Going home
Festival d’Avignon:
Going home, mise en scène de Vincent Hennebicq
Un spectacle éloquent sur l’épreuve de l’exil, au-delà des clichés et de la bonne conscience. Interprété avec un panache tranquille par le grand comédien Dorcy Rugumba : diction impeccable, parler convaincant et allure décontractée et sportive qu’éclaire un regard jovial envers le public, allant et venant sur le plateau avec nonchalance.
Un exil à rebours : le migrant n’en est pas encore un, mais citoyen autrichien, enfant noir adopté, qui n’a pu s’adapter dans une Europe xénophobe, fils indigne et mauvais élève dans une société qui pratique l’exclusion, et dont les pères ne sont guère aimants.
L’histoire commence à Hambourg : un Noir, l’air hagard, est arrêté dans un parc enneigé avec, à ses pides des piles de biellets : son braquage d’une banque vient d’échouer… Le jeune délinquant Michalak l’Éthiopien, qui a été adopté par une famille autrichienne, nous conte son histoire.
De dérives en petits boulots, de fréquentations douteuses en petits casses, il vit en Allemagne, où il rêve d’une vie facile, avec sorties, filles et alcool.
Un autre braquage réussit et, avec l’argent, Michalak s’envole vers Addis Abeba, en croyant que la vie sous le soleil et avec tout cet argent sera idéale. Échec. La vidéo subtile de Olivier Boonjing laisse d’abord voir les mêmes inégalités sociales, plus criantes encore, et Michalak erre, un sac de bouteilles à la main.
Mais il existe aussi dans les villages une autre Éthiopie, celle de citoyens intègres et valeureux. L’exilé travaille dans une plantation de café où il peut évaluer les différences entre le Nord et le Sud, entre le prix du café en Ethiopie-un des meilleurs du monde-et le prix de celui qui est vendu en Europe. Si l’Afrique souffre d’un besoin d’aide, elle est d’abord une proie facile pour les pays du Nord.
Et l’Éthiopie possède de vrais trésors symboliques : le travailleur découvre à travers la plantation de café du village où il vit, une communauté solidaire où hommes et femmes sont à égalité de salaire.
Michalak se marie, est père d’une petite fille, et se lie d’amitié avec le médecin du village ; il appartient pleinement à la communauté, dont il respecte pleinement comme il se doit le chef au bonnet rose -les vidéos témoignent des moments festifs.
Si la justice n’est guère présente, la loi sévit, et Michalak est rattrapé par la police pour rendre compte du braquage. Revenu à la case départ à Hambourg, il est emprisonné cinq ans. À la sortie, pour revenir au village, il commet un nouveau braquage avec arme en plastique et encore une fois, il est arrêté. Prison à nouveau mais durant deux ans, grâce aux juges cléments et aux témoignages du médecin du village éthiopien qui vient raconter que l’achat de camions grâce aux dons de Michalak-très généreux- la plantation de café a pu se développer
Les compositions originales de Vincent Cahay (piano et batterie) et de François Sauveur (violon et guitare) donnent le rythme nécessaire à la confrontation maudite des enjeux et des obstacles de l’appréhension du monde. Un conte sombre qui se finit bien, grâce à l’intelligence et l’humanité de certains.
Un exil à rebours, un retour au pays natal qui n’avait jamais eu lieu, un beau rêve.
Véronique Hotte
Théâtre des Doms, jusqu’au 27 juillet, relâche le 21 juillet, à 10h45.
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