Qu’est-ce qu’ils disent sur le pré

Festival des écoles de théâtre public 2016:

 Qu’est-ce qu’ils disent sur le pré ? de Philippe Minyana, mise en scène de Jacques David en collaboration avec Philippe Minyana

 00bacd3cf6d48dbb340c408bdf382a1cCe travail a été présenté par le groupe 9 de l’E.D.T. 91 pour sa sortie, après une résidence de trois ans où l’auteur et le metteur en scène sont intervenus en étroite collaboration. Avec trois pièces écrites, et deux montées. « Pour la version finale, Jacques David m’a suggéré de fondre ces pièces en une seule, dit Philippe Minyana. Ce qui fut fait,  (…) J’ai donc coupé, supprimé, ajouté, réécrit. Et j’ai surtout simplifié ! »

Du sur-mesure pour les apprentis comédiens, qui se sont frottés à un texte écrit au cordeau et qui ont dû s’insinuer dans la peau de multiples personnages, ou plutôt donner corps à des figures porteuses d’une parole immédiate et vive.  En de courtes séquences, la pièce développe en effet, à travers des dialogues succincts et quelques monologues, deux fictions qui se passent à la campagne. Prés et bois nous sont discrètement suggérés par  une vidéo sur un petit écran placé dans un coin du plateau, nu, à l’exception de quelques bancs et tables.

Dans la première partie, Ricardo Gonzales le fugitif, recherche son frère par les villages où il demande gîte et couvert à un population à la fois craintive et charitablement condescendante. Le fort accent portugais de l’apprenti-acteur et son jeu style commedia dell’arte tire le personnage vers la caricature, face à des interlocuteurs moins hauts en couleur mais qui doivent forcer le dose pour garder une unité de jeu.
 Un exercice en soi pour Florian Miguel. Ce qui n’empêche pas d’entendre la mélancolie qui sous-tend l’écriture. «Les bois sont pleins d’agitation, j’entends le monde », dit le fugitif, quand il reprend la route, lors de la séquence 5 : Le voilà à nouveau en chemin.
Il ajoute après avoir fait ses adieux : «La terre est aussi silencieuse que le ciel», tandis que retentissent les percussions, qui, sous les baguettes lestes de Manon Coulon, rythment le spectacle, meublent les interruptions (annoncées aussi sur le panneau) et permettent aux comédiens de se changer à vue.

 « 1 : Yvette et Odilon, ils sont pauvres, au secours populaire », annonce le tableau lumineux pour introduire la deuxième fiction. Le jeune couple souffre de cette précarité et se la lance au visage… Dans 3 : Petits boulots, on voit Yvette trier des vêtements au profit d’associations humanitaires : «Quand on fait un boulot minable, on n’est plus nous-même, dit-elle. »

Une visite à la campagne chez la mère d’Odilon et une autre, lors de son enterrement, font découvrir à Yvette l’univers rural et la chaleur familiale : comme le formule l’une de ses deux belles-sœurs agricultrices : «La créature vivante vient à nous. »
7 : Bonheur possible est un chapitre où l’on voit les deux cousins de Mons, joviaux et très optimistes. Suivra scène d’adieu, pendant de celle du premier épisode : Ricardo Gonzales.

La pièce présente une galerie de petites gens et de marginaux, pris sur le vif de leur quotidien : l’occasion pour les comédiens de jouer plusieurs rôles et de les endosser avec rapidité. Cette série d’instantanés favorise un jeu homogène, entre réalisme et caricature, comme si l’on jouait à jouer. La direction d’acteurs, très rigoureuse, qui engage aussi les corps, permet aux jeunes gens de donner le meilleur d’eux-mêmes dans un sobre travail collectif.

La mise en scène dénote une intelligence de l’univers de Philippe Minyana, entre noir optimisme et pessimisme joyeux. Son écriture lapidaire nous livre des précipités de vies où se cristallisent les paroles d’une humanité en souffrance, dont émanent des éclats de bonheur.

 Mireille Davidovici

Théâtre de l’Aquarium, à la Cartoucherie de Vincennes, jusqu’au 3 juillet T. : 01 43 74 99 61

 

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