approximative pour qu’on vous recommande ce spectacle.
Nous avons assisté à une soirée pour professionnels, donc on ne pourra pas vous dire quelle est la réaction d’un public habituel.

Philippe du Vignal

Théâtre de la Contrescarpe 5 rue Blainville 75005 Paris T:01 42 01 81 88 les dimanche 8 mai à 15h, lundi 9 mai à 19h30, mardi 10 mai à 19h30 dimanche 15 mai à 15h, lundi 16 mai à 19h30, mardi 17 mai à 19h30.

 

 

 

Les Evénements (The Events) de David Greig

 

Les Evénements (The Events) de David Greig, traduction de Dominique Hollier,  mise en scène de Ramin Gray

imageUne salle, un piano,  quelques gradins… La chorale entre et entonne un chant. Ambiance légère, conviviale et bon enfant qui laisse vite place à un climat de plus en plus tendu. Point de répit pour le public. Claire (Romane Bohringer), pasteur de gauche, partage sa vie avec sa compagne Catriona. Un jour, son existence se trouve bouleversée.
Un jeune homme, «Le Garçon» (Antoine Reinartz) qu’elle connaissait un peu, tire sur ceux «qui ne sont pas d’ici» pour tenter de s’affirmer dans la société : «Si je dois laisser une trace sur le monde, il faut que je le fasse maintenant. Les seuls moyens dont je dispose sont l’art ou la violence. 
Et j’ai toujours été nul en dessin».
 Loin du théâtre documentaire, cette fiction qui traite d’un événement terroriste imaginaire, rejoint de façon tragique la réalité, en Europe et au-delà.
  La pièce s’inspire cependant de l’attentat commis par Anders Behring, un Norvégien d’extrême-droite qui tua 77 personnes, l’été 2011. Le public, dans un silence religieux, éprouve une forte émotion pendant tout le spectacle. Les attentats du 7 janvier, puis surtout ceux du 13 novembre 2015, encore dans toutes les mémoires, n’ont pas échappé à Ramin Gray : «Je sais, quand vous assisterez au spectacle, que les souvenirs et images de 2015 planeront sur la soirée, mais j’espère, quand nous nous rassemblerons (à l’issue des trois représentations programmées, le public pouvait rencontrer l’équipe), que ce sera un moment de réflexion, de discussion, et de douce harmonie».
Le metteur en scène conçoit le théâtre comme un lieu pour exposer et dire l’inhumain, et, à l’image des tragédies antiques, pour interroger l’impensable, l’inimaginable. Mais, comme le précise David Greig, «certaines choses échappent au domaine de l’entendement».
Cependant, Claire, face à l’horreur et à l’inexplicable, n’aura qu’une obsession : comprendre la raison de tels actes.  La mise en scène (sobre) sert avec justesse une dramaturgie dérangeante. On découvre ici un  auteur écossais talentueux (mais aussi traducteur)  de quarante-sept ans.
D’un point de vue esthétique et politique, cette pièce répond positivement, avec intelligence, sensibilité et dans une langue poétique contemporaine, à la question : peut-on encore au XXI ème siècle écrire une tragédie ?
Les Evénements (The Events), a été un des moments forts du festival RING de Nancy (Rencontres internationales des jeunes générations).

Elisabeth Naud

Spectacle vu au Théâtre de la Manufacture-Centre Dramatique de Nancy-Lorraine, dans le cadre du festival RING 2016

Théâtre de Grasse – les 4 et 5 maI

Théâtre National de Nice – les 9 et 10 mai

Théâtre des Célestins à Lyon – du 17 au 27 mai

 

Je reviens de la vérité

 

Je reviens de la vérité, d’après Qui rapportera ces paroles de Charlotte Delbo, mise en scène d’Agnès Braunschweig

Trois comédiennes sur le plateau portent la parole des deux cent-trente femmes du convoi du 25 janvier 1943, dont quarante-neuf reviendront, celle, aussi, de centaines de milliers de résistantes déportées et d’autres femmes exterminées. Trois, premier chiffre du pluriel, d’un pluriel qui s’étend ici à  infini. Charlotte Delbo témoigne de ce qu’elle a vécu à Auschwitz, sans «littérature», mais avec la force de la nécessité : l’émotion naît des faits, dont elle rend compte, même si cela touche à l’inconnaissable. L’essentiel est là, dit-elle: Qui rapportera ces paroles ? Il faut résister à la mort, au désespoir, à la douleur de voir les autres mourir, il faut tenir pour témoigner.   Qualité du travail d’Agnès Braunschweig, Edith Manevy et Caroline Nolot qui n’ont pas cherché à jouer, à imiter la souffrance, et qui montrent ce qui est mis en jeu dans ce camp :dépouillement de la personnalité, effondrement du temps, mais aussi résistance, par la solidarité et l’humour. À trois, elles forment un véritable collectif dont chacune porte un personnage de prédilection qui a son histoire, sa continuité, et aussi, à un autre moment, toutes les autres. Mais ces «autres» ne sont jamais une masse : d’un trait, d’un mot, les comédiennes font le travail inverse de celui du camp : redonner une individualité à ces femmes, ne fût-ce que pour un instant de théâtre.  Ce qui donne sa valeur politique et morale à leur beau travail.

 Christine Friedel

Théâtre des Deux-Rives, 107, rue de Paris 94220 Charenton-le-Pont.

 

Le Cirque Romanès en danger

Le Cirque Romanès en danger

 cirqued.jpg Depuis leur installation sur leur nouveau site (Paris 16e) en septembre dernier, les attaques racistes et les actes de vandalisme se sont succédés: portes et fenêtres des caravanes défoncées,  branchement internet incendié, canalisations d’eau percées, matériel son et lumière, et costumes de scène et instruments  volés…Bref, ces derniers temps, le Cirque Romanès en a vu des vertes et des pas mûres.
 Et les attentats de Paris du 13 novembre qui ont fait fléchir la fréquentation des salles de spectacle, n’ont rien arrangé, si bien qu’aujourd’hui, il est tout simplement menacé de disparition! A cause aussi de certains riverains du 16e arrondissement peu favorables … pour ne pas dire carrément hostiles  aux tsiganes comme ils l’on été à un lieu d’accueil pour SDF à la lisière du Bois de Boulogne. Et la Mairie du XVIème ne semble pas beaucoup bouger.
« Avec notre façon de vivre et nos valeurs, disent-ils,nous pouvons apporter beaucoup dans cette société qui va très mal…Nos chants portent le témoignage douloureux d’un peuple toujours mépriser, nous luttons contre vents et marées pour garder notre culture et notre âme !

Le Cirque Romanès fait en effet partie du patrimoine culturel français et leur spectacle  La Lune tzigane brille plus que le Soleil ! continue jusqu’au 5 mai. « Nous continuons le combat pour faire connaitre notre culture, encore méconnue aujourd’hui…dit Délia Romanès. Vous nous avez toujours soutenus, j’espère avoir encore votre soutien pour nous aider à sortir de cet impasse, car vous êtes notre principale défense ! C’est la première fois que nous lançons une campagne d’appel aux dons, en espérant attirer l’attention d’un grand nombre d’hommes et de femmes pour qu’ils nous aident à résister, et à remettre en état le cirque et continuer à faire nos spectacles. Pour cela, nous avons besoin de 60.000 €.
Plus vite, nous atteindrons notre objectif, plus vite, nous pourrons repartir du bon pied! La situation actuelle en France ne va pas dans le sens du partage et de la tolérance, et c’est bien triste…Aujourd’hui malheureusement, nous avons la haine, le racisme, les préjugés, et les discriminations, mais nous nous luttons pour rester dans l’esprit de notre culture tzigane basée sur «la rencontre, la tolérance, l’amour et la solidarité !»

Philippe du Vignal

Chapiteau du Cirque Tzigane Romanès, Square Parodi, face au 31 Boulevard de l’Amiral-Bruix.  Paris 16e. A Cinquante mètres (sortie 5) du métro: Porte Maillot ligne 1.
https://www.helloasso.com/associations/les-etoiles-multicolores/collectes/soutien-au-cirque-tzigane-romanes   
 

 

Und d’Howard Barker

Und d’Howard Barker, traduction de Vanasay Khamphommala, mise en scène de Jacques Vincey

 

dessayIl fallait une Nathalie Dessay pour donner corps à ce monologue au titre énigmatique, et au contenu abscons. Dans le rôle d’Und, la chanteuse n’a pas choisi la facilité pour ses premiers pas au théâtre. Pourtant, elle nous emmène dans un monde étrange mais n’aura de cesse de nous intriguer et de nous tenir en haleine. On la suivra dans ce voyage jusqu’au bout de cette sombre histoire où une femme attend un homme…
Dans un fourreau rouge dont le tombé cache un tabouret, grandie par un chignon conique, silhouette longiligne, elle y demeurera juchée, au centre du plateau, tout au long du spectacle, élégante, souple, incandescente. Au-dessus d’elle, comme autant d’épées de Damoclès, des glaçons géants suspendus aux cintres, pampilles d’un  grand lustre vénitien, fondront un à un, sous le feu des projecteurs, et se briseront au sol dans un fracas mouillé.
Und, conjonction monosyllabique : «et» en allemand, appellerait une suite, mais le mot reste en suspens, comme maintes phrases de cette partition trouée. Comme l’homme qu’Und attend : «Il est en retard, un peu, mais en retard. (…) Ce retard infime est-il le début d’un retard considérable ou alors simplement infime ? »Qui est elle ? Juive, aristocrate, ou les deux ? Et lui ? Ami ou ennemi ? Amant ou bourreau ? Dehors, la cloche retentit, puis des cris, des pleurs, des bris de vitres. Il est question de quelqu’un avançant « dans la gueule de la mort», « sous une avalanche de pluie glaciale, sous les bombes… »

 Bruitages et musique d’Alexandre Meyer, qu’il interprète à l’avant-scène sur d’étranges instruments, habitent les silences entre les mots. Il accompagne ce monologue de grondements, sifflements, sonneries, grincements, détonations, sans jamais interférer dans le jeu de la comédienne ; de même, le constant goutte à goutte et la chute sonore de la glace ne viennent troubler ni surprendre le flot ininterrompu de ses paroles.
Plus tard, Und perdra tous ses atours de diva, mais restera hissée sur son piédestal, pieds et jambes nus, dans une combinaison sommaire, déchue mais toujours digne: «Je suis le vestige d’une classe moribonde.» Elle continuera à parler de cet homme, mort ou vif, à appeler une domestique qui a depuis longtemps déguerpi ou jamais existé, et à commenter les bruits du dehors, de plus en plus pressants…
Des lettres s’échangent, réelles ou imaginaires mais rien ne viendra jamais éclaircir la situation où elle se débat, à jamais prisonnière de son personnage et des mots d’Howard Barker.

Né en 1946, le dramaturge anglais appartient à la génération d’Edward Bond et d’Harold Pinter, cependant son «théâtre de la catastrophe » (expression forgée par lui), avec quelque cinquante titres, tarde à s’imposer dans son pays comme ailleurs. Radical par sa forme, violent par ses thèmes, il décrit une humanité cruelle et, paradoxalement, séduisante et lucide.

Jacques Vincey, séduit par la puissance de la pièce et le défi qu’elle constitue, l’a proposée à Nathalie Dessay. La chanteuse n’avait jusque là jamais quitté la scène lyrique, où elle triomphe depuis ses débuts, d’abord en Olympia des Contes d’Hoffmann, à l’Opéra-Bastille en 1992, puis en Reine de la nuit dans La Flûte enchantée, à Aix-en-Provence, en 1994.
« Cela fait trente ans que j’attendais cette occasion », nous confie-t-elle ; elle dit aussi n’éprouver aucune difficulté à se glisser dans les mots du poète :cela lui rappelle quand elle faisait du fil. Elle s’accroche aux mots comme à une musique. «Le plus pénible, c’est de rester debout sur scène, immobile, pendant vingt minutes, alors que le public s’installe. »
Le théâtre est, pour elle, une expérience qu’elle espère bien renouveler, et avec des partenaires. Le public la suivra sans doute. Ici, ému, sous le charme, souvent déstabilisé, il ne perd pas une miette de son texte. Même sans en comprendre toujours le sens, il en saisit les enjeux : faire vibrer les mots d’un poète…

 Mireille Davidovici

 Théâtre des Abbesses, Paris. T : 01 42 74 22 77 jusqu’au 14 mai et 17-21 mai Théâtre de Bernardines, Marseille du 17 au 21 mai. Comédie de Valence, les 24 et 25 mai et Centre dramatique national d’Orléans du 1er au 4 juin.

 La pièce est publiée au Editions Théâtrales

 

 

Voyage dans les mémoires d’un fou

Voyage dans les mémoires d’un fou de Lionel Cecilio

c_niel_bocquetDéjà présenté au festival off d’Avignon, ce Voyage dans les mémoires d’un fou tient de la confidence ; seul en scène, le comédien interpelle chacun d’entre nous: dans sa modeste chambre, un jeune homme entreprend d’écrire l’histoire amère et désabusée d’«un cœur navré d’amertume ».
Le spectateur endosse alors le rôle d’un lecteur imaginaire, un complice auquel on peut confier ses déceptions car on sait qu’il partagera la même émotion. Le cadre est donc similaire à celui que choisit le jeune Gustave Flaubert, quand, à dix-spet ans, il écrit Les Mémoires d’un fou sur lequel Lionel Cecilio a aussi réécrit un nouveau texte, comme un palimpseste. L’idée lui en était venue en 2012,  quand il avait fait une lecture du Journal d’un fou..
  Ici, le jeune homme, qui se nomme lui-même: «un fou», atteint d’une maladie incurable, écrit son journal intime, celui des douleurs morales qu’il a connues et des souffrances physiques qu’il endure aujourd’hui : passé vécu dans la peine, et présent dans la souffrance : la dimension dramatique s’en trouve étoffée.
Dans ce texte d’origine, à la fois coupé et enrichi, le jeune héros devient notre contemporain, et ses misères, celles du monde d’aujourd’hui. Mais cette adaptation à la réalité contemporaine se double d’une nouvelle dimension: une veine comique, faisant écho à l’humeur sarcastique du  personnage imaginé par Gustave Flaubert.
En p
assant du spleen romantique à la satire acerbe des institutions (l’école, l’hôpital), le spectacle se dote d’une nouvelle épaisseur, avec des variations de rythme et de registre, et on passe ainsi du rire aux larmes. Le héros a une ironie mordante et cynique, comme l’auteur du Journal d’un fou avouant : « J’avais l’humeur railleuse et indépendante».
  La scène accueille de nouveaux personnages : la maîtresse, le médecin… joués aussi par le comédien. La comédie relaie alors le drame romantique, et Lionel Cecilio réalise une interprétation satirique mais aussi une mise en scène brillante, avec autant d’espaces scéniques  que de moments dramatiques : passé lointain, passé récent, et présent. Sur le plateau, juste un
e table où écrire avec lyrisme, un lit où souffre le malade; à l’avant-scène, se déploient les moments comiques.
Danseur, équilibriste et mime, l’acteur fait de son corps, l’essence du langage théâtral et il habite l’espace  avec  une chorégraphie qui confère au texte une architecture solide. Lionel Cecilio rend hommage à Gustave Flaubert et a incorporé à son propre langage, les moments les plus forts du texte: ceux de la poésie, ceux aussi  de la désespérance romantique : «L’homme, grain de sable jeté dans l’infini par une main inconnue, pauvre insecte aux faibles pattes qui veut  se  retenir  sur  le  bord  du  gouffre  à  toutes  les branches,  qui  se  rattache  à  la  vertu,  à  l’amour, à l’égoïsme, à l’ambition, et qui fait des vertus de tout cela pour mieux s’y tenir, qui se cramponne à Dieu, et qui faiblit toujours, lâche les mains et tombe. (…) Je  me  souviens  que, tout  enfant,  j’aimais à vider mes poches dans celles du pauvre, de quel sourire ils accueillaient mon passage, et quel plaisir aussi j’avais à leur faire du bien. C’est une volupté qui m’est depuis longtemps  inconnue-car  maintenant,  j’ai  le  cœur sec, les  larmes  se  sont  séchées. »
Mais cette réécriture peut aussi évoluer en pastiche. Dans le texte original, revient en leit-motiv ce genre de phrases: «Enfant, j’aimais ce qui se voit, adolescent ce qui se sent, homme je n’aime plus rien. »(…) «Enfant, j’ai rêvé l’amour, jeune homme la gloire, homme, la tombe, ce dernier amour de ceux qui n’en ont plus. » Ce qui, donne ici: «Enfant, j’avais mal à l’être, jeune homme mal au cœur, et, à présent adulte, j’ai mal au corps. »

  Bref, un vrai plaisir théâtral, salué avec chaleur par le public…

 Michèle Bigot

Spectacle vu au Théâtre des Déchargeurs, le 28 avril.
Festival de l’île, Théâtre de Volvestre de Montesquieu, le 4 juin à 17h.
Festival du solo tout seul devant tout le monde en Normandie, les 13 et 14 août.

 

Nous irons pleurer sur vos ombres-Gouelit Ma Daoulagad

Nous irons pleurer sur vos ombres-Gouelit Ma Daoulagad, conception et interprétation d’Yann-Fanch Kemener, musique de Sylvain Barou

YF Kemener 181430  »Je n’étais pas mauvais soldat, /Mais la guerre n’était pas ma loi /Et tuer, je ne voulais pas/Mon capitaine, mon lieutenant, /Ont ordonné mon jugement … Je ne suis ni vivant ni mort/C’est au désert que gît mon corps. /Mon corps, dans la terre d’Algérie/Mon esprit errant jusqu’ici. » (premier chant extrait de la prosopopée Naissance-Apparition.)
Yann-Fanch Kemener, le chanteur traditionnel breton, nous conte la vie de son grand-oncle Julien Joa, un tisserand originaire de Sainte-Tréphine (ex-Côtes du Nord devenues Côtes d’Armor), marié et père de famille, installé à Nantes pour retrouver du travail dans le tissage, fut embrigadé de force dans la grande Guerre, mais insoumis aux ordres militaires, fut condamné dès lors à cinq années de bagne qui le feront mourir avant la fin de sa peine.
Yann-Fanch Kemener rend ainsi hommage à tous les soldats tués, répertoriés comme «non morts pour la France», grands oubliés d’une injuste Mémoire de la première guerre mondiale, les «sans voix». L’histoire particulièrement douloureuse de ce grand-oncle rappelle au souvenir de chacun, tous les soldats morts sur les champs de bataille entre 1914 et 1918 : «Ceci est l’aventure d’un malheureux soldat…En quittant son village, le chagrin l’affligeait. A pleines charretées, des cadavres de tout côté/Du sang des camarades les sillons arrosés. /Pour les pères et mères, quelle cruelle destinée, /Pensant à leurs enfants, tant de peine pour les élever. » (troisième chant : Marche aux armées-Bataille de l’Argonne.)
Le 11 novembre 2011, les Archives Nationales ouvrent leurs fonds et leurs mystères non révélés : le petit-neveu découvre alors avec stupeur l’histoire de Julien Joa, et se met à traquer les moindres informations ayant trait à ce grand-oncle: souvenirs personnels, témoignages, chants, photographies, poèmes.
 Pour ce spectacle de théâtre musical, les carnets de Gaston Certain, mais aussi un album de photos d’Yves Troadec, les chants et témoignages collectés autour de 1970 dans le Centre-Bretagne par les chanteurs Jean-Marie Youdec, et Jean Poder, ont apporté leurs lumières.
  Sur le plateau nu, seul et majestueux un métier à tisser de bois verni, auquel répondent trois autres cadres de bois avec un drap blanc écru, à la fois draps immaculés  pour les blessés et morts à venir, et écrans pour films et photos.
Le spectacle associe musiques, chants, textes, extraits de carnets, et les vidéos de Gildas Roudault. Sylvain Barou, flûtiste de musique bretonne et irlandaise s’adonne à la musique modale, y incorporant encore des influences indiennes, turques et persanes dans un jeu fluide et entêtant, et crée un espace sonore à la fois somptueux, intense et délicat : «Sous la pluie, sur le sol enneigé, /Pire qu’une bête dans son terrier, /Qui, à part toi, ma chère maman /Pourrait comprendre ton enfant ?… Encore tuer, ou me laisser tuer /Qu’importe c’était bien assez… » (septième chant :Gwerz de Julien Joa-La Trappe de l’oubli, Le Bagne.)
La voix fascinante de Yann-Fanch Kemener en poilu à capote bleue, s’envole dans les airs, profondément terrienne, telle une claire eau de roche qui retient pour mieux les dévoiler, les douleurs existentielles.

 Véronique Hotte

Spectacle vu le 26 avril, au Centre Culturel Athéna/Ville d’Auray-Scène de territoire pour les marionnettes et le théâtre d’objets.

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