Epître aux jeunes acteurs

Epître aux jeunes acteurs, d’ Olivier Py, mise en scène de Thomas Pouget

 

Epître3En ces temps de ferveur footballistique, où klaxons et vociférations tiennent lieu de langage, il est essentiel d’aller (ré)écouter les mots d’Olivier Py, le poète. Dès 2.000, avec ce vade-mecum adressé aux apprentis-comédiens, il enfourchait un de ses chevaux de bataille favoris: la célébration des pouvoirs de la Parole. Plus tard, ses essais Cultivez votre tempête et Mille et une définitions du théâtre, comme son œuvre dramatique, ne cesseront de réaffirmer les vertus du Verbe contre les dégâts du tout-communiquant.

Sus au désespoir ! La jeune compagnie La Joie Errante (allusion à la joie ardemment célébrée dans Orlando ou l’Impatience) a choisi d’en faire son manifeste. Thomas Pouget se frotte à ce texte exigeant en disciple de l’homme de théâtre dont il a été assistant à la mise en scène et comédien (le dernier survivant du Roi Lear, chantre du rôle du poète contre la barbarie, c’était lui !). Il déploie ici tout le lyrisme et la conviction d’un texte brûlot qui souhaite « montrer l’homme changé et sauvé par la Parole ».

 Et le comédien mouille le maillot, ou plutôt la robe de tragédienne. Sa supplique fardée et perruquée n’hésite pas à offrir les fesses du poète en préambule, pour pouvoir mieux affronter ensuite les figures pessimistes de la modernité : le rabat-joie, le responsable culturel, le policier du désir, le ministre de la Communication… autant de tristes figures qui privilégient la vulgarité, le « symbole qui ne symbolise rien » et répandent des textes qui ne conduisent à aucun autre horizon que l’acte d’achat.

 Y est particulièrement fustigé le football, «qui fait des miracles sans parole, sans promesse ». Sous son masque porcin, le vulgaire se gargarise : « Le sport, c’est vrai, le sport, c’est pur, c’est pas des mots. » Quelle actualité ! Comme elle résonne et trouve sa juste place dans l’écrin de la Maison Européenne de la Poésie. Aussi cette lutte au corps à corps contre ceux qui rapetissent l’humain, fait-elle aussi penser à l’essai/coup de poing de Gilles Châtelet Vivre et penser comme des porcs.

La scénographie-une sobre boîte noire, met en valeur quelques accessoires symboliques (valise,  couronne, crâne, table de maquillage…) et des costumes en noir et blanc signés Pierre-André Weitz. Sans esbroufe, la mise en scène a pour principale qualité de réactiver et de faire parfaitement entendre-très bonne diction-un texte indispensable qui contient en germe, tout le suc des obsessions d’Olivier Py. Avec l’acteur au centre :  ses entrées et sorties, sa voix, ses regards, sa présence… Magnifiquement incarné par Thomas Pouget qui s’y engage avec ferveur et précision. Delia Sepulcre Nativi, qui nous avait subjugué dans La Jeune fille, le diable et le moulin, est plus discrète ici, et endosse tous les rôles d’opposants.

Eloge de la transmission, voici une arme bien affûtée contre le tout médiatique, avec  une joie exigeante à opposer à la liesse trop souvent médiocre et primaire des raouts sportifs : une occasion sublime de rendre « la parole à la parole. »

 Stéphanie Ruffier

Centre européen de la Poésie d’Avignon, tous les soirs, à 22h 30 (relâche le 17). T: 04 90 82 90 66.

 

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