À y bien réfléchir
À y bien réfléchir et puisque vous soulevez la question, il faudrait tout de même trouver un titre un peu plus percutant, mise en scène de Philippe Nicolle
Créée par Philippe Nicolle et Pascal Rome, la compagnie des 26. 000 couverts a débuté aux festivals de Chalon dans la Rue et d’Aurillac avec Les Petites Commissions en 1995. Et elle a aussi collaboré trois ans plus tard avec Arte pour l’adaptation de Direct ! un spectacle participatif mettant en scène le tournage d’un programme télévisé pirate.
En 2003, Philippe Nicolle et Fred Toush se sont engagés dans la lutte des intermittents avec la première “Manif de droite”. Puis la compagnie nomade s’est installée à Dijon pour ouvrir son lieu de création, la Caserne des 26.000. Ont suivi des spectacles comme Le Sens de la Visite, La Poddémie, Les Tournées Fournel, Le Grand Bal des 26.000, Le 1er Championnat de France de n’importe quoi, Beaucoup de bruit pour rien, et L’Idéal Club… Autant de surprises, allant de l’insolite au grotesque, toujours interprétées avec un sérieux imperturbable par une bande de douze acteurs complices qui se livrent maintenant à la Villette avec une ardeur débridée à une fausse répétition d’un spectacle sur la mort.
«On n’attendait pas autant de monde pour une sortie de résidence, après quinze jours de travail. On doit saluer Clotilde Menez, du Ministère de la Culture, non de la Région et les nombreux partenariats locaux, Culture France etc. (…) Philippe Nicolle est au Mexique pour un stage d’écriture avec des personnes âgées. Nous n’avons que des débuts d’idées pour un spectacle de rue qui aura lieu dans un an, sur des exemples de mort subite ! »
Le comédien s’étouffe en lisant la note d’intention de Philippe Nicolle : «Perdre de vue la mort, c’est perdre le sens de la vie, l’absurdité risible de la mort; en répandant mes cendres sur le parking du Leclerc, je serai sûr que vous viendrez me voir au moins deux fois par semaine !».
Dans la fumée et les hurlements, on émet l’idée de brûler la mort, on la saoule car elle est venue chercher Giuseppe. Sur un air de fanfare, et après une scène de théâtre d’ombres, une échelle tombe : «On a représenté ce qu’on a répété». L’atmosphère devient de plus en plus folle: un pseudo-Philippe Nicolle qui sniffe de la coke et son complice menacent les acteurs qui se couchent.
Il les harangue : «La rue, c’est la vie, c’est de la fureur et du cambouis (…) La mort, la mort, la mort à un moment, ça déprime, pas de débat, on arrête». Tous les acteurs s’accusent de la mort, à la justice intergalactique. Ils entament un débat avec Gabor Rassov, l’auteur: c’est une fausse répétition d’un spectacle de rue sur la mort, mais le spectacle est la répétition d’un spectacle sur la vie.
Les comédiens s’écroulent en vomissant. «Le texte, il était empoisonné». L’auteur, lui, se pend, en évoquant la mort de Molière dans le film éponyme d’Ariane Mnouchkine. Cela se déroule dans un décor abracadabrant et dans un grand désordre…pourtant très ordonné. Beaucoup de rires dans la salle, surtout celui de notre voisine. s’esclaffant. On n’imagine pas bien ce spectacle dans la rue, et le vrai Philippe Nicolle qui apparaît à la fin, ne l’a bien entendu, pas voulu!
Créé en février dernier au Parapluie d’Aurillac, ce spectacle, déjà joué vingt-cinq fois, devrait connaître encore une soixantaine de représentations en France… Si vous aimez la compagnie des 26.000 couverts, courez-y!
Edith Rappoport
Grande Halle de la Villette, Paris du lundi au samedi à 19 h 30, jusqu’au 9 juin, T: 01 40 03 75 75
www.26000couverts.org
Edith Rappoport