La dernière idole
La dernière idole , écriture, mise en scène et scénographie d’Hélène François et Emilie Vandenameele
Sur scène, rien qu’une longue table nappée de noir, avec les restes d’un dîner pour une dizaine de convives : bouteilles à moitié vides, assiettes avec quelques restes, verres dispersés. L’idole, ou du moins ce qu’il en reste, est là, affalé, en proie à un spleen évident.
Cette star du rock adulé depuis des décennies- et évidemment l’image de Johny vient tout de suite à l’esprit- ne se voit pas faire autre chose que continuer à chanter devant un public fidèle…
Mais l’âge est là et Hélène François et Emilie Vandenameele
ont bien mis en scène ce chanteur avec une vie de tournées épuisante pour le corps et l’esprit. Il il a vieilli comme ses fans d’autrefois, entre autres cet ami agriculteur cantalien aujourd’hui à la retraite qui avait fait 80 kms avec sa vieille voiture pour aller le voir à Saint-Flour…
Etre encore la seule bête de music-hall qui reste d’une époque, cela se paye au quotidien, et l’histoire de ce chanteur populaire, c’est aussi celle d’un travailleur et de toute une équipe: “Je travaille avec des professionnels de la profession. Des américains. Des anglais. Ce qu’on fait de mieux. De plus en plus de gens autour de moi. Roadies, chorégraphes, préparateurs physiques, accessoiristes, maquilleuses, coiffeurs, stylistes, barbier.
Mon producteur, mon répétiteur et mon attaché de presse me courent après. J’essaie de les semer. Toujours des choses à signer. Des accords à donner. Je voulais être tranquille dans ma loge. Ils n’arrêtent pas. Des gens sont dans ma loge. Je veux juste être seul dans ma loge pour chier. »
Le langage ici est parfois des plus crus, quand il évoque ses amours en tout genre, voire tarifés : « Une fille est montée sur scène. M’a attendu en coulisse, m’a attendu devant la loge. Je lui fais signe d’entrer. Je bande. Elle m’embrasse, me dévore littéralement la bouche. Je bande. Je me rends compte que je bande. J’en profite, j’en profite sévère. Je lui remonte sa robe. Je suis excité. Très excité. Je la soulève par les fesses. L’assois sur ma table de maquillage. La plaque contre le miroir. Allume la lumière. Avec la lumière, c’est mieux. Je sautille jusqu’à l’interrupteur. Reviens sur elle. Dans elle. Je me vois dans le miroir. Je vois une ruine. J’ai perdu en élasticité. Je débande. Qu’est-ce qui se passe ? Je me suis déconcentré. J’ai pensé à autre chose.
Pierre-François Garel que l’on avait remarqué dans Qui a peur de Virginia Woolf (voir Le Théâtre du Blog) et qui a été nommé cette année aux Molière « meilleur second rôle », arrive ici, avec une excellente diction, à être tout fait convaincant malgré un texte faiblard, comme écrit sur un coin de table et dont la dramaturgie est tout aussi faiblarde. Il es loin d’avoir l’âge du personnage mais arrive à l’incarner au plus serré.
Les deux jeunes complices (voir Le Théâtre du Blog) ont cette fois mieux cerné leur mise en scène et leur direction d’acteur, grâce aussi sans doute à leur collaboration avec Stéphanie Chêne à qui est attribuée “l’écriture physique” de ce monologue, tout à fait efficace. Et dont dépendent des images d’une grande beauté, comme à la fin, l’idole ensevelie par une pluie de matière indéterminée qui tombe lentement des cintres.
Le spectacle créé l’an passé possède de vraies qualités, et on ne peut qu’applaudir à la scénographie de cette table-qui participe d’une sorte de vanité picturale, très finement représentée-à la mise en scène et au jeu remarquable de Pierre-François Garel mais, à moins de n’être pas difficile, mieux vaut vraiment oublier le texte de ce monologue…
Philippe du Vignal
Festival d’Avignon : Artéphile du 7 au 17 juillet à 22h40. Théâtre Jean Arp de Clamart du 18 au 22 avril et à L’Avant-Seine, Colombes, le 25 avril.