Teatro a corte (suite et fin)
Teatro a Corte 2016 à Turin (suite et fin).
Bodies in urban Spaces ( Des corps dans l’espace urbain) mise en scène de Willi Dorner
Dans le vaste parc de la Tresoriera, promeneurs, enfants, amoureux, et joueurs de cartes sont surpris par une vingtaine de coureurs encapuchonnés, en survêtements colorés, qui passent comme des flèches.
Attiré par ces mouvements impromptus, le public suit, et découvre, au fil du parcours, des performers immobiles, entassés sous un banc, encastrés dans l’embrasure d’une fenêtre, agrippés aux arbres, coincés entre un poteau, enroulés autour d’une fontaine, ou encore épousant les marches d’un escalier, les contour d’un balcon, ou le toit d’un abribus…
Le chorégraphe autrichien a déjà réalisé cette déambulation dans une centaine de villes. Il recrute les danseurs sur place, ce qui permet de créer des liens avec la population locale et de prendre contact avec les habitants des environs, pour travailler en bonne entente avec eux.
La règle du jeu : faire découvrir l’espace urbain à l’aune des corps humains, qui deviennent l’unité de mesure de l’architecture. En une heure, et trente stations, nous avons le loisir de regarder la ville autrement avec des artistes aguerris, surpris dans les postures les plus insolites.
Du théâtre de rue ludique, et de qualité.
Vu au parc de la Tresoriera, le 9 juillet.
Promenade au Château, chorégraphie d’Ambra Senatore
Du 7 au 17 juillet à Turin Teatro a Corte T. +39 0105634352 www.teatroacorte.itv
La Venaria Reale est l’une des étapes habituelles de Teatro a Corte (voir Le Théâtre du Blog). Cette gigantesque résidence de chasse des rois de Savoie a été restaurée : ses salons, cours et jardins s’ouvrent à l’art contemporain, avec des installations et des sculptures disséminées sur tout le domaine.
Beppe Navello a proposé à la chorégraphe turinoise, depuis peu directrice du Centre chorégraphique de Nantes, d’investir le château à sa manière : «Un parcours avec les danseurs, une confrontation avec la structure architecturale, les sculptures et les peinture, dit-elle. De petites citations renvoient à l’histoire de ces lieux mais avec une approche ironique. Pas une écriture avec des phrases dansées, mais de la danse jouée, plus ou moins grotesque. »
Ambra Senatore et ses trois complices nous guident en dansant à travers un imposant couloir, carrelé de marbre noir et blanc. Puis on la retrouve dans un majestueux escalier, posant en costume d’époque, parmi des mannequins: la famille royale figée dans ses plus beaux atours.
Enfin, l’immense chapelle baroque, flanquée d’imposantes statues et de peintures religieuses édifiantes, offre un terrain de jeu aux artistes. Tout au long du parcours, ils auront singé les postures des personnages peuplant les œuvres du palais, soulignant le ridicule de cette iconographie. Qui nous renvoie à un décorum officiel toujours en vigueur dans nos pays.
Cette déambulation malicieuse sera rééditée au château de Chambord à l’occasion des Journées du patrimoine, les 17 et 18 septembre.
Palais de Venaria Reale , jusqu’au 17 juillet.
As the World tipped (Un monde qui bascule) par la Wired aerial company
Dans un hurlement de sirènes, à la clarté éblouissante des projecteurs, les bureaucrates du sommet de Copenhague sur le changement climatique s’activent sur un immense plateau. Gagnés par le brouillard, ils brassent des paperasses et des discours creux qui s’envolent sous le drapeau de l’O.N.U.
Long et laborieux prologue, trop démonstratif, que le public, venu en masse, subit plutôt qu’il n’apprécie, par manque de visibilité et faute d’une bonne acoustique.
Mais, après ces vingt premières minutes plutôt agaçantes, il n’est pas déçu du voyage : la compagnie de Liverpool va nous en mettre plein la vue et délivre ce message: La planète est malade, et personne ne fait rien.
A situation dramatique, dispositif spectaculaire : l’immense plateau va basculer, soulevé par une grue pour devenir une haute muraille à laquelle s’agrippent désespérément quelques survivants. Y sont projetés cataclysmes, scènes de sécheresse, et photos de victimes climatiques : la Terre malmenée, vue du ciel. Des images plus paisibles nous laissent parfois entrevoir la nostalgie d’un paradis perdu.
Les danseurs-acrobates évoluent sur ces images apocalyptiques, au bout de longs filins que manipulent des hommes en noir qui montent et descendent de chaque côté de la structure. D’eux dépendent la parfaite synchronisation entre images projetées et mouvements. Une technique époustouflante au service d’un spectacle qui pousse la danse verticale à sa plus haute expression.
Mais cette voltige extraordinaire a quelque chose de grandiloquent et de didactique qui peut agacer.
Vu au parc de la Venaria Reale, le 9 juillet
Mireille Davidovici
Turin Teatro a Corte à Turin du 7 au 17 juillet. T : +39 0105634352 www.teatroacorte.itv