Au bois, de Claudine Galéa

Au Bois de Claudine Galea, mise en scène de Maëlle Dequiedt

Jean-louis Fernandez

Jean-louis Fernandez

Le bois a toujours fait partie du paysage rural traditionnel, et  souvent aujourd’hui, proche de la ville, une non-zone anonyme d’un quartier périphérique, un lieu de promenade tranquille ou d’errance troublée  mais aussi un refuge pour sans-abris et autres marginaux, un espace de course ou parcours de santé pour les adeptes du sport salvateur, intégré à la nécessité salutaire et sacrée d’entretenir, malgré ou en dépit de tout, les corps malmenés des citadins en souffrance.
Un film comme Le Bois dont les rêves sont faits (2014) de Claire Denis est ainsi éloquent. Mais à côté du corps, les fantômes nocturnes troublent l’âme toujours, l’inquiètent et l’accablent de craintes et de frayeurs: spectres, démons, revenants, lutins et grands méchants loups. L’impact des légendes reste fort, et le loup à la férocité vorace et la sexualité débridée n’en finit pas de hanter l’imaginaire, restant le bel animal récurrent des contes et dessins animés entre cruauté et érotisme, de Walt Disney à Tex Avery.
Claudine Galea s’est amusée des clichés et des récurrences diverses qui accompagnent l’image frelatée du Loup, du Chasseur et du Petit Chaperon Rouge. La fable, réactualisée, s’éclaire de la présence de la Mère, de la Rumeur publique, avec à la clé, préjugés, qu’en dira-t-on, jugements à l’emporte-pièce, présupposés soupçonneux, condamnations précipitées, mauvaise foi tenace, et médisances.

 On ne peut plus faire peur à une petite fille décidée et fascinée par ce qu’elle connaît encore mal :  Adèle Zouane, à la voix acidulée, joue l’élève chahuteuse qui secoue et rabroue sa propre mère, jolie encore, qu’elle estime trop passive, réfugiée dans son déshabillé et ses petits plaisirs gourmets, comme si elle échappait toujours à ses rêves de femme apte au ressaisissement de sa propre vie.
Laure Werckmann est magnifique de fantaisie et d’invention dans le rôle de cette mère, à la fois ludique et irresponsable, réfléchie et fantasque, prête aux rencontres secrètes. Quant au Loup et Chasseur-la voix colportée du monde-il joue avec la puissance de ses deux compagnes subversives et résistantes. Joachim Pavy accepte, avec beaucoup d’humour et de saveur, et presque à son corps défendant, le « mauvais » rôle du mâle prédateur et éternel donneur de leçons.
Le paysage verbal ressemble à une boisson pétillante : jeux de mots sur la bobinette, la chevillette et les serrures trois points, évocation du bois et du désir hasardeux, restes de fêtards, sacs en plastique, canettes de bière et préservatifs…
Maëlle Dequiedt, (élève sortante de l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg) met en scène des petites filles éternelles : une adolescente libérée d’aujourd’hui, et sa mère qui n’ose pas, bref, deux «belettes». Et t
outes deux croisent sur leur chemin, loups et chasseurs divers, les premiers chassés par les seconds mais les uns et les autres tout à fait complices entre eux.
La scénographe Solène Fourt  a imaginé de faire voler des copeaux volatiles d’un noir brillant qui vont joncher le sol quand la forêt se fera obscure. Elle a aussi conçu des costumes malicieux : renard autour du cou pour signifier la sauvagerie du loup, chapka pour le chasseur, pull et chaussures rouge vif pour la chaperonne, et déshabillé à la Greta Garbo pour la mère.

 Sur une scène installée à la manière d’un jeu enfantin de ronde, les comédiens circulent aussi derrière les spectateurs : «Loup, y est-tu ? Loup, que fais-tu ?»
L’enjeu ici en vaut la chandelle, et le temps théâtral est vif et facétieux, amuseur et amusé.

 Véronique Hotte

Théâtre de l’Échangeur à Bagnolet-États singuliers de l’écriture dramatique, vendredis 17 et 24, samedis 18 et 25, dimanches 19 et 26 juin. T : 01 43 62 71 20
Le texte est publié aux éditions Espaces 34.

 

 

 


Archive pour 20 juin, 2016

Au bois, de Claudine Galéa

Au Bois de Claudine Galea, mise en scène de Maëlle Dequiedt

Jean-louis Fernandez

Jean-louis Fernandez

Le bois a toujours fait partie du paysage rural traditionnel, et  souvent aujourd’hui, proche de la ville, une non-zone anonyme d’un quartier périphérique, un lieu de promenade tranquille ou d’errance troublée  mais aussi un refuge pour sans-abris et autres marginaux, un espace de course ou parcours de santé pour les adeptes du sport salvateur, intégré à la nécessité salutaire et sacrée d’entretenir, malgré ou en dépit de tout, les corps malmenés des citadins en souffrance.
Un film comme Le Bois dont les rêves sont faits (2014) de Claire Denis est ainsi éloquent. Mais à côté du corps, les fantômes nocturnes troublent l’âme toujours, l’inquiètent et l’accablent de craintes et de frayeurs: spectres, démons, revenants, lutins et grands méchants loups. L’impact des légendes reste fort, et le loup à la férocité vorace et la sexualité débridée n’en finit pas de hanter l’imaginaire, restant le bel animal récurrent des contes et dessins animés entre cruauté et érotisme, de Walt Disney à Tex Avery.
Claudine Galea s’est amusée des clichés et des récurrences diverses qui accompagnent l’image frelatée du Loup, du Chasseur et du Petit Chaperon Rouge. La fable, réactualisée, s’éclaire de la présence de la Mère, de la Rumeur publique, avec à la clé, préjugés, qu’en dira-t-on, jugements à l’emporte-pièce, présupposés soupçonneux, condamnations précipitées, mauvaise foi tenace, et médisances.

 On ne peut plus faire peur à une petite fille décidée et fascinée par ce qu’elle connaît encore mal :  Adèle Zouane, à la voix acidulée, joue l’élève chahuteuse qui secoue et rabroue sa propre mère, jolie encore, qu’elle estime trop passive, réfugiée dans son déshabillé et ses petits plaisirs gourmets, comme si elle échappait toujours à ses rêves de femme apte au ressaisissement de sa propre vie.
Laure Werckmann est magnifique de fantaisie et d’invention dans le rôle de cette mère, à la fois ludique et irresponsable, réfléchie et fantasque, prête aux rencontres secrètes. Quant au Loup et Chasseur-la voix colportée du monde-il joue avec la puissance de ses deux compagnes subversives et résistantes. Joachim Pavy accepte, avec beaucoup d’humour et de saveur, et presque à son corps défendant, le « mauvais » rôle du mâle prédateur et éternel donneur de leçons.
Le paysage verbal ressemble à une boisson pétillante : jeux de mots sur la bobinette, la chevillette et les serrures trois points, évocation du bois et du désir hasardeux, restes de fêtards, sacs en plastique, canettes de bière et préservatifs…
Maëlle Dequiedt, (élève sortante de l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg) met en scène des petites filles éternelles : une adolescente libérée d’aujourd’hui, et sa mère qui n’ose pas, bref, deux «belettes». Et t
outes deux croisent sur leur chemin, loups et chasseurs divers, les premiers chassés par les seconds mais les uns et les autres tout à fait complices entre eux.
La scénographe Solène Fourt  a imaginé de faire voler des copeaux volatiles d’un noir brillant qui vont joncher le sol quand la forêt se fera obscure. Elle a aussi conçu des costumes malicieux : renard autour du cou pour signifier la sauvagerie du loup, chapka pour le chasseur, pull et chaussures rouge vif pour la chaperonne, et déshabillé à la Greta Garbo pour la mère.

 Sur une scène installée à la manière d’un jeu enfantin de ronde, les comédiens circulent aussi derrière les spectateurs : «Loup, y est-tu ? Loup, que fais-tu ?»
L’enjeu ici en vaut la chandelle, et le temps théâtral est vif et facétieux, amuseur et amusé.

 Véronique Hotte

Théâtre de l’Échangeur à Bagnolet-États singuliers de l’écriture dramatique, vendredis 17 et 24, samedis 18 et 25, dimanches 19 et 26 juin. T : 01 43 62 71 20
Le texte est publié aux éditions Espaces 34.

 

 

 

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