La Nuit transfigurée/Verklärte Nacht
La Nuit transfigurée/Verklärte Nacht chorégraphie d’Anne Teresa De Keersmaeker, musique d’Arnold Schoenberg
Près de vingt ans après sa création, en 1995, la chorégraphe revisite cette pièce mais, là où six couples se partageaient l’espace, il en reste un, au début accompagné sporadiquement d’un deuxième homme .
L’Opus 4 s’inspire d’un poème de Richard Dehmel : un couple évolue au clair de lune, la femme avoue être enceinte d’un autre homme : «Ich trag ein Kind und nicht von dir». Son partenaire accepte l’enfant…
Dans sa forme actuelle, resserrée sur la relation homme/femme, la pièce correspond davantage à la situation décrite par le poète : «Deux êtres humains transcendent leurs existences, grâce à la compréhension mutuelle et à la confiance envers l’autre, commente Anne Teresa De Keersmaeker. Cela sonne peut-être un peu romantique, mais sans doute, suis-je d’une nature très romantique… »
La pièce commence dans le silence : les interprètes, happés par l’ombre du grand plateau, esquissent quelques gestes puis se figent dans des postures stylisées, comme des sculptures de Rodin. Pas-de-deux hésitants s’amorcent puis alternent avec les mouvements solitaires de la danseuse ; son partenaire reste caché dans l’obscurité, face au mur, en fond de scène…L’attente peut sembler longue mais on en est récompensé quand éclate la magistrale version de Verklärte Nacht pour orchestre à cordes, du Philarmonique de New York, dirigé par Pierre Boulez.
Le duo évolue alors dans une proximité de plus en plus grande, et se fuit pour mieux se retrouver… Les portés se vrillent pour s’écrouler en descentes contrôlées. Fluidité et amplitude des mouvements s’accordent au crescendo de la partition, et les interprètes ont un jeu d’une grande précision, à la fois ludique et tendu.
Anne Teresa De Keersmaeker revendique la théâtralité de sa pièce, intrinsèque, selon elle, à l’écriture d’un duo .«Ma chorégraphie, dit-elle, ressemble au ballet narratif classique, ou du moins, lui rend hommage. »
Elle signe ici une belle performance, habitée par l’émotion. On regrette seulement que le spectacle dure à peine quarante-cinq minutes !
Mireille Davidovici
Théâtre de la Ville, Paris T: 01 42 74 22 77, jusqu’au 15 juin.