Erzuli Dahomey, déesse de l’amour
Erzuli Dahomey, déesse de l’amour de Jean-René Lemoine, mise en scène de Nelson-Rafaell Madel
Le Prix du Théâtre 13 a pour vocation de faire découvrir des créations de jeunes metteurs en scène. Pour cette neuvième édition: six projets et trois lauréats. Prix du jury: Nelson-Rafaell Madel pour Erzuli Dahomey, déesse de l’Amour de Jean-René Lemoine; mention spéciale à Marie-Line Vergnaux pour 2h14 de David Paquet et prix du public : Dorothée Deblaton pour Jeux d’enfants de Robert Marasco.
Cet auteur, comédien et metteur en scène haïtien a reçu le prix S.A.C.D. 2009 de dramaturgie de langue française pour cette pièce dont l’action se déroule au sein d’une famille à Villeneuve, petite ville de la province française.Victoire Maison, la cinquantaine, est veuve et mère de jumeaux Sissi et Frantz, seize ans et d’un fils aîné Tristan, donné pour mort dans un crash d’avion.
La bonne, Fanta, une Antillaise, est de service vingt-quatre heures sur vingt quatre, et le Père Denis assure l’éducation des jumeaux. Un fantôme dénommé West erre dans la maison et réveille petit à petit le destin de ses habitants. Félicité, la mère du fantôme, arrive subitement d’Afrique pour réclamer le corps de son fils.
Humour, cruauté, rêves et cauchemars, étrangeté, solitude… L’écriture et la mise en scène ne cessent d’aller et venir d’un monde à l’autre: l’Europe, l’Afrique et d’un espace à l’autre, la famille, l’histoire de l’esclavage. Pour Nelson-Rafaell Madel, la poésie devait avoir une place importante dans sa mise en scène. Elle seule en effet laisse résonner les espaces inarticulés et fugaces enfouis dans l’écriture et elle met en lumière l’intériorité des personnages et leur univers culturel et social. Laissant entendre leurs souffrances et contradictions mais aussi leur joie et leur folie…
Ici, l’Histoire se mêle à l’intime, au point de les faire se heurter violemment. Avec des jeux de lumière, souvent des clairs-obscurs, une musique et une chorégraphie subtils et émouvants: nous passons vite du rire aux larmes.
Nelson-Rafaell Madel réussit à marier théâtre et poésie pour tisser des liens entre le merveilleux (la magie Erzuli est un Iwa: une divinité du vaudou) et de graves questions éthiques et politiques toujours d’actualité, comme celles du racisme et de l’esclavage. Un texte à la grande beauté dont on sort avec à l’esprit, ce petit message: «Prends soin de laisser la porte ouverte au dionysiaque et danse de temps à autre avec eux ! »
Elisabeth Naud
Prix du Théâtre 13/Jeunes metteurs en scène 2016, jusqu’au 4 juillet. Théâtre 13-Seine 30 rue du Chevaleret, Paris (XIII ème).