Tirésias

Festival d’Avignon:

Tirésias, texte et mise en scène de Philippe Delaigue, création sonore et musicale de Philippe Giordani

photo Tirésias-min La scène esquisse une antre à peine éclairé, comme une caverne, ou un  grenier, avec ses étagères supportant des piles poussiéreuses et branlantes de boîtes de carton beckettiennes, recels énigmatiques d’étoffe humaine existentielle. Sont relégués là,  comme du temps compressé, des trésors accumulés de bandes d’enregistrement de quelques vingt-cinq siècles et plus, anthologies, compilations ou florilèges, dont sans doute La dernière bande, une pièce anachronique parmi d’autres, puisque l’acquisition en est plutôt récente; cette sélection concerne notre modernité ou post-modernité, des époques dites contemporaines.
Les boîtes méticuleusement datées égrainent Les Métamorphoses d’Ovide, des œuvres de Sophocle, d’Homère, patrimoine culturel et mémoire que le maître des lieux, Tirésias protège, depuis l’observatoire, près de sa fille. Pouvoir extra-lucide de prédire et prophétiser, tel est le talent du visionnaire.

 Le devin, remarquablement interprété par le comédien Thomas Poulard, avec  l’humour et l’ironie du prétendu sage face à la jeunesse qui l’interpelle) se montre nonchalant et bougon au possible, quand il est confronté aux questions brouillonnes des adolescents d’aujourd’hui auxquelles il doit répondre – par anticipation ou prévision – via Skype, un mode de consultation obligé, que maîtrise et contrôle la fille même de Tirésias (émouvante Héloïse Lecointre). Dans un mélange de piété filiale et de compassion pour les jeunes têtes en consultation.

 

« Aurai-je mon brevet ? », « Va-t-il répondre à mon sms ? », « Serai-je obèse plus tard ? », les questions fusent en vrac, demandent les jeunes pousses inquiètes. Tirésias s’empresse vite de se jeter sur sa couche pour se reposer, fermé à ces vaines questions, jusqu’au jour où Léo l’interroge sur son propre désir d’en finir. Le pédagogue le prend au mot, et lui propose un choix de morts viriles ou féminines, en se moquant du jeune préposé qui voudrait une disparition précoce.
Et Tirésias raconte comment il a conquis l’éternité, tout en perdant la vue, victime de l’opposition radicale de Zeus et Héra, époux vindicatifs, en conflit à propos de la question du genre-masculin ou féminin -de l’intensité maximale du plaisir.

 

À partir de sa propre expérience: homme d’abord, femme durant sept ans, puis homme à nouveau, le sage inventorie les histoires, celle de Phaéton par exemple, qui rivalise d’orgueil avec le char paternel face au Soleil, un char que le présomptueux ne maîtrise pas.
Jimmy Marais, jeune acrobate, mime les agissements de Phaéton, en équilibre près du Ciel sur les étagères, aux côtés de la fille de Tirésias, danseuse et amoureuse.

D’une chute incandescente trop violente, Léo ne veut pas. Tirésias pense alors à des morts plus douces, comme celle de Narcisse qui, à trop s’admirer, n’a guère vécu non plus, saisi par son reflet.

 De fil en aiguille, d’un conte ou d’une métamorphose à l’autre, Léo suit un chemin initiatique, passe par la prise de conscience et la connaissance de soi à travers douleurs, souffrances et expériences plus ou moins agréables :un principe de réalité qui n’occulte pas non plus le nécessaire principe de plaisir. Telle est la vie.

 La mise en scène ludique s’amuse des facéties joueuses de Tirésias, marionnettiste qui manipule ses figurines vivantes avec talent, humour et vraie générosité.  Et défilent alors les figures de la mythologie antique qui, pour Philippe Delaigue, portent «l’éternel recommencement de nos erreurs, de nos angoisses, de nos chimères et de nos amours ».
Un moment de théâtre agréable et édifiant.

 Véronique Hotte

 Théâtre Gilgamesh, jusqu’au au 30 juillet à 12h40, relâche les 18 et 25 juillet. T : 04 90 89 82 63

 

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