20 november
Festival d’Avignon :
20 November de Lars Noren, mise en scène de Sophia Jupither, (en suédois, surtitré en français)
» Vous me regardez , et je vous regarde… Vous serez obligés, tôt ou tard, de me regarder, ainsi débute ce monologue… Dans une heure et douze minutes ce sera l’heure, mon heure. » Ce 20 novembre 2.006 à Emsdetten (Allemagne) , Sebastian Bosse , dix-huit ans, s’apprête à commettre un attentat dans son ancien collège. Devant nous, et projeté en gros plan sur l’écran relayé par la caméra installée dans sa chambre, il annonce et explique son geste.
Pour cette pièce, écrite dans l’urgence, au lendemain de la fusillade qui a frappé Emsdetten le 20 novembre 2006, l’auteur a puisé dans le journal intime et dans diverses publications laissées sur Internet par le jeune homme qui s’est donné la mort, après avoir ouvert le feu sur les élèves et les professeurs.
Lars Noren a conservé la brutalité de cette parole directement adressée, et renforcée par l’effet de réel des gros plans sur le visage de David Fukamachi Regnfors, formidable acteur qui endosse le rôle avec courage ; il en fallait, en ce lendemain de 14 juillet, autre date fatidique qui restera gravée aussi dans les mémoires. Il dit les frustrations de Sebastian, sa haine liée aux violences et aux humiliations subies à l’école et son sentiment d’être un perdant.
« Il construit une théorie politique pour justifier ses actes, écrit Sonia Jupither. Il y a une part de rationalité politique mais surtout une détresse émotionnelle. » Mais en aucun cas, le texte ni le jeu ne justifient son acte qui nous donnent seulement à réfléchir sur la violence de nos sociétés et l’exclusion qu’elles génèrent.
Nous sommes plongés dans l’intimité de sa chambre, sommairement évoquée par une chaise et quelques accessoires dont le gros sac qui renferme ses armes de mort mais ici pas de psychologie derrière cette colère. Ce portrait cru et sans concession d’un adolescent meurtrier nous bouleverse: il met à jour une société impitoyable qui génère fracture et exclusion. Selon Sebastian, nous en sommes tous coupables.
Une mise en scène sans artifice et sans concession renforce le malaise qui nous saisit.
Mireille Davidovici
Salle Benoît XII, jusqu’au 17 juillet.