Brûlez-la de Christian Siméon
Brûlez-la de Christian Siméon, mise en scène de Michel Fau
L’œuvre de Scott Fitzgerald (Gatsby le Magnifique,Tendre est la nuit…) appartient au romanesque mythique américain de l’entre-deux-guerres, rompant avec la tradition de l’être confronté à la Nature, pour lui préférer les fêtes des années folles, l’amour et la quête de l’absolu, à travers la figure attirante et redoutable d’une femme riche. Avec son épouse Zelda, l’écrivain s’est identifié aux fastes du jazz et et à la prospérité de son époque, tout craignant l’échec et la chute.
En 1929, l’écroulement psychique de Zelda fait écho au krach de Wall Street : après la popularité, ont suivi dépression et oubli, maladie et difficulté d’écrire. Les maléfices du mirage américain ont pris le couple pour victime. Francis Scott Fitzgerald, amoureux de Zelda Sayre, fille d’un magistrat d’Alabama, en a fait le modèle séduisant et fantasque de ses portraits de femmes émancipées.
Le couple émigre en France en 1924 et s’installe à Saint-Raphaël où Francis Scott Fitzgerald écrit la première version de Gatsby le Magnifique. Mais il boit de plus en plus, et la vie désordonnée du couple devient difficile. Tentant de rivaliser avec son mari sur le plan artistique, Zelda, elle, pratique la danse de manière obsessionnelle et, en 1929, doit être internée dans une clinique suisse. En 1931, elle retourne avec son mari aux États-Unis.
L’écrivain, dans une prose somptueuse, porte un regard introspectif sur Zelda et sur lui-même. Christian Siméon, à la demande de Michel Fau et de la comédienne Claude Perron, s’est penché avec compassion et humour, sur cette figure de femme abandonnée, trompée puis reprise par son époux, et enfin internée dans un hôpital psychiatrique américain où elle mourra dans l’ incendie qui le détruisit.
Belle et pleine d’esprit, ette femme fatale choisit des homme séduisants pour amants. Zelda, libre, amoureuse de la vie et de ses terrains de jeu-le court de tennis, imaginé par Emmanuel Charles, en est ici la métaphore -devient subversive et provocatrice dans l’âme: une image encore irrecevable par certains…
Claude Perron, ludique et malicieuse dans un costume aérien et diaphane de David Belugou, apparaît en sylphide de ballet russe, personnage dans lequel Zelda aurait voulu se métamorphoser: elle avait, elle aussi, la fibre artistique et tenait un journal dont l’époux a su se servir. Mais, entre les amours des uns et des autres, Zelda, douée et sensible, s’est peu à peu défigurée et détruite. Enfermée dans une résidence médicale comme une Alice Au Pays des merveilles devenue trop grande pour la maison miniature qui l’aliène, elle n’est jamais dupe, et le plus souvent, ironique et moqueuse, .
Icône de rébellion ratée, initiatrice de l’autonomie de la femme dans ses amours et ses projets d’accomplissement, elle esquisse de gracieux pas de danse. Rires, désinvolture et loufoquerie: Claude Perron montre une vraie compassion pour Zelda, cette danseuse qui s’est battue contre l’état d’une société oppressive et machiste, réduisant la femme à l’état de faire-valoir de l’homme.
Une interprétation réussie, dans une remarquable mise en scène de Michel Fau, avec Bertrand Schol, en Fitzgerald, bellâtre des courts de Roland Garros…
Véronique Hotte
Théâtre du Rond-Point, Paris, jusqu’au 19 juin. T: 01 44 95 98 21
Le texte de la pièce est édité aux éditions de L’Avant-scène,